« Je n’ai pas acheté cette chambre à un prix aussi élevé pour la gâcher »

« Je n’ai pas acheté cette chambre à un prix aussi élevé pour la gâcher »
« Je n’ai pas acheté cette chambre à un prix aussi élevé pour la gâcher »

Le producteur d’Alex Lutz et Nicolas Canteloup a déboursé 8 millions d’euros pour acquérir l’usine parisienne construite en 1907. Son objectif ? Remplacez les événements « trop idéologiques » par du théâtre, des artistes pop-rock et de l’humour.

Jean-Marc Dumontet : « Mon ambition est que Gaveau redevienne ce qu’il devrait être, c’est-à-dire une place d’excellence. » Photo Sébastien Soriano/Figarophoto

Di Sébastien Porte

Publié le 28 novembre 2024 à 13h00

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HA À l’image de sa programmation actuelle, Gaveau, historiquement, a toujours eu une vocation un peu globalisante. Construite en 1907 par le célèbre facteur de pianos du même nom, la vénérable salle de concert de la rue La Boétie (Paris 8ᵉ) a d’abord été conçue comme un écrin par son propriétaire, Étienne Gaveau, à l’instar des salles de spectacle équipées par son concurrent Érard (rue du Mail , 2ᵉ ) et Pleyel (rue Rochechouart, 9ᵉ, puis rue du Faubourg-Saint-Honoré, 8ᵉ) : le public se rendant au spectacle devait d’abord traverser la salle pour admirer les instruments exposés.

Bientôt, grâce à son acoustique incomparable, Gaveau devient LA salle de référence de la capitale en matière de récital instrumental et de musique de chambre. Acoustique grâce à son plan rectangulaire voulu par l’architecte Jacques Hermant, telle une boîte à chaussures en béton armé qui lui confère un son pur et sec, sans pilier central qui pourrait obstruer la vue. Depuis ses origines, elle a vu défiler tous les grands noms de la musique classique : Debussy, Cortot, Enesco, Kreisler, Casals et Ysaÿe au début du siècle, Wanda Landowska dans l’entre-deux-guerres, Samson François après la guerre… En 1998, Rostropovitch a fait don des bénéfices d’un récital pour payer un nouveau parquet. En 2001, Roberto Alagna espère sa réouverture après une période de rénovation. Plus récemment, en 2012, un partenariat avec le label Naïve fait venir sur scène des artistes comme Nelson Goerner (piano), Anne Sofie von Otter (mezzo-soprano), mais aussi Jacques Higelin ou Piers Faccini, inaugurant une orientation moins classique.

Une programmation « pas assez lisible »

La pianiste Marisa Borini, mère de Carla Bruni-Sarkozy, s’est également souvent produite dans cet environnement aux décors gris tourterelle, agrémentés d’or antique. Et cela nous offre une transition facile pour aborder l’autre côté de Gaveau, une partition plus politique, avec un ton clairement de droite. Outre les programmes de musique de chambre, ce temple de la musique, situé à deux pas de l’Elysée et de l’hôtel Bristol, a accueilli des meetings de défenseurs de l’Algérie française en 1958, un gala de jeunes gaullistes opposés à Mitterrand en 1983, des rassemblements de militants sarkozystes. à Anni 2000, meeting de Rachida Dati à l’occasion des élections municipales de 2020 Le soir du 6 mai 2007. Nicolas Sarkozy a même prononcé son premier discours en tant que président. Et récemment, Le Figaro elle organise des conférences avec des intellectuels de droite, tandis que Christine Kelly, de CNews, reçoit régulièrement des chroniqueurs dans ses programmes. A ces diverses célébrations on pourrait aussi ajouter, en masse, les ventes Hermès de la fin des années 1990, les défilés de mode, les tournages de films, les remises de prix des grandes écoles…

Dans ce manifeste de pacotille, sans identité claire, le nouvel repreneur Jean-Marc Dumontet annonce qu’il va faire un grand ménage de printemps. Depuis le rachat du fonds et de la marque Gaveau fin octobre pour 8 millions d’euros, elle a déjà procédé à une première rénovation du site : les structures de la salle Rostropovitch ont été remplacées, tout comme la marquise de la façade ; les murs ont acquis des tons plus chauds ; un restaurant a été créé, ouvert en continu à partir de cette semaine, avec une carte de haut niveau préparée par le restaurateur italien Finzi et une terrasse qui se prolonge dans le hall. Et pour sa première saison, dont le contenu sera dévoilé début 2025, l’entrepreneur-producteur, premier partisan d’Emmanuel Macron, devrait marquer la fin d’événements aux trop nombreuses connotations idéologiques, tout en conservant des partenaires historiques dans la musique classique, comme Philippe Maillard Productions. « La programmation actuelle n’est pas assez claire, les conférences prennent trop de place. Il faut coordonner toutes ces propositions pour que Gaveau retrouve ses lettres de noblesse », confier.

En 1975, suite à la faillite de l’entreprise Gaveau dix ans plus tôt, le lieu faillit devenir un parking. Finalement, une fois repris en 1976 par les époux Chantal et Jean-Marie Fournier (qui sont toujours propriétaires des murs), il est devenu un « garage », c’est-à-dire des locaux loués à des producteurs différents et diversifiés. Dumontet, de son côté, le veut « réorienter le concept », donner plus d’espace à la création. «Je n’ai pas acheté cette chambre à un prix aussi élevé pour la ruiner ou la banaliser, assure. Mon ambition est qu’il redevienne ce qu’il devrait être, c’est-à-dire un lieu d’excellence. » Il dit qu’il veut garder la musique classique telle qu’elle est “colonne vertébrale” ? Alors, mais en même temps, le producteur d’Alex Lutz et Nicolas Canteloup souhaite faire venir au théâtre des artistes pop-rock dans des formations légères, des concours et, bien sûr, de l’humour. Quitte à doubler le nombre de séances du soir : l’une à 19h, l’autre à 21h. Une équation pas facile à résoudre. Gaveau n’en a peut-être pas fini avec sa vocation de touche-à-tout.

 
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