l’essentiel
À la télévision et dans son mythique magazine « Métal Hurlant », Jean-Pierre Dionnet n’a cessé de nous donner les clés d’un monde fantastique, pop, turbulent et coloré. Un voyage unique qu’il raconte dans « Ma Moire – un pont sur les étoiles » (éditions Au Diable Vauvert) et qu’il présentera ce jeudi à la bibliothèque Fabre. Rencontre.
Musique, bandes dessinées, livres… Longtemps, Jean-Pierre Dionnet, entouré de passionnés de pop culture comme Philippe Manœuvre, Philippe Druillet et bien d’autres, nous a montré où soufflait le vent culturel, a ouvert nos horizons et ébranlé notre imaginaire. Il raconte l’incroyable aventure de « Métal Hurlant » avec verve et humour dans des souvenirs à savourer, à savourer, à chérir.
« Mes Destins » est-il la nouvelle édition de l’autobiographie d’un homme de 77 ans qui refuse de quitter le monde de l’enfance ?
C’est exact! Je passe mon temps à relire et redécouvrir des choses, comme « Flash Gordon » récemment. J’ai un immense grenier mental, une gigantesque réserve de livres et de disques – 200 mètres d’étagères à disques ! C’était le bon moment pour parler de « Métal Hurlant », mais aussi « Les Enfants du rock », « Cinéma de Quartier »… C’est facile de redevenir un enfant quand on ne l’a jamais vraiment quitté…
Vous avez créé « Métal Hurlant » en 1975. Qu’est-ce qui a précédé ?
J’adorais « Pilote » et j’étais un grand fan de Tintin, Spirou et bien sûr René Goscinny. C’est lui, ce génie absolu, qui m’a appris à ne pas regarder les auteurs pour des raisons politiques, sociales ou autres : il accueillait des garçons en costume et des hippies dégoûtants ! Mandryka a trouvé le titre « Métal Hurlant » et bon, on voulait l’appeler « Banane Mécanique » !
On s’est lancé, avec toutes ces influences, comme Will Eisner et bien d’autres. Très important était « Le Bandard Fou » de Moebius. Philippe Druillet (brillant créateur, né à Toulouse en 1944, du célèbre Lone Sloane, ndlr) a fait ce que voulait « Pilote », puis il est arrivé chez nous et tout s’est mis en place. Nous avons fait un journal extraordinaire, je le pense vraiment.
Avez-vous l’impression d’avoir amené la bande dessinée à l’âge adulte ?
Nous avons inventé la nouvelle bande dessinée. Nous étions passionnés de science-fiction et de fantasy et n’étions pas autorisés aux moins de 18 ans, grâce à tante Yvonne ! Tout était là dans « Métal Hurlant » : c’était sexy, provocateur, parfois dérangé. Je pense par exemple à JoKo, au « Garage Hermétique » de Moebius… Quelqu’un comme Margerin a réalisé ses premiers succès chez nous : il se croyait inutile avant de créer « Lucien » ! Attention, dans les comics il y a beaucoup d’appelés, mais peu d’élus. Je dis toujours aux designers : « Ne regardez jamais votre travail sur un ordinateur ! » Pour le public, je suis un transmetteur d’idées. D’autres ont joué ce rôle sur moi et d’autres le font et le feront après moi.
Qui plus précisément remplit aujourd’hui ce rôle de « passager » que vous occupez depuis si longtemps ?
Aujourd’hui les films se “cultisent” : on nous raconte le nouveau film culte Machin ou Machin, mais un film culte est un film qui n’a pas marché à sa sortie, que peu ont vu et qui au fil des années est devenu incontournable. Cult ne voulait rien dire à sa sortie ! Les films d’Argento et Carpenter sont devenus cultes grâce à nous et à d’autres qui ont fait circuler le bouche à oreille. Le seul qui a changé cela récemment est Tony Scott. Quand je vois « Man on Fire », je prends une leçon de style et je me dis : « Soit c’est con, soit c’est génial !
Pour revenir à votre question, Internet peut servir à tirer les ficelles, à faire découvrir des choses oubliées, car c’est vrai qu’il n’y a plus de programmes télé sur le rock – on a fait “Les Enfants du rock” et “Sex Machine” avec Maneuver, qui a très bien fonctionné. Quand on joue « Billie Jean », Michael Jackson a vendu 50 000 albums en France, le lendemain on enregistre deux millions de commandes !