Une école alternative pour les jeunes exilés face à la menace du RN

En 2015, au plus fort de la « crise » migratoire, des Bretons des Monts d’Arrée, dans le Finistère, décident d’apporter leur soutien aux migrants qui se trouvaient autour de Calais. Très vite, sous l’impulsion de quelques militants, l’association Les Utopistes en action est créée dans le but d’aider les exilés et notamment les mineurs isolés présents dans le Finistère.

L’école alternative, structure éducative bénévole, a été créée en 2018 d’abord sur la commune de Cloître-Saint-Thégonnec. Suivra une maison d’accueil, lieu d’hébergement des jeunes étudiants de l’école. Aujourd’hui et depuis 2021, l’école a déménagé sur la commune de Pleyber-Christ avec le soutien de son maire, Julien Kerguillec, et du conseil municipal.

La structure accueille une quinzaine de jeunes et reçoit chaque jour entre quinze et vingt élèves à l’école. Parmi tous ceux qui sont passés·Grâce à l’école, beaucoup vivent et travaillent désormais dans la région. Un lien fort s’est créé au fil des années entre l’école, les bénévoles et les jeunes accueillis.

Cohabitation avec des résidents·Les environs ont toujours été bons, notamment grâce à l’aide de bénévoles locaux. Mais les résultats des élections européennes du 9 juin, où le Rassemblement national a recueilli plus de 31 % des voix au niveau national et un quart des voix dans le Finistère et dans les deux communes de Pleyber-Christ et Cloître-Saint-Thégonnec , font craindre ce qui va se passer après les élections législatives anticipées du 30 juin et du 7 juillet.


La statue marque l’entrée de la commune de Pleyber-Christ où est hébergée depuis 2021 l’école alternative des Monts d’Arrée avec le soutien de l’équipe municipale. Auparavant, l’école était située sur la commune de Cloître-Saint-Thégonnec avant le changement de maire suite aux élections municipales de 2020.

©Olivier Ceccaldi


Pleyber-Christ, 19 juin 2024. Ce matin-là, à l’école alternative, Pierre attend avant la rentrée des cours. Pour lui, le résultat historique du Rassemblement national aux élections européennes ne le concerne pas. Bien sûr, il a vu les informations sur la situation politique à la télévision, mais il ne voit pas vraiment comment cela affectera sa vie quotidienne. Arrivé à l’école en début d’année, il devient coiffeur attitré de la maison. D’ailleurs il se dit que peut-être, un jour, il pourra en faire son métier.

©Olivier Ceccaldi


Florence, bénévole, accueille un nouveau jeune à l’école alternative. Elle réalise avec lui un test de compréhension du français pour pouvoir évaluer son niveau académique et adapter son emploi du temps. Pour le bénévole, “l’association n’a aucune vocation politique”. Et même si elle juge la situation actuelle préoccupante, Florence insiste sur le fait que « l’objectif principal de l’école est de continuer à accueillir et à accompagner » étudiants.

©Olivier Ceccaldi


Les élèves de l’école font une pause au soleil avant de retourner en classe. Pour ces jeunes, il est difficile d’appréhender l’avenir. Certains ne voient pas la différence entre la perspective de l’arrivée au pouvoir du Rassemblement national et la politique migratoire actuelle qui les rejette déjà.

©Olivier Ceccaldi


Sten est un éducateur employé par l’association. Habitant la région depuis des années, il voit dans les résultats du 9 juin le « confirmation d’un discours raciste de plus en plus libéré » autour de lui.

©Olivier Ceccaldi


Dans le couloir de l’école, les pages du livre Brun du matin de Franck Pavloff sont exposées au mur. L’œuvre raconte comment le fascisme prend le pouvoir et impose progressivement une pensée singulière et raciste.

©Olivier Ceccaldi


Sur la commune de Cloître-Saint-Thégonnec, Sandrine Corre, fondatrice de l’association Les Utopistes en action et directrice de l’école alternative, chez elle. Elle ne se dit pas “pas de surprise” par les résultats des élections européennes qui “il fallait s’y attendre” au vu de la « sentiment d’abandon » ressenti par de nombreux habitants de la région. Elle reconnaît qu’il existe des personnes racistes et sait par expérience que les peurs disparaissent dès qu’un lien se crée, par exemple, entre les jeunes et les habitants. Ce qui fait le plus peur à Sandrine Corre, c’est « l’arrivée en politique de ces idées d’extrême droite », même si les effets du durcissement de la politique migratoire se font notamment sentir au niveau des préfectures lors de la demande ou du renouvellement des titres de séjour. Pour elle, « il faut se préparer à faire face à la prise du pouvoir par le Rassemblement National » en continuant à faire vivre les écoles alternatives, surtout si demain « ce que nous faisons devient illégal ».

©Olivier Ceccaldi


Julien Kerguillec, maire depuis 2020 de Pleyber-Christ, dans la salle commune de la mairie. En 2021, le maire et l’équipe municipale ont soutenu l’installation de l’école alternative sur la commune. Cette décision a été « la suite logique de l’engagement de la ville en faveur de l’accueil des réfugiés », depuis 2015 et l’ouverture d’un centre d’accueil dans les locaux actuels de l’école, précise le maire. Il était ” surpris “ par les résultats locaux du Rassemblement national du 9 juin, et les perçoit comme « un vote sanctionnant la politique du gouvernement actuel ». Mais au niveau municipal, il n’a observé aucun comportement raciste et “n’envisage pas la victoire du RN au niveau local” aux élections législatives du 30 juin et du 7 juillet. Une victoire au niveau national « ne changerait rien à l’engagement pris pour accueillir l’école » au sein de la commune, assure-t-il.

©Olivier Ceccaldi


Le Cloître-Saint-Thégonnec en novembre 2023. La forêt qui s’étend entre la maison d’accueil et la commune de Pleyber-Christ est devenue depuis des années un lieu prisé des nombreux jeunes accueillis à la maison. Pour Joseph*, c’est ici qu’il « réussi à retrouver son calme » après la folie du chemin de l’exil. Aujourd’hui, il vit toujours dans la région et travaille comme électricien pour une entreprise locale. Il revient ici de temps en temps pour se ressourcer et espère que la situation “ça ne deviendra pas plus compliqué” pour lui et les autres élèves de l’école après le 7 juillet.

©Olivier Ceccaldi


Lettres d’insultes et de menaces reçues en mars dernier par Sandrine Corre, directrice de l’école alternative. Cette lettre fait suite à de nombreux articles de presse qui ont fait état du soutien apporté à Alhassane, un ancien étudiant qui se bat depuis des mois pour obtenir un titre de séjour.

©Olivier Ceccaldi


Adama*, mineur ivoirien, prie dans sa chambre de la maison d’accueil située sur la commune de Cloître-Saint-Thégonnec. Un mois plus tôt, un homme avait tenté d’incendier la mosquée de Morlaix, où les jeunes de l’école alternative se rendent parfois pour la prière du vendredi. Cet acte intervient dans un contexte d’attaques croissantes de l’extrême droite sur le sol breton, à Callac, Saint-Brevin, Rennes, entre autres.

©Olivier Ceccaldi


L’un des élèves de l’école, Karamoko, effectue un stage dans un magasin de bricolage local. La solidarité entre les habitants de la ville et l’école est toujours d’actualité. Pour ce jeune homme, « apprendre à travailler, c’est mieux comprendre comment les gens vivent ici ».

©Olivier Ceccaldi


Le Cloître-Saint-Thégonnec, en février 2024. Sur le chemin menant à l’école alternative, un message de soutien aux exilés est écrit en breton : « Repuidi Deuet Mat », qui signifie « Bienvenue aux réfugiés ». C’est un slogan porté par les mouvements antifascistes bretons.

©Olivier Ceccaldi

*les prénoms ont été modifiés sur demande

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