« Ni moi ni mes collaborateurs n’avons dormi depuis des semaines, bienvenue à Patrick van den Bogaerde. Je suis ici depuis près de 30 ans et j’ai toujours eu l’assurance que mon bail ne serait pas remis en question. La Tartine, c’est toute ma vie. Et c’est aussi le cœur du village de Lasne, ce n’est pas qu’un bistrot. Et puis je devrais accepter l’idée de devoir fermer dans un peu plus d’un an ? C’est inimaginable.
J’ai fait de gros travaux de rénovation dans cette maison à l’époque. Bien au-delà de ce que ferait un locataire. La salle de spectacle, les deux boulodromes, la terrasse extérieure… J’aurais aimé acheter la maison, mais son propriétaire de l’époque Léon Jaumotte – qui était également échevin – ne voulait pas la vendre car c’était sa maison familiale. Nous nous entendions très bien et il m’a promis qu’une fois terminé, le bail commercial serait prolongé de 9 ans pour que j’atteigne l’âge de la retraite. Cette promesse m’a été renouvelée verbalement devant témoins. J’étais donc parfaitement calme.
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Un projet immobilier en préparation ?
Léon Jaumotte ayant disparu en 2012, ce sont ses trois filles, aujourd’hui septuagénaires, qui ont hérité de la propriété de l’immeuble. La décision de ne pas renouveler le bail leur appartient donc. Et l’explication qu’ils ont donnée à leur locataire est assez surprenante.
« J’ai reçu une lettre disant que les dames Jaumotte allaient exploiter elles-mêmes la Tartine. Du coup, légalement, je n’aurais droit qu’à 24 mois d’indemnisation… Cela représente une somme avec laquelle je Je ne pourrai même pas payer les préavis de mes collaborateurs.
En réalité, je ne crois pas un instant que les sœurs Jaumotte s’intéressent aux affaires. Aucun d’entre eux n’a jamais exercé d’entreprise. J’ai la ferme conviction que le projet est plutôt de fermer La Tartine et d’abattre les murs pour laisser la place à un projet immobilier. Chaque jour des gens viennent m’en parler . Les bruits sont très insistants à ce sujet. Et il n’y a pas de fumée sans feu.
En fait, c’est super triste pour le village et mon staff plus que pour moi. La Tartine reste encore un des rares endroits où l’on se parle, se retrouve pour partager… Après, le centre du village sera meurtrier. De plus, le Le magasin d’antiquités a également fermé ses portes et je pense que d’autres suivront. Que restera-t-il de la vie au centre de ce village que j’aime et que les Lasnois aiment ?
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La Tartine, c’est un peu la salle communautaire de Lasne
Parce que le village ne dispose pas de salle communautaire, La Tartine, située juste en face de l’église et à proximité d’un parking, est devenue le lieu de rencontre de toutes les générations. De nombreuses associations locales bénéficient d’un accès gratuit à la salle qui sert également à des spectacles, des rencontres littéraires, des spectacles d’humour, des soirées politiques, à des représentations de pièces amateurs avec la Compagnie de La Tartine notamment, ou encore un lieu de retrouvailles après des funérailles…
« En fait, je ne comprends pas ce qui se passe. Cette famille était proche de moi. J’espère toujours que mes propriétaires reconsidéreront leur idée et que nous trouverons un bon compromis, dans le dialogue et dans l’intérêt du village.
Mais comme sa parole n’a pas été tenue, le patron de La Tartine se mobilise et s’est adjoint les services d’un avocat. Il note également que l’affaire ne sera pas portée devant un juge avant octobre 2025, si le conflit emprunte cette voie. “Et là, si ça va mal, dans 13 mois et demi, tout sera fini.”