Le roman Houris (Gallimard), de Kamel Daoud, Prix Goncourt 2024, s’est-il construit sur une violation du secret médical ? C’est l’accusation portée par Saâda Arbane, seule survivante d’un massacre qui a emporté sa famille pendant la guerre civile des années 1990, en Algérie, alors qu’elle n’avait que 6 ans. Cette femme a déclaré, le 15 novembre sur One TV, chaîne privée algérienne, que le roman est en fait une transposition de ses confidences à l’épouse de l’écrivain franco-algérien, psychiatre, qu’elle a commencé à consulter en 2015 devant le thérapeute. marié à Kamel Daoud.
Saâda Arbane, accompagnée de son mari et aidée par un appareil pour s’exprimer – elle a perdu l’essentiel de sa voix, séquelle d’une tentative d’égorgement – a ainsi affirmé avoir ensuite explicitement informé son médecin et l’écrivain de son refus de s’exprimer. divulguer son histoire. Cependant, elle dit retrouver dans le personnage d’Aube des détails de son histoire qui ne seraient connus que de son psychiatre : « Il y a trois ans, j’ai été invité par Mmoi Daoud pour prendre un café chez eux, à Hasnaoui. Kamel Daoud m’a alors demandé s’il était possible de raconter mon histoire dans un roman, j’ai refusé. Plus tard, sa femme m’a dit qu’il était en train d’écrire un livre et je lui ai dit que je ne voulais pas qu’il parle de mon histoire. Elle m’a dit “Pas du tout… je suis là pour te protéger”. Houris “est une violation de ma vie privée”conclut-elle.
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« D’un point de vue juridique, cette affaire soulève de nombreuses questions, écrit le quotidien algérien El Watan. L’accusation de Saâda Arbane repose sur la violation du secret professionnel, un délit qui pourrait entraîner des poursuites contre l’épouse de Kamel Daoud, si les accusations étaient avérées. Quant à l’écrivain, bien qu’il ait écrit un roman dont les similitudes avec la réalité de Saâda sont frappantes, il serait difficile d’engager des poursuites contre lui, tant que le lien direct entre son livre et l’histoire de Saâda n’est pas explicite et n’est pas cité nommément. »
“Personnages purement fictifs”
Kamel Daoud et sa maison d’édition n’ont pas été autorisés à participer au Salon international du livre d’Alger qui s’est terminé samedi : le roman Houris est également interdit en Algérie. Les défenseurs de Kamel Daoud dénoncent une campagne de dénigrement de l’écrivain et soutiennent que les romanciers du monde entier s’inspirent de faits réels. “Oui Houris s’inspire des événements tragiques survenus en Algérie pendant la guerre civile des années 1990, son intrigue, ses personnages et son héroïne sont purement fictifs”assure Antoine Gallimard dans un communiqué. « Depuis la parution de son roman, Kamel Daoud fait l’objet de violentes campagnes de diffamation orchestrées par certains médias proches d’un régime dont on connaît la nature »dit encore le texte.
Arezki Aït Larbi, le directeur des Editions Koukou, maison algérienne également interdite de participation au salon du livre d’Alger, dénonce sur son compte Facebook un “lynchage” OMS « ça sent l’opération sponsorisée ». Ali Bensaad, professeur à l’Institut français de géopolitique de l’université Paris VIII, tout en rappelant son « désaccords » assumé aux fonctions publiques de Kamel Daoud, a déclaré sur le même réseau social « Profondément dégoûté par la haine délirante et la joie maléfique de la meute qui se déverse contre lui. Ce n’est pas le débat que je souhaite dans mon pays. La haine est un carburant dont l’explosion finit par emporter tout le monde. Je condamne sans réserve. »
Les soutiens en Algérie semblent cependant moins nombreux que les condamnations. Beaucoup insistent sur l’importance de préserver le secret médical. « Cette affaire risque d’affaiblir et de compliquer, voire de briser, la confiance déjà fragile entre les femmes et les professionnels de santé. Il y a eu tellement de progrès en termes de sensibilisation à la nécessité d’un suivi psychologique des femmes victimes de violences en Algérie que ces abus risquent de nuire à ces progrès. écrit la féministe Hanane Trinel sur son compte Facebook.
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Kamel Daoud, rendu célèbre par ses chroniques Raina Raïkoum Dans Le Quotidien d’Orana perdu de sa popularité auprès du lectorat algérien francophone, après avoir affiché son hostilité au mouvement de protestation pacifique du Hirak et refusé de prendre position en faveur des prisonniers d’opinion en Algérie. Ses articles dans Le pointhebdomadaire
souvent considérés comme hostiles en Algérie, suscitent aussi régulièrement des polémiques.