Le déficit est supérieur à 1 million –
La négligence au cœur de la crise financière de l’Orchestre de Chambre de Lausanne
Un nouveau directeur a été nommé pour ramener OCL à la surface. Son président exclut la responsabilité de Renaud Capuçon, tandis que l’image du directeur artistique est sous le feu des médias.
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- L’OCL est confrontée à un déficit de plus d’un million de francs suisses, couvert par ses réserves.
- Les faiblesses administratives sont responsables du déficit budgétaire.
- Le président Edgar Filipino souligne l’absence de signes avant-coureurs avant la découverte.
- Les critiques contre Renaud Capuçon sont démenties par la direction.
Une table rase et une série d’articles contre le directeur artistique. Il s’agit là d’une combinaison de préoccupations dont le CAL aurait bien fait de se passer. Cependant, tout semblait bien aller dans le meilleur des mondes classiques l’année dernière, lorsque Me Edgar Filipino prend les rênes du conseil d’administration de l’orchestre, succédant ainsi à un autre avocat lausannois, Alexandre Curchod.
L’effet d’entraînement généré par l’aura de Renaud Capuçon comme directeur artistique ne cesse de faire croître la cote de l’OCL, avec une fréquentation des concerts en hausse, un nombre d’abonnés inégalé, des invitations prestigieuses urbi et orbi. De l’avis général, la dynamique entre le violoniste directeur et les musiciens est bonne, voire excellente.
C’est donc un coup de tonnerre qui a éclaté publiquement en août avec la publication quasi simultanée d’un article de «Cliquez» et un communiqué du Conseil d’administration de l’OCL annonçant un découvert de plus d’un million de francs en deux saisons («24 heures » du 21 août), suivi, par une inquiétante coïncidence, d’un série d’enquêtes contre Renaud Capuçon sur “Le Temps” et Heidi.news.
La faute est portée aux « faiblesses » administratives. Le directeur exécutif a également démissionné ce printemps (officiellement pour des raisons personnelles) et est remplacé depuis mi-juillet par Dominique Meyerdirecteur de la Scala de Milan jusqu’en février 2025, qui a déjà présenté un plan de sauvetage financier jugé très rassurant. Mais dont les détails n’ont pas encore été communiqués.
Les réserves couvrent le déficit
Comment des erreurs peuvent-elles finir par creuser un trou aussi profond ? Retraçant les événements des derniers mois, Me Edgar Filipino insiste d’abord sur le fait qu’il n’y avait aucun signe avant-coureur permettant de déceler cette situation : « La surprise a été de taille lors de la clôture des comptes de la saison 2022-23. Nous avons constaté un déficit de fonctionnement, entièrement couvert par les réserves. Mais comme ces erreurs ont des répercussions à long terme, les déficits concernent aussi la saison 2023-24, qui n’est pas encore terminée, et nous avons tout fait pour les contenir. Nous demanderons le fonds de soutien de la Ville de Lausanne pour cet exercice. Et nous visons à atteindre le seuil de rentabilité pour la saison 2024-25.
Les raisons d’un tel déficit ont de quoi embarrasser le Conseil d’administration. Lorsque le pot aux roses fut découvert, l’administration de l’orchestre resta effectivement vacante pendant plusieurs semaines, reprise par le conseil d’administration et son président. On en sait un peu plus sur les causes, et elles sont nombreuses : surcoûts des musiciens, frais de communication excessifs, reports de projets, de planning, de logistique, etc.
Au total, « une accumulation de frais administratifs hors budget ». Décryptage : « L’attention portée par la direction au suivi comptable et à l’anticipation des dépenses administratives excessives était clairement insuffisante », explique Edgar Filipino. Mais rien de malhonnête. Notre priorité était de mettre en place un meilleur système de contrôle interne. Et identifier les mesures d’économies les plus efficaces.
Après que les musiciens de l’orchestre nous ont fait part d’une administration « terrible », qui aurait aussi des conséquences sur leurs conditions de travail, on comprend peu à peu que c’est toute la direction qui était remise en question. « Ces problèmes ont été portés à ma connaissance – assure le président – et la nouvelle direction accordera une attention particulière à ces questions de programmation, pour le bien-être des musiciens. C’est pourquoi nous sommes heureux d’avoir pu nommer rapidement Dominique Meyer comme notre nouvelle directrice générale, dont la marque de fabrique est d’aligner la partie artistique et le budget.
Renaud Capuçon esonerato
Les accusations portées en août par le « Blick » d’un orchestre qui dépense sans compter sur l’impulsion de son directeur artistique ont été vigoureusement rejetées par Edgar Filipino et Renaud Capuçon. Officiellement, pour l’OCL, elles sont infondées et ne changent en rien la situation relative aux relations entre eux. Selon le président, l’épisode a même renforcé l’estime de l’orchestre à son égard : « En tant que directeur artistique, Renaud Capuçon ne prend pas position sur les questions budgétaires. Il n’y a pas l’ombre d’un problème avec lui. En effet, ces derniers mois, il a été déterminant pour nous aider à trouver des solutions, mettant toute sa disponibilité et ses idées au service de l’orchestre. Je peux témoigner de son attachement et de son dévouement. Son implication dans cette mission est remarquable.
Même son de cloche du côté de la Ville de Lausanne et de son chef du Département de la Culture, Michael Kinzer: «On ne peut pas reprocher à la personne qui doit porter l’image artistique de porter des idées et des envies. C’est son rôle. Mais nous devons lui dire oui ou non. Il n’est pas le seul commandant à bord. OCL a sans doute vécu au-dessus de ses moyens, mais on ne peut pas en vouloir à son directeur artistique.”
Matteo Chenal il est journaliste à la section culturelle depuis 1996. Il traite notamment de l’importance de la musique classique dans le canton de Vaud et en Suisse romande.Plus d’informations
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