De Paris à Casablanca, Lilya Ennadre fait revivre le cinéma de sa mère

Grâce à la pratique artistique de ses deux parents, Lilya Ennadre s’est immergée dans le monde de la création, avant même de choisir sa vocation. Cet environnement familial aura façonné son parcours professionnel. « Ma mère était constamment absorbée par son travail. Comme beaucoup de réalisateurs, cela faisait partie de son quotidien. Tout ce qui nous entourait alimentait ses réflexions sur son film actuel ou à venir. Elle a été très attentive et m’a éduqué dans cette façon de voir le monde”, se souvient l’actrice franco-marocaine.

« Mon père, qui est également cinéaste, a consacré sa vie – et le fait encore aujourd’hui – à filmer les luttes qu’il défend et le monde qui l’entoure. C’est ce regard quotidien vers la caméra qui m’a accompagné en grandissant », nous raconte Lilya Ennadre. Dès son plus jeune âge, le Parisien s’est senti “habité en permanence par cette envie de cinéma, par cette même envie de raconter des histoires”.

« Je le fais aujourd’hui en tant qu’actrice, mais avec une approche qui s’apparente presque à du documentaire. Je me prépare beaucoup pour chaque rôle que je joue. Je rassemble le bagage nécessaire et travaille très intellectuellement, en amont, avant de passer devant la caméra. Cela me vient de ce patrimoine documentaire de mes parents », nous raconte-t-il.

«Je rêvais tellement de devenir actrice que je ne me souviens plus quand je l’ai réalisé. J’ai passé mon enfance à me créer des personnages, j’étais fasciné par les plateaux de tournage, voir l’émotion des gens qui racontent leurs expériences devant la caméra de ma mère (…) Elle a senti en moi cet appel du cinéma mais tous les deux Mes parents avaient des réserves à propos de mon évolution sur le terrain. Lorsqu’ils ont compris que c’était vraiment ma vocation, ils m’ont soutenu de tout cœur. »

Lilya Ennadre

Dalila Ennadre et sa fille Lilya / DR

Un cinéma de gens ordinaires

Fille de la documentariste marocaine Dalila Ennadre, l’actrice garde de précieux souvenirs et conseils de vie de sa mère, décédée en mai 2020. « La dernière chose qu’elle m’a dite sur le cinéma, c’est : ‘ma fille, tu as des talents, mais toi, tu en as’. Je n’ai pas besoin de travailler. Aujourd’hui, j’y mets toute mon énergie, qu’il s’agisse de cours, de préparation à un poste ou de réseautage professionnel. Pour moi, c’est une ligne directrice de rester les pieds sur terre”, nous raconte Lilya Ennadre, qui a consacré une rétrospective itinérante à l’œuvre du défunt cinéaste, à travers les Instituts français du Maroc.

Cette tournée de dix villes vous est proposée par Laya Prod, un site de production et de distribution lancé par Dalila Ennadre en 2019 et désormais exploité par Lilya Ennadre. Cette rétrospective est soutenue par le Conseil de la Communauté Marocaine à l’Etranger (CCME), 2M, la Fondation BMCI et Culture Plus Conseil. L’actrice est heureuse de voir ce projet se concrétiser. « J’ai contacté les instituts français qui ont été très réceptifs. Les choses sont allées vite, même un peu plus tôt que ce que j’avais prévu pour le cinquième anniversaire », nous raconte-t-il.

Pour elle, c’est aussi « une manière de s’exprimer ». [sa] gratitude à [sa] mère, pour le précieux héritage qu’elle a [lui] diffusés et à travers des films qui [lui] révèlent de nombreuses leçons de vie. Ainsi, « raviver le souvenir et le raconter » aide le jeune artiste à maintenir le lien avec le défunt. « C’est la résonance du souvenir qui maintient la personne vivante dans l’esprit des gens », se souvient Lilya.

“Aujourd’hui, je sens que mon père et ma mère sont très heureux du parcours professionnel que j’ai entrepris et de voir que je ne trahis pas mes convictions pour les rôles”, nous dit-il. Au Maroc, Lilya Ennadre a pris l’initiative de faire de cette rétrospective un moment d’hommage à sa mère, mais aussi de partage avec tous, comme regarder le cinéma de Dalila Ennadre. Au programme, les sept films documentaires sont liés aux enjeux de société, “pour continuer à faire résonner ce précieux patrimoine”.

Le souhait de Lilya Ennadre « est que cette tournée ne se limite pas au seul Maroc ». Dans ses projets, il entend proposer l’initiative en , en Espagne ou encore en Egypte, étant donné que les thèmes abordés dans ces films “sont universels et transcendent les frontières”. Mais le début de l’événement au Maroc part du « lien viscéral » de Dalila Ennadre avec son pays d’origine. En ce sens, Lilya “témoigne de l’énergie impressionnante dont elle a fait preuve pour donner le meilleur d’elle-même, malgré sa maladie, notamment au cours des deux dernières années de sa vie”.

En effet, l’actrice rappelle que chacun des séjours de sa mère à la campagne lui a permis de “redécouvrir l’énergie vitale” pour se consacrer à la création. «Dans ses rencontres, il retrouvait à chaque fois l’essence de son message humanitaire», souligne sa fille. Le premier film projeté dans le cadre de cette rétrospective était le documentaire posthume de Dalila Ennadre, « Jean Genet, notre père des fleurs ». Sa fille a elle-même supervisé la création de cette œuvre, également récompensée pour ses qualités artistiques et son approche innovante du genre.

Des projets entre fiction et approche documentaire

Auparavant, la jeune actrice avait accompagné sa mère lors du tournage, s’immergeant également dans la médina de Casablanca, où a grandi Dalila Ennadre. Entre 8 et 9 ans, Lilya a passé un an dans le quartier de la famille de sa mère. Elle s’imprègne des habitudes et du mode de vie des femmes de la ville historique de Casablanca, fréquente l’école publique, apprend l’arabe et en apprend davantage sur la situation sociale de son entourage, voisins et proches.

Dalila Ennadre

« Je pense que sans les films de ma mère, je n’aurais pas connu le Maroc tel que je le connais aujourd’hui. Elle était une porte-parole du peuple et je suis heureux de perpétuer son héritage. J’ai eu la chance d’avoir accès aux personnes qu’il a filmées en racontant intimement leurs expériences, notamment les femmes de la médina. [dans ‘El Batalett’, disponible sur les réseaux sociaux de l’Institut français du Maroc, ndlr]. J’ai appris à ne pas regarder le pays à travers le filtre des préjugés qu’on nous vend au cinéma. Je ne connais aucun cliché de la femme marocaine.”

Lilya Ennadre

Autant dire que Dalila Ennadre “a su faire de ses films le miroir des gens qui s’y retrouvent et s’y reconnaissent, c’est pour cela qu’on l’aime tant”. De fil en aiguille, travaillant son parcours artistique ainsi que le travail de sa mère, Lilya prend de plus en plus goût à la mise en scène, avec une prédilection pour la narration qui laisse de plus en plus de place à la liberté d’imaginer. Il nous confie ressentir « de plus en plus l’appel du pays ».

« Jusqu’à il y a un an, je n’avais jamais eu l’idée de me mettre derrière la caméra. J’ai toujours été fasciné d’accompagner ma mère, mais sans ressentir le besoin de me filmer. Maintenant que je m’engage pleinement à perpétuer son héritage et à m’immerger dans son univers cinématographique, je me dis qu’il y a encore tant de choses à montrer et à faire.

Lilya Ennadre

Lilya EnnadreLilya Ennadre

C’est ce que pense Lilya Ennadre depuis mai dernier. Après “un flash” et “des images très nettes”, il éprouve désormais “l’envie brûlante” de réaliser un film biographique sur la vie de sa mère, “celle qui a passé sa vie à filmer celle des autres”. “J’aimerais lui faire ce cadeau et montrer une face plus intime d’elle, ce qui l’a conduite sur le chemin du septième art et quel chemin de vie l’a amenée à porter ces questions universelles auxquelles elle est confrontée dans ses films”, déclare l’actrice. nous.

« J’admire sa force, sa résilience, son humanité. Pour faire un parallèle avec son dernier film, il pose la question de ce que l’on fait de nos douleurs et comment profiter de chacune d’elles pour continuer à vivre debout », nous raconte Lilya Ennadre. C’est ce qu’a fait la défunte réalisatrice, dans son documentaire posthume, dans lequel elle “filmait la vie dans un cimetière, écrasée par la maladie”.

Pour l’héritier, cette œuvre “est un message universel d’espérance et d’amour”. En plus de ses projets d’acteur, il envisage son prochain film comme une fiction, l’histoire de “quelqu’un qui, tout au long de sa vie, a tout fait pour rester debout face aux défis de la vie”.

 
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