Je veux que ce soit clair: il y a un conflit d’intérêts.
Evelyne Morin-Uhl est mon amie. Celui qui me fait rire depuis plus de 12 ans. Celui avec qui je regarde la série Blanche certains après-midi de semaine. Celle qui vit avec un cancer du sein métastatique. Celui qui, malgré des traitements difficiles et une perte d’énergie, est déterminé à aider les familles qui doivent faire face à la maladie.
Et si je vous parle d’Evelyne aujourd’hui, c’est parce qu’elle a co-écrit un livre avec son fils de 11 ans, Antoine Cécyre : Les montagnes russes – Un livre-jeu pour les enfants (ou adultes) dont un proche est atteint d’un cancer.
Le livre, publié le 13 novembre, s’adresse aux enfants de 5 à 10 ans et répond à un besoin de la littérature jeunesse. Evelyne Morin-Uhl reconnaît la qualité des livres qui abordent le sujet du cancer, mais peu allient information, réflexion et interactivité. Elle a également eu du mal à trouver un livre dans lequel chacun puisse s’identifier, quel que soit son sexe, son rôle dans la famille et le type de cancer impliqué. Elle rêvait avant tout d’une collection qui adopterait un ton qui lui est cher, ainsi qu’à Antoine : celui de l’humour.
(Evelyne était membre du groupe Moquettes Coquettes et si vous écoutez le podcast La carte du cancerqu’elle co-anime pour Radio-Canada OHdio, vous remarquerez qu’elle rit encore de tout, même de sa maladie incurable… Ce qui ne veut pas dire qu’elle n’en pleure pas non plus. Dans son livre comme sous son toit, tout est permis.)
Dans Les montagnes russesles enfants peuvent faire des mots croisés qui popularisent les carrières en oncologie, se frayer un chemin dans un labyrinthe pour se rendre à l’hôpital et dessiner l’objet le plus laid dans la boutique de cadeaux. Au fil des pages, ils découvrent aussi ce qu’est une tumeur, qui était Hippocrate, à quoi sert la blouse d’hôpital et… pourquoi certains traitements affectent les crottes du malade (avec une invitation à imiter le bruit desdits pets). personne !).
Plus important encore, chapitre par chapitre, les lecteurs peuvent apprendre à se comprendre.
Extraits du livre Les montagnes russes
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J’ai grandi avec un père qui avait un cancer en phase terminale et, très honnêtement, Les montagnes russesc’est un livre que j’aurais aimé avoir, enfant (c’est pour ça que j’ai signé la préface ; gros conflit d’intérêts, je vous l’ai dit !). Enfant, j’ai vécu toute une série de conditions sans savoir comment les nommer ni sans trouver l’espace nécessaire pour les exprimer.
Lorsqu’on a un parent malade, on peut s’inquiéter plus pour lui que pour soi-même… On apprend vite à se taire sur certaines choses pour ne pas contrarier celui qu’on adore et qu’on a peur de perdre.
Nous avons tellement peur de les perdre.
Dans Les montagnes russesle petit lecteur est invité à plusieurs reprises à se situer dans ses « montagnes russes émotionnelles ». Pour l’aider, il peut identifier plusieurs sentiments grâce aux portraits réalisés par Antoine Cécyre (mes illustrations préférées du livre !). Les visages incarnent par exemple l’espoir, la joie, la colère, la peur, l’amour, le dégoût, la lassitude… De quoi nommer ce qui gronde dans son ventre.
Les pages « Pause chattete » me captivent par leurs suggestions de questions à poser à un proche atteint de cancer. Dans la dernière partie du livre, consacrée à la fin de la maladie, on retrouve notamment : « Si le cancer s’est endormi, cela veut-il dire que vous serez guéri ? » « Est-ce que tout va redevenir comme avant ? », « Vas-tu mourir d’un cancer ? » « Arrêter un traitement et accepter de mourir d’un cancer, est-ce une défaite ? »
En 2023, j’ai rencontré de nombreux spécialistes du documentaire Le deuil comme héritage (sur les jeunes familles qui doivent faire face à une maladie incurable).
La travailleuse sociale Josée Masson, de l’organisme Deuil jeunesse, a insisté sur l’importance de laisser l’enfant raconter son histoire. Pour elle, chacun doit avoir la possibilité de trouver sa place dans l’épreuve familiale.
Dans Les montagnes russesles lecteurs sont invités à créer leur « bucket à souhaits » (liste de choses à faire) en dressant la liste des activités qu’ils souhaitent absolument faire : concocter un mélange de sels de bain pour apaiser leur proche ou devenir buveur d’eau lorsque la personne qu’ils aiment tombe malade. Nous passons de la théorie à l’action.
Avec cette œuvre, Antoine prend également sa place dans la maladie de sa mère. Il a non seulement co-écrit les textes avec Evelyne, mais a également co-illustré les pages avec la directrice artistique Jeanne Joly (qui a su créer un album moderne, doux et ludique).
Bref, si je commets aujourd’hui un conflit d’intérêts, c’est parce que je crois fermement que le trio Evelyne Morin-Uhl, Antoine Cécyre et Jeanne Joly font un travail utile. Il ajoute un outil important à un arsenal qui ne sera jamais assez important pour soutenir les familles confrontées à la maladie.
D’ailleurs, si vous cherchez des munitions, sachez que le Guide Info-Famille du CHU Sainte-Justine propose de nombreux livres pour enfants et adolescents, dont de la fiction. Le loup est maladede Brigitte Marleau, et Cancer ascendant de l’autruchepar Julie Champagne. Dans la section des ouvrages populaires, on retrouve Quelqu’un que j’aime a un cancer. Mélanie Bouffard, une mère survivante du cancer, raconte son histoire en proposant des réponses aux questions que se posent les enfants qui rencontrent la maladie par l’intermédiaire de leurs proches. Des notes de la psychologue oncologue Julie Vadeboncœur ponctuent le récit. Quelque chose à apprendre de manière incarnée.
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Écoutez l’émission en podcast La carte du cancer