À Pittsburgh, 1936, Berniece vit avec son oncle Doaker et élève seule sa fille Maretha. Mais voici son frère Boy Willie de son Mississippi natal. Désireux d’acheter un terrain, Boy Willie a l’intention de vendre le piano familial dont lui et sa sœur ont hérité. Berniece est déterminée à ne rien faire, même si elle ne joue plus de l’instrument dans le salon. Ce piano orné de bas-reliefs est chargé de leur histoire.
Produit par Denzel Washington, La leçon de piano est basé sur une pièce d’August Wilson, lauréate du prix Pulitzer. Le thème de la famille ne se limite pas à l’intrigue, puisque les frères Malcolm et John David Washington l’ont respectivement réalisé et joué, avec, à la production, leur illustre père, Denzel, et leur sœur Katia. Nous avons parlé exclusivement avec les deux premiers.
« La lecture de l’œuvre d’August Wilson a été pour moi une expérience fondamentalement visuelle. J’ai tout de suite vu le film que je pouvais en faire, avec tous ces aspects métaphysiques, spirituels, mystiques, et ces thèmes principaux, comme la famille…” se souvient Malcolm Washington, qui y a tourné son premier long métrage, et que nous avons rencontré. au Festival international du film de Toronto au début de l’automne.
« La première chose que j’ai faite, c’est de créer ce grand cahier où j’ai noté tous les concepts que je voulais aborder, toutes mes réflexions sur l’afrosurréalisme, sur la spiritualité noire, sur l’histoire afro-américaine, poursuit le jeune réalisateur. Ce n’était pas « cette scène sera comme ceci ou comme cela », mais plutôt une sorte d’aperçu de l’atmosphère du film. Je me suis récemment replongé dans ce livre et j’ai été surpris de voir à quel point le film s’en rapproche. »
Pour sa façon de collaborer avec sa famille dans ses films, Malcolm Washington dit s’être inspiré de Spike Lee : modèle et mentor. Il faut dire que Lee est un ami de la famille Washington. En fait, au cours des 35 dernières années, Denzel Washington et Spike Lee ont réalisé cinq films ensemble : Des Bleus bien meilleurs, Malcom X, Il a eu le jeu, À l’intérieur de l’homme et Haut et bas (à venir).
Mots, miracles, amour
De son côté, John David Washington, qui a défendu le rôle de Boy Willie sur scène en 2022, explique avoir été frappé par la force des propos d’August Wilson.
« Les échanges animés entre sœur et frère, la dynamique entre oncles… La lignée familiale et la façon dont toutes ces relations s’inscrivent dans l’expérience afro-américaine du Sud. Esclavage… Wilson gère tout cela avec une vraie grâce. Dans cette pièce il y a des miracles et surtout de l’amour. Oui, c’est ça qui m’a frappé : la force des mots, et puis l’amour. »
Pour poursuivre la star de Principe e di Le Créateur (Le créateur) : « En ouvrant la salle comme l’a fait Malcolm, le film quitte la maison : on voit le Jim Crow South, on voit le Mississippi, on voit les rêves, les cauchemars ; nous voyons des fantômes, nous voyons du feu…”
Pour mémoire, La leçon de piano C’est la troisième fois que son père, Denzel Washington, acquiert les droits d’une pièce d’August Wilson pour la porter sur grand écran en tant que producteur, après Le fond noir de Ma Rainey (Le blues de Ma Rainey) et Clôturesqu’il a également réalisé et joué. Pour ce film cependant, papa s’est retiré au profit de ses enfants, offrant le rôle de l’oncle Doaker, qu’il aurait facilement pu jouer, à Samuel L. Jackson.
La partition de Berniece est revenue à Danielle Deadwyler, incandescente d’émotion. Pour mémoire, cette dernière a reçu de nombreux éloges pour son interprétation du rôle de Mami Till dans le drame biographique Jusqu’àen 2022.
“Berniece est la seule femme adulte dans la pièce”, note l’actrice, également présente à la réunion. « Elle agit comme une mère et protège sa fille, cette petite fille qui se retrouve parmi un groupe d’hommes. »
Le rapport au passé
Pour Danielle Deadwyler, l’une des préoccupations primordiales de l’œuvre n’est pas seulement le passé, mais aussi la manière dont chaque personnage l’ignore ou le gère.
« Nous sommes tous confrontés au passé », estime-t-il. Parfois, nous essayons d’y échapper plutôt que d’y faire face. C’est le cas de Berniece, même si, paradoxalement, elle s’accroche au piano, symbole du passé familial. Parce qu’elle refuse d’affronter le passé, celui-ci vient la hanter, la hanter, sous forme d’apparitions. »
Dans le même esprit, Danielle Deadwyler est convaincue La leçon de piano pose des questions bonnes et nécessaires : « Comment ce qui a été affecte-t-il notre développement en tant que personne ? Et comment transmettre ce passé aux générations qui nous suivront ? Cet aspect de la pièce et du film trouve une résonance très actuelle, dans la mesure où l’histoire des Noirs américains n’est pas enseignée dans de nombreux États américains. C’est l’un des thèmes de Wilson qui résonne le plus, je pense. »
Du même avis, Malcolm Washington ajoute : « Le contexte historique est intéressant, car il s’agit d’un ouvrage écrit dans les années 1980, sous l’ère Reagan, mais dont l’action se déroule dans les années 1930, pendant la Grande Dépression. Ces deux époques ont chacune des connotations très historiques. Et voilà que l’adaptation de cette pièce sort alors que les États-Unis sont à nouveau au bord du précipice, avec cette « guerre culturelle » qui fait rage. Cela montre à quel point il y a un mouvement rythmique dans l’Histoire. »
A ce propos, Malcolm Washington dit espérer que cette adaptation puisse agir comme un baume, voire un liant : « Notre film parle des retrouvailles d’une famille, des retrouvailles d’une culture : bref, des retrouvailles de gens. »
Le film La leçon de piano sortira en salles le 8 novembre et sur Netflix le 22 novembre.