Un thriller musical se déroulant dans l’univers des cartels de drogue mexicains, Émilie Pérez raconte l’histoire de Rita (Zoe Saldaña), une avocate surqualifiée, exploitée par un cabinet de Mexico, qui aide son patron à défendre les criminels, ce qui signifie qu’elle obtient tout le travail et c’est lui qui s’en attribue le mérite.
Publié à 1h23
Mis à jour à 7h30
Un puissant trafiquant de drogue, Manitas, reconnaît le talent de Rita et lui propose un pacte faustien. Une offre qu’elle peut difficilement refuser… Attention ici au spoiler : j’invite ceux qui préfèrent ne rien savoir des intrigues à s’abstenir de lire le paragraphe suivant.
Le mandat offert à Rita pour plusieurs millions de dollars ? Servir d’émissaire auprès de Manitas, marié à Jessica (Selena Gomez) et père de deux jeunes garçons, afin qu’il puisse secrètement réaliser son rêve de toujours : devenir la femme qu’il a toujours su qu’il était au plus profond de son être. Si je me permets de divulguer, c’est qu’il s’agit d’un rebondissement qui se produit au début de l’histoire ; nous n’en parlons pas Le jeu des pleurs par Neil Jordan.
Comme Manitas – et Emilia Pérez – l’actrice espagnole transgenre Karla Sofía Gascón est époustouflante (excusez-la). Elle a remporté, avec Zoe Saldaña et Selena Gomez, le Prix d’interprétation au dernier Festival de Cannes.
Dixième long métrage du Français Jacques Audiard et son premier tournage en espagnol, Émilie PérezPrix du Jury à Cannes, rappelle par certains côtés Un prophèteGrand Prix à Cannes en 2009, qui traitait également du trafic de drogue.
Émilie Pérez est un film émouvant, poignant, qui instaure une tension inquiétante et une ambiance anxiogène, en abordant des questions morales : peut-on faire le bien avec l’argent du mal ? La rédemption est-elle possible pour les pires criminels ? Pouvons-nous changer notre nature profonde ?
C’est aussi une œuvre très ambitieuse, pleine d’excentricités, de fantaisies et de génie assumé. Audiard aurait pu gâcher sa vie à force de prendre autant de risques. Il existe des scènes plus insolites qui évitent de peu de devenir incontrôlables : un chirurgien chante en anglais la phrase « Du pénis au vagin »…
Le cinéaste deUn héros très discret, De rouille et d’os et Deephan relève le défi avec son brio habituel. Il réalise une œuvre hybride qui évoque à la fois La peau dans laquelle je vis par Pedro Almodóvar et Sicaire par Denis Villeneuve.
UN œtravail accompli
Au coeur deÉmilie Pérezil y a bien sûr la musique, qui a toujours été présente dans l’œuvre de Jacques Audiard (il a réalisé le magnifique clip de La nuit je mens par feu Alain Bashung). Composées par la chanteuse Camille et l’arrangeur Clément Ducol, les chansons sont interprétées par plusieurs comédiens, mais notamment Zoé Saldaña (notamment associée à des blockbusters comme Avatar et Vengeurs) et Selena Gomez, chanteuse populaire également convaincante dans Spring Breakers d’Harmony Korine comme dans la série comique Seulement des meurtres dans le bâtiment.
On connaît le talent vocal de Selena Gomez. Zoe Saldaña est également étonnamment bonne. Elle chante et mène la danse avec aplomb dans plusieurs chorégraphies, notamment dans un numéro irrésistible sur la corruption politique lors d’un banquet de charité.
Rien n’est trop fluide Émilie Pérezcontrairement à la majorité des comédies musicales hollywoodiennes. Le chant des acteurs est filmé par Audiard de manière à donner l’illusion que leurs voix ne se sont pas superposées. Les chansons et chorégraphies ne prennent pas trop de place, certainement jamais au détriment de l’intrigue, à tel point qu’on a tendance à oublier, surtout dans la deuxième partie, qu’il s’agit d’un film musical. Tous genres confondus, c’est l’une des œuvres cinématographiques les plus abouties de l’année.
En salles, sur Netflix le 13 novembre
Thriller musical
Émilie Pérez
Jacques Audiard
Avec Karla Sofia Gascón, Zoe Saldaña, Selena Gomez
2h10
8,5/10