Plantée dans un coin, la caméra filme, de l’intérieur, la construction d’une maison. Au sein de ce plan fixe montrant un salon, divers personnages de différentes époques défileront en alternance, voire en juxtaposition. Ces occupants successifs traverseront ainsi cette charpente donnée, parfois avant même que ladite maison y soit érigée. Chronique vaste mais confinée, basée sur la bande dessinée de Richard McGuire, qui s’appuyait sur cette notion de perspective fixe, le film Ici (Ici) réunit, trente ans plus tard, pour rester dans cette idée du temps qui passe, l’équipe de Forrest Gumple réalisateur Robert Zemeckis et ses deux stars, Tom Hanks et Robin Wright. Devoir a discuté de cette expérience cinématographique avec les deux premiers.
« Dans la bande dessinée, il y a ce passage où un homme d’âge moyen s’occupe de son vieux père, allongé sur le canapé-lit du salon. Cette image est devenue, pour mon co-scénariste Eric Roth et moi, le cœur du film. Nous avons construit le scénario autour de ce moment-là », révèle Robert Zemeckis lors d’une table ronde virtuelle.
A noter qu’outre Eric Roth, le compositeur Alan Silvestri et le directeur de la photographie Don Burgess ont également fait partie de l’aventure de Forrest Gumpun film phénomène de 1994 qui n’était pas sans ses propres défis technologiques.
En fait, ce goût d’être à l’avant-garde dans ce domaine a longtemps motivé Zemeckis, Retour vers le futur (Retour vers le futur) a Le Polar Express (Boréal Express), en passant par Qui a piégé Roger Rabbit (Qui veut la peau de Roger Rabbit ?) et La mort lui convient (La mort te va si bien). Un mélange d’animatroniques et d’effets numériques pionniers, une intégration frappante de l’animation traditionnelle avec des scènes d’action réelle, une animation par ordinateur repoussant les limites de la capture de mouvement : Zemeckis aime innover.
Ces dernières années, cependant, le réalisateur a souvent été critiqué pour l’innovation technologique qui se faisait au détriment de presque tout le reste.
“Il arrive qu’on apprenne de la critique, mais il arrive que la critique soit infondée et n’aime pas quelque chose qui est parfait en soi”, commente le cinéaste, philosophe.
L’apport de l’IA
Dans IciRobert Zemeckis utilise cette fois l’intelligence artificielle (IA) développée par la firme Metaphysic afin de rajeunir ses interprètes.
«Nous savions que ce supercalculateur allait nous rajeunir et que ce qui aurait normalement nécessité six mois de travail de post-production allait être réalisé en une nanoseconde seulement», raconte Tom Hanks lors d’une deuxième table ronde virtuelle. Robin et moi tournions la scène et nous pouvions voir le résultat sur-le-champ. Il y avait encore quelques ajustements à faire, mais c’était assez frappant. On se revoyait à 17 ans, à 22 ans… C’était très impressionnant. »
Une fois l’émerveillement initial passé, Tom Hanks et Robin Wright ont utilisé cette possibilité de se voir rajeunis immédiatement après chaque prise afin de corriger leurs postures respectives, leur débit, afin de parfaire l’illusion de jeunesse.
Pour préciser Robert Zemeckis : « Si ce maquillage numérique fonctionne, c’est parce que les interprètes sont aux commandes : ce sont leurs performances chaleureuses et émotionnelles qui sont perceptibles. »
Au sujet de l’IA, Zemeckis admet qu’il ne sait pas jusqu’où iront ses avancées en matière de cinéma. « Il y a beaucoup de choses que l’IA pourra faire et que nous n’avons pas encore conçues. Ce que j’ai appris en réalisant un certain film sur l’avenir, c’est que nous sous-estimons toujours l’avenir lorsque nous essayons de le prédire. »
La meilleure façon
Quant au tournage proprement dit, Robert Zemeckis savait dès le départ qu’il s’agirait de l’un de ses plus complexes.
« Vous pourriez penser le contraire, mais une fois que vous comprenez que chaque scène du film doit fonctionner et se dérouler dans cet angle de caméra unique… Cela demande beaucoup de travail de préparation. Nous avons beaucoup répété, plus que pour n’importe lequel de mes autres films. Chaque accessoire, chaque coin de mur, chaque fenêtre, tout ce qui peut être vu derrière ces fenêtres… Les emplacements de tout ce qui apparaît dans ce plan ont dû être soigneusement étudiés. »
À cet égard, Tom Hanks affirme s’être entièrement appuyé sur son complice « Bob », qu’il a rencontré une cinquième fois après Forrest Gump, Rejeter (Seul au monde), Le Polar Express et Pinocchio (version musicale 2022).
« On aurait pu faire ce film de manière classique, avec des gros plans, des plans d’ensemble… Mais Bob est un cinéaste, et il était convaincu que la voie privilégiée était la meilleure façon d’aborder ce thème, qui est le temps. Ce parti pris technique permet d’observer l’effet du temps sur ces personnages. L’espace reste inchangé à l’écran : le temps est le seul élément véritablement mobile. »