Gallimard indésirable au Salon international du livre d’Alger

Gallimard indésirable au Salon international du livre d’Alger
Gallimard indésirable au Salon international du livre d’Alger

GAllimard, la prestigieuse maison d’édition française, a interdiction d’être présente à Salon international du livre d’Alger (ILSdu 6 au 16 novembre). L’information a été confirmée par les organisateurs de cet événement et par Antoine Gallimard lui-même dans une déclaration au magazine d’information littéraire et éditoriale. Nouvelles.

« Nous venons d’apprendre qu’il nous est interdit de fréquenter le Salon d’Alger », a déclaré le président des Editions Gallimard et du Groupe Madrigall. Ajoutant : « Nous venons de recevoir un courrier qui ne fournit aucune explication quant aux raisons ou raisons justifiant cette décision. »

“Les organisateurs du SILA ont demandé à Gallimard de ne pas tenir de stand au salon, mais ont précisé que les autres maisons d’édition du groupe Madrigall n’étaient pas concernées par cette interdiction”, explique une autre Source à Alger. “Mais Gallimard a refusé, pas de maison dans son groupe [Pléiade, Folio, J’ai lu, Casterman, Flammarion, POL, Minuit, Christian Bourgeois, etc.] ne participera pas au SILA », nous dit-on. “Par solidarité, le groupe Madrigall n’ira donc pas au SILA”, a-t-il déclaré. Nouvelles Antoine Gallimard, président de cette holding, quatrième groupe d’édition français.

Pourquoi une telle décision ? Les raisons précises ne sont pas évoquées dans la missive envoyée par les organisateurs du SILA à Gallimard. « Il est permis de tout imaginer, étant donné que leur lettre ne donne pas de détails », estime Antoine Gallimard dans Nouvelles.

Le roman de Kamel Daoud visé

Selon des informations recueillies au ministère de la Culture, corroborées par la rédaction algérienne, « il s’agit là d’une manière détournée d’éviter la présence des roman de Kamel Daoud sur le stand Gallimard.

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« Une censure qui ne veut pas dire son nom, on interdit à tout Gallimard de noyer le poisson », réagit amèrement un acteur de l’édition qui a requis l’anonymat par crainte de représailles. « La France reconnaîtra sa responsabilité dans l’assassinat de Larbi Ben M’hidi. Mais l’Algérie a interdit Gallimard qui a publié les grands manifestes anticoloniaux ! » s’insurge un rédacteur.

Dans le dernier roman de Kamel Daoud, Hourispublié chez Gallimard mi-août, la rescapée d’un massacre perpétré par des terroristes islamistes à la fin des années 1990 retrace le parcours accidenté de sa vie après avoir échappé à la mort, l’assassin ayant « raté » son égorgement tranché.

Le roman est aussi une critique de la gestion officielle de la mémoire de cette période qui a profondément traumatisé la société algérienne. L’écrivain cite en épigraphe le chapitre 46 de la Charte pour la paix et la réconciliation nationale de 2005, punissant d’emprisonnement (3 à 5 ans) et d’amendes « quiconque, par ses déclarations, ses écrits ou tout autre acte, utilise ou exploite les blessures de la tragédie nationale pour porter atteinte aux institutions de la République algérienne démocratique et populaire, affaiblir l’État, porter atteinte à l’honneur de ses agents qui l’ont dignement servi, ou ternir l’image de l’Algérie sur le plan international.

Cette Charte, qui prévoit des mesures d’amnistie et d’indemnisation et qui impose un récit officiel du déroulement de la guerre civile des années 1990, a été critiquée par des ONG algériennes représentant à la fois les victimes du terrorisme et celles des exactions des forces de sécurité.

Ainsi, à l’époque, SOS Disparu(e)s, Somoud (familles des personnes enlevées par des terroristes) et l’Association nationale des familles de disparus (ANFD) estimaient que la Charte « consolide l’impunité et le déni de justice et de vérité au profit du des terroristes et des agents de l’État impliqués dans la lutte contre le terrorisme.

Épée de Damoclès

Pour revenir à l’article 46 de ce texte, « il reste inapplicable car on ne peut pas mettre en prison les chercheurs, écrivains, journalistes, essayistes, cinéastes qui, par dizaines sinon plus, ont, en Algérie, travaillé, enquêté, écrit et produit autour de cette période », rappelle un éditorialiste algérien, tout en nuançant : « Mais cela reste une épée de Damoclès au-dessus de nos têtes qui sert à neutraliser au moins l’initiative créatrice ou l’enquête journalistique. »

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« Ce n’est pas le roman de Kamel Daoud qui agace les autorités, mais la mise en avant par les médias en France et ailleurs de ses propos critiques sur le silence imposé par la Charte, sur l’absence de traitement dans les manuels scolaires, sur l’invisibilité des victimes… » commente le éditorialiste. Une autre Source nous a révélé que les autorités avaient également contacté la semaine dernière plusieurs participants du SILA pour leur interdire d’exposer les œuvres de Kamel Daoud, Boualem Sansal et Mohamed Sifaoui.

Selon Arezki Aït Larbi, directeur des éditions Koukou (dont une vingtaine de livres ont été interdits lors du SILA 2002 avant que la maison d’édition ne soit totalement exclue du salon en 2023 et de cette édition 2024), il existe également une « liste noire » d’auteurs à au niveau du ministère de la Culture. Koukou a porté plainte contre l’interdiction de sa participation au SILA l’année dernière, mais la procédure est toujours en cours, selon Arezki Aït Larbi.

Le SILA 2023 a également été marqué par le refus d’Alger de laisser venir Annie Ernaux, lauréate du prix Nobel de littérature 2022, invitée par l’Institut français d’Alger. Ce refus aurait été motivé par la signature par l’écrivain, aux côtés d’intellectuels du monde entier (Noam Chomsky, Ken Loach, Achille Mbembe, Abdellatif Laâbi, etc.), d’une tribune appelant les autorités algériennes à libérer le journaliste. et le chef de presse El Kadi Ihsane.

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La France hors du SILA ?

Mais au-delà de ces cas, il y aurait, selon l’un des acteurs impliqués dans SILA, « une volonté de ne pas s’afficher ou de s’afficher auprès des Français », qui aurait été insufflée « verbalement par le ministère de la Culture ». La énième crise diplomatique entre Alger et Paris, après la reconnaissance par la France cet été de la « marocanité » du Sahara occidental, semble avoir de lourdes conséquences jusque dans le domaine de l’édition et du livre. On est bien loin du SILA 2015 où la France était le pays invité d’honneur, avec l’ancien ambassadeur Bernard Émié signant l’éditorial du magazine officiel du salon…

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« Ils peuvent censurer les ouvrages, ils circulent plus que jamais », souligne notre éditorialiste. Le roman de Daoud est massivement piraté en Algérie et j’en ai déjà reçu quatre exemplaires PDF sur mon téléphone. » Et poursuit : « Au-delà de ce qui se passe autour du SILA, c’est la question des libertés qui se pose : combien de cafés littéraires ont été fermés ? Combien de conférences intellectuelles ont été interdites ? Comment expliquer le stress d’un éditeur ou d’un importateur de livres face à une administration toute-puissante qui ne justifie même pas l’interdiction ? »

 
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