une bio franche et authentique

une bio franche et authentique
une bio franche et authentique

« Avec le recul, j’ai l’impression que quelqu’un m’a vu me noyer sans me lancer de bouée », écrit-il dans sa biographie intitulée D. Turcotte & filsen librairie le 10 octobre.

Des propos qui donnent une idée de l’état d’esprit dans lequel il se trouvait au moment de son départ précipité en février 2021.

Si l’ouvrage n’est pas un règlement de comptes envers Guy A. Lepage et son ancienne équipe, il permet à Dany Turcotte de remettre les pendules à l’heure et de raconter comment il a vécu cet épisode douloureux de sa vie professionnelle.

Après 17 années de service, dont au moins 15 heureuses, les choses auraient certainement dû se terminer différemment.

« Je ne voulais pas paraître amer, mais c’est écrit comme je l’ai vécu. J’aurais aimé que ça se termine autrement, que je reparte dans de meilleures conditions. J’ai été obligé de partir précipitamment parce que j’ai posé une question maladroite», m’a confié Dany Turcotte en entrevue.

Cette question, rappelons-le, a été posée à Mamadi Camara, arrêté par erreur par le SPVM après l’agression d’un policier.

«J’ai souvent demandé [des questions malhabiles] mais avec le montage, il y avait toujours cette barrière où on pouvait oser les choses en pensant qu’on pouvait l’enlever, alors qu’il [en direct]tout ce qui sortait de ta bouche était collecté par vagues.

Dans ce contexte de pandémie, où les blagues n’avaient plus vraiment leur place, l’humoriste avait proposé à l’équipe de poser au moins une question lors des interviews, ce qui lui avait été refusé.

« Il n’y a pas de querelle entre nous. je ne pense pas qu’il soit en colère [du livre]», affirme Dany Turcotte à propos de Guy A. Lepage. (Archives Radio-Canada)

Sans jamais que cela soit dit, il a eu l’impression qu’on voulait renouveler le concept et que cela signifiait son départ.

A la lecture du livre, on se rend compte que ces personnes auraient dû avoir une bonne conversation, tout dire dans les yeux, pour verbaliser ces non-dits.

« Nous n’aurons pas eu ces discussions. Les gars, c’est dans notre ADN. Il ne se plaint pas, il souffre en silence. Malheureusement, je fais partie de ces personnes, j’ai 59 ans.

Ceci dit, Dany Turcotte assure qu’il n’est pas resté en conflit avec Guy A. Lepage, même s’ils ne se rencontrent plus régulièrement.

« Je suis allé dîner chez lui il y a trois semaines, pour l’anniversaire de son fils, dont je suis le parrain. Il n’y a pas de querelle entre nous. je ne pense pas qu’il soit en colère [du livre].»

Dany contredit également ces sites artistiques qui déclarent avoir trouvé Tout le monde en parle sans intérêt depuis son départ.

« Je trouve ça quand même très bien, très pertinent. C’est un spectacle qui circule en semaine, il a toujours sa place. Pour quelqu’un qui s’intéresse à la culture locale, c’est un événement incontournable.

— Dany Turcotte

S’il était à refaire, Dany Turcotte estime néanmoins qu’il aurait dû quitter son siège bien avant.

« Si quelqu’un m’avait dit, de manière diplomatique : “Dany, ce serait peut-être une bonne idée que tu partes”, j’aurais mieux pris cela, plutôt que de partir précipitamment. Un magicien qui fait les mêmes tours depuis 17 ans, on commence à connaître ses tours. Renouveler mon humour, deux heures par semaine en direct, c’était un peu difficile », avoue-t-il trois ans et demi plus tard.

Dany Turcotte ne se dévoile pas à moitié dans cette biographie, véritable livre ouvert sur son enfance et son adolescence au Saguenay dans une famille pas ennuyeuse, sur sa vie amoureuse, les problèmes de santé mentale de son père, notamment.

« Je n’avais jamais pensé à écrire ma biographie, mais après avoir lu celle de Stéphane Rousseau, qui a mon âge et qui a eu une enfance particulière, cela m’a donné une impulsion. J’ai commencé pour m’amuser et je me suis laissé prendre.

L’humoriste n’a aucun projet télé ; l’écriture le remplit amplement. Il a même fini d’écrire un premier roman.

«Je ne veux plus subir de pression, être sous un microscope pendant deux heures avec une caméra pointée sur mon visage et des gens capables d’interpréter une simple expression faciale pendant des jours. Je ne suis plus assez fort pour vivre ça, je suis traumatisé.

— Dany Turcotte

« Ecrire me remplit de bonheur, c’est sain, c’est simple, extrêmement enrichissant. Cela me rend heureux. Après avoir côtoyé un monde social intense, 20 ans dans les émissions, 20 ans à la télé, où j’étais toujours entouré de monde, me voilà toute seule chez moi avec le thé et le bruit du REM ! Je savoure ces moments de solitude.

Parmi mes passages préférés du livre, y compris le titre, D. Turcotte & filsrappelle le nom de l’entreprise de son grand-père, puis de son père, il y a celle dédiée aux hommes politiques qui fréquentaient l’ensemble de Tout le monde en parleplein d’anecdotes.

Y compris cette carte qui a été coupée au montage, remise à Jean Charest qui est habituellement un bon joueur, mais qui a lancé un regard noir au fou du roi ce soir-là.

Souverainiste modéré, l’ancien fou avoue avoir été plus dur avec les tenants de cette conviction politique afin de paraître le plus impartial possible.

Une autre carte, remise à Gilles Duceppe, lui a valu une volée de bois vert. Jean-François Lisée n’a pas non plus apprécié celui que Dany lui avait écrit.

Même s’il parle longuement de Tout le monde en parlel’auteur raconte en détail l’histoire fascinante du Groupe Sanguin, un ovni humoristique au Québec, qui a fait des choses comme personne, de synchronisation labiale avec des ombres chinoises.

Tout y est raconté : ses amours avec son camarade de groupe, Émile Gaudreault ; son professeur Dominique Lévesque, qu’il détestait et qui est devenu son meilleur ami; leur premier directeur, Robert Lepage; leur entrée chaotique au Festival Juste pour rire.

Dominique Lévesque est également un personnage central du livre, son partenaire de scène avec le duo Lévesque-Turcotte mais aussi comme son frère. Le récit de sa mort tragique au Honduras, incompréhensible, a certainement constitué un exercice douloureux pour l’auteur.

La perte d’êtres chers rythme plusieurs moments du livre, comme autant d’invitations à embrasser la vie et à profiter du moment présent.

L’auteur parle longuement de l’aventure du Groupe Sanguin, groupe qu’il a formé avec Bernard Vandal, Dominique Lévesque, Marie-Lise Pilote et Émile Gaudreault. (La Presse Archives)

Dany Turcotte revient également sur les années de Piment fortdont il garde de merveilleux souvenirs et qu’il ne nie pas, malgré l’humour très douteux qui y était pratiqué et alors qu’il était encore au placard.

« Nous avons été encouragés à intimidateuril faut le dire. J’ai moi-même fait des gags homophobes, sans aucun remords. Ce n’est pas exact, je sais très bien que nous étions sur le terrain, mais c’est comme ça », se souvient-il.

Il considère également que la sortie vers Francs-tireurs de Daniel Pinard, décédé cette semaine, arrivé au bon moment et qui a fait la différence ; l’animateur a dénoncé l’acharnement homophobe des comédiens de Piment fort.

«Ça a changé les mentalités. Il a donné un coup de pied dans le nid de frelons en disant : « Calmez-vous, ma bande de connards ! » C’est comme s’il nous avait remis à l’ordre et c’était parfait. C’était un être délinquant, libre et drôle, poubelle

Si certaines biographies de stars sont parsemées d’anecdotes quelque peu futiles, celle de Dany Turcotte en recèle plusieurs savoureuses. L’auteur choisit de ne pas s’autocensurer, quitte à offenser peut-être quelques personnalités.

Ginette Reno en fait partie. Dans l’un des passages les plus hilarants du livre, l’ex-animateur de La petite séduction raconte le week-end épuisant passé avec le chanteur, lors du tournage du spectacle d’été à Champlain.

Tout ce qui n’était pas à l’écran y est raconté : ses blagues trop grivoises dans les pires moments, ses réponses déroutantes face à des fans bien intentionnés, ses caprices, etc.

L’humoriste évoque bien sûr les siens sortircelle de sa vie privée et celle de sa vie publique, devant les caméras.

Il en dit beaucoup, mais il ne dit pas tout.

“J’ai préservé ma famille sous différents aspects, car les gens sont toujours en vie, ma mère est toujours en vie.”

— Dany Turcotte

J’ai reconnu l’écriture, l’humour de Dany Turcotte, qui joue avec les mots et les comparaisons, comme dans ses cartes, qu’il distribuait depuis si longtemps à Tout le monde en parle.

On reconnaît également sa sensibilité, notamment dans sa volonté de démystifier les problèmes de santé mentale. Toute l’histoire du trouble bipolaire de son père est extrêmement révélatrice et touchante.

Mais là où j’ai craqué, c’est lorsqu’il a parlé d’André, son ex-amant, devenu tétraplégique suite à un grave accident de voiture.

Les mois qui suivirent furent fatals pour leur relation, même si les choses s’étaient dégradées avant l’accident. Cette rupture sur fond de culpabilité et de chagrin est déchirante.

L’humoriste l’a souvent dit : se faire salir jour après jour sur les réseaux sociaux a fini par avoir raison de sa confiance et de sa maîtrise à l’antenne. Le flot quotidien d’insultes a emporté son humour corrosif.

« Les idées autrefois exprimées dans les urinoirs à 2 heures du matin, dont on se souvenait plus ou moins du contenu le lendemain, sont désormais publiques. [sur les réseaux sociaux]», écrit-il, à juste titre.

Dany parle beaucoup de sa vie amoureuse et révèle que c’est fini avec Robert, avec qui il a passé sept ans. Dans une interview, il confie qu’il sort actuellement avec une chanteuse d’opéra, Rain, d’origine thaïlandaise.

« Nous ne sommes pas un couple, nous n’avons pas encore établi ce que nous sommes », explique-t-il, toujours avec la même franchise.

Qu’est-ce que Dany Turcotte espère que nous retiendrons de l’histoire de sa vie ?

« Comme la vie est belle. C’est aussi dur, extrêmement cruel, mais la résilience et l’humour peuvent nous sauver et nous aider à continuer. Malgré tout le drame que je raconte, je finis toujours par être submergé et je reviens. L’humour me fait avancer. Chaque vie mérite d’être racontée. Tout le monde devrait écrire sa vie, il y a quelque chose de libérateur là-dedans.

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