La saison lituanienne en France, à l'ombre de la guerre en Ukraine

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La statue de Romain Gary, à Vilnius, en Lituanie, en juin 2023. PHOTOGRAPHIE DE LA BANQUE D'ALAMY

Le garçon serre son sabot contre son cœur, les yeux levés vers le ciel. Cette statue, érigée en 2007 à Vilnius, la capitale de la Lituanie, représente le romancier français Romain Gary (1914-1980) enfant, au pied de l'immeuble où il vivait à l'aube du siècle dernier. Tout naturellement, le ministre lituanien de la Culture, Simonas Kairys, a accueilli la presse française devant cette sculpture en mai, quelques mois avant le début de la Saison lituanienne en France, le 12 septembre. Mais c'est sur un tout autre symbole qu'il a voulu attirer l'attention.

Non loin de là se trouve un imposant bâtiment néoclassique, jusqu'à récemment dédié au répertoire théâtral russe. En septembre 2022, sept mois après l'invasion de l'Ukraine par les troupes de Vladimir Poutine, Simonas Kairys le rebaptise « Théâtre du vieux Vilnius ». La même année, il ordonne le retrait des sculptures militaires de l'époque soviétique. Un affront que le Kremlin n'a pas digéré.

En février 2024, M. Kairys a été visé, avec plusieurs centaines d’autres personnalités, par un avis de recherche du ministère russe de l’Intérieur l’accusant d’hostilité envers la Russie. « Des historiens, des maires, des juges figurent sur cette listedit-il, la mâchoire serrée, pas du tout intimidé. En nous criminalisant, la Russie montre qu’elle ne nous considère pas comme des citoyens d’un État souverain. Ce qui se passe en Ukraine pourrait se produire ici. Coincé entre la Biélorussie et l'enclave russe ultra-militarisée de Kaliningrad, le petit État balte de 2,7 millions d'habitants est sur le qui-vive, craignant de tomber à son tour si Moscou remporte la guerre.

Faire valoir son caractère unique

En des temps moins sombres, la Saison lituanienne en France aurait bénéficié d'une couverture médiatique peu importante. Qui se souvient d'Etonnante Lettonie en 2005 et d'Estonienne en 2011, opérations diplomatiques et culturelles visant les deux autres Etats baltes ? Mais le conflit qui s'éternise en Ukraine a donné une autre stature à la Lituanie, qui apparaît désormais comme un pôle de résistance au Kremlin. Partout à Vilnius, les drapeaux ukrainiens flottent fièrement aux balcons. « Poutine, La Haye t'attends »proclame une banderole déployée au sommet d'un gratte-ciel de la capitale, référence au mandat d'arrêt émis en mars 2023 par la Cour pénale internationale contre le chef de l'Etat.

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Pour la Lituanie, qui s'accroche à l'Union européenne et à l'Otan, dont elle est membre depuis vingt ans, la souveraineté n'est pas seulement en jeu sur le plan militaire. « La culture est aussi un champ de bataille »affirme M. Kairys. Deux ans après le label « capitale culturelle européenne » attribué à la ville de Kaunas, il est devenu plus urgent que jamais de marteler une singularité que Moscou a toujours tenté d’effacer. « Prenez notre langue. C’est l’une des plus anciennes d’Europe, et elle a été interdite pendant quarante ans, de 1864 à 1904. »se lamente Virginija Vitkiene, commissaire de cette saison destinée à mettre la culture lituanienne en orbite.

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