Pourquoi cette ville de Seine-et-Marne risque-t-elle d’être privée des millions d’euros qui auraient dû lui revenir ?

Pourquoi cette ville de Seine-et-Marne risque-t-elle d’être privée des millions d’euros qui auraient dû lui revenir ?
Pourquoi cette ville de Seine-et-Marne risque-t-elle d’être privée des millions d’euros qui auraient dû lui revenir ?

Par

Julia Gualtieri

Publié le

23 janvier 2025 à 17h30

Deux ans après un premier article, nous voilà à nouveau posé la même question : la mairie de Montévrain (Seine-et-Marne) va-t-elle récupérer les millions qui lui sont dus par la Société d’économie mixte de Montévrain (SEMM) ? Au vu de l’inventaire dressé par un rapport de la Cour régionale des comptes révélé fin 2024, rien n’est moins sûr. « La situation financière et de trésorerie préoccupante de la SEMM […] pèse un risque de perte majeur pour la communepour un montant de 6 millions d’euros à fin 2022 », résume la Chambre. En conséquence, il recommande la dissolution de la société « le plus rapidement possible ».

7,55 millions d’euros de pertes cumulées sur 5 ans

Si la CRC est si alarmiste, c’est parce que le observation Est accablant: sur fond de gestion opaque, entachée d’irrégularités et de manque de contrôle, la SEMM a engagé les bénéfices qui devaient revenir à la commune pour financer des projets privés. Celles-ci ayant pour la plupart échoué, elle se retrouva endettée auprès de la ville. Au point qu’aujourd’hui, la ville risque de ne jamais récupérer les 6 millions qui lui sont dus.

Mais comment le SEMM a-t-il pu en arriver là, avec 7,55 millions d’euros de pertes cumulées sur 5 ansentre 2018 et 2023 ? Selon l’analyse financière réalisée par la Chambre, c’est bien la stratégie de diversification entreprise par la SEMM depuis 2010 qui a fait chuter ses comptes.

Mais pour bien comprendre, un rappel s’impose peut-être. La SEMM a été créée en 1990 pour permettre à la ville de maîtriser l’aménagement de deux zones : la ZAC des Binâches (38 hectares) et la ZAC des Fresnes (75 hectares).

Une stratégie de diversification désastreuse

Le la mairie, 77% actionnaire de la société pouvait ainsi décider de ce qui était fait, tout en générant des bénéfices financiers. L’opération a été un succès puisqu’à elles deux, les ZAC ont généré un résultat total de 11 millions d’euros, dont cinq versés d’avance à la ville.

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Depuis 2018 et 2020, l’aménagement de ces deux ZAC est cependant achevé. Ils aurait dû être ramené à la villeet le SEMM aurait dû être dissous. Mais, depuis 2012, le conseil d’administration, où siègent plusieurs élus de la commune, accompagne l’entreprise dans une stratégie de diversification.

Objectif :

Préparer la pérennité financière de la SEMM une fois l’aménagement des ZAC achevé (afin de) générer une source de revenus récurrente pour la communauté actionnariale.

Cour régionale des comptes

La SEMM a donc créé différentes filiales privées pour réaliser des opérations de promotion immobilière.

8 transactions immobilières annulées sur 11

Ces activités n’ont cependant pas rencontré le même succès que le développement des ZAC. Loin de là… Sur les 11 opérations lancées, huit ont échoué. Refus ou retrait de permis de construire, contentieux, relations difficiles avec certaines communes (comme à Pomponne) ou certains partenaires… sans compter la crise sanitaire, les causes de ces échecs sont multiples. Les conséquences, en revanche, sont claires : des frais et des réclamations au lieu de bénéfices. Sur la période, le résultat de cette activité est -2,51 millions.

Toujours pour diversifier son activité, la SEMM s’enorgueillit deassurer les activités de gestion. Elle exploitait ainsi la salle de spectacle Le Millésime, qui a dû fermer pendant la pandémie, une résidence seniors, les commerces Carré M… Une activité qui, là encore, s’est avéré déficient .

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Conclusion du CRC :

La situation financière de la SEMM est très préoccupante avec des fonds propres négatifs depuis 2020 en raison des lourdes pertes générées par les activités de promotion et de gestion.

Cour régionale des comptes

Des pertes qui ont été compensées par des « primes ZAC » au détriment du budget de la commune.

De nombreuses irrégularités

De plus, le rapport énumère de nombreuses irrégularités comme le non-respect des marchés publics, notamment pour la construction de l’auditorium, des écarts et participations financières inexpliquées ou encore l’opacité des comptes au point de « remettre en cause le caractère régulier, sincère et fidèle » de ces derniers. , empêchant la visualisation d’une stratégie claire et définie.

Concernant la diversification, la Chambre considère également qu’en soi, il n’était pas pas conforme à la loi puisque ce n’est pas dans l’intérêt public local. L’argument avancé par l’ancien directeur général, Christophe Noël, consistant à exiger la création de logements sociaux pour justifier d’un intérêt public, n’est pas valable, juge la Cour.

Aucun contrôle exercé par la mairie

La mairie n’est pas non plus épargnée. Selon la Cour, la ville de Montévrain “n’exerce aucun contrôle sur l’activité de la SEMM” et « ne dispose d’aucun outil de suivi de l’activité et de la situation financière de la SEMM » malgré ses obligations d’actionnaire majoritaire. Or, avec 77% du capital, la ville possède, estime la Chambre, le « désir de conserver une influence déterminante »sur les opérations de l’entreprise. Or, il s’agit d’argent public.

La municipalité n’ignorait pas les difficultés de la SEMM puisqu’elle s’était engagée à ne pas exiger le versement des bénéfices de la ZAC « jusqu’à meilleure fortune ».

Quelles conséquences sur le budget de la ville ?

Pour l’élu d’opposition, Olivier Pajot, qui tire la sonnette d’alarme depuis plusieurs années, la décision de maintenir la SEMM est « incompréhensible » . « Il y a toujours eu cette idée de remplissage. Avec la vente d’un parking, du restaurant, aujourd’hui avec un projet comme dans le quartier de Fresnes… Mais il a fallu fermer. Chaque année, nous avons vu les comptes couler et aucun élu du conseil d’administration n’a voulu écouter nos avertissements. On dirait que puisque ce n’est pas leur argent, ils s’en moquent. Cela m’attriste car c’est une grande catastrophe pour la ville», déplore-t-il.

« Qui va payer ? »

Si le rapport est très détaillé sur les constats, il n’avance pas sur les conséquencesce qu’aurait la fermeture de la SEMM pour le budget de la ville. Au-delà d’être privée de tout ou partie de ses primes, la ville pourrait-elle être tenue pour responsable des dettes de la SEMM ? Contactée, la mairie n’a pas souhaité répondre à nos questions. Dans le rapport, le maire, Christian Robache, a simplement indiqué « prendre note des recommandations » et « regretter fermement la perte potentielle des primes ZAC » concernant “un vrai risque pour la collectivité” .

La Cour lui conseille dans tous les cas de mettre à disposition une enveloppedans son budget. « Cela fait 6 millions de moins et 8 millions de capitaux propres. Qui va payer ? Des projets seront-ils impactés ? Sans oublier qu’il va falloir récupérer la salle de spectacle, qui est une activité déficitaire, ça fait beaucoup d’argent à sortir », note Olivier Pajot.

Selon le guide SEML de la Direction générale des collectivités territoriales, « la dissolution amiable entraîne, pour la collectivité locale, l’obligation de participer à l’éventuel passif, proportionnellement au capital détenu ». Reste à savoir quel serait le montant de la responsabilité.

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