Ces jeunes cadres n’hésitent pas à se mettre au chômage pour trouver le bon emploi (et avoir du temps pour eux)

Ces jeunes cadres n’hésitent pas à se mettre au chômage pour trouver le bon emploi (et avoir du temps pour eux)
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Au chômage depuis plus d’un an, Max, alors âgé de 26 ans, n’était pas prêt à baisser ses revendications salariales. Ce consultant en finance de marché, diplômé en 2018 de CY Tech, l’école d’ingénieurs de l’université de Cergy, se sait très convoité. Fort d’une première expérience de deux ans dans une ESN (entreprise de services du numérique) à La Défense, il obtient une pause conventionnelle pour entamer un doctorat. Vient ensuite la pandémie de Covid-19. Le projet universitaire échoue et la naissance de sa fille le pousse à rechercher à nouveau un CDI en entreprise. Mais pas n’importe quel métier ! « À partir du moment où mes prétentions salariales n’étaient pas comblées (45 à 50 000 euros brut annuel), j’ai froncé les sourcils. Au deuxième point qui me gênait, je n’avais plus envie d’y aller”il dit.

Aujourd’hui âgé de 29 ans, il estime que son diplôme et le filet de sécurité de l’assurance-chômage lui ont donné « un privilège dont [il] est clairement usé. Max s’est offert le luxe de refuser deux offres d’emploi (dont une en raison de missions « pas assez stimulantes »).l’autre en raison d’une mauvaise impression que lui a faite l’équipe dirigeante), avant d’accepter finalement le poste qu’il occupe aujourd’hui, avec un salaire de 50 000 bruts par an, et 5 000 euros variables.

Max est loin d’être le seul à faire la fine bouche. L’état du marché du travail des cadres le permet. Après une année record en 2023, les embauches d’employés devraient rester très fortes en 2024, selon l’Apec. Et les profils juniors (moins de 5 ans d’expérience) représentent 47% des intentions de recrutement.

“Prendre du temps là où on n’en a jamais quand on travaille”

Autre exemple, celui de Paul, 26 ans. Il sait qu’une fois son diplôme obtenu en 2022, il n’aura aucune difficulté à trouver un emploi. Cet ingénieur consultant en environnement, santé et sécurité (HSE) est titulaire de deux masters de l’université Paris-Cité, un en risques et environnement en 2020, qu’il fait suivre d’un second en santé publique. Après avoir effectué sept années d’études et terminé son alternance en 2022, il a décidé de ne pas trouver de travail tout de suite… pour souffler pendant six mois. « Au chômage, on peut prendre du temps là où on n’en a jamais quand on travaille », confie-t-il. Une fois qu’il a pu voir tous les matchs de la Coupe du monde, un ami de sa classe lui a annoncé que son entreprise recherchait un ingénieur pour réaliser des missions dans de grands groupes français. Une semaine après l’entretien, il est emmené.

Rapidement, ce métier très agréable sur le papier commence à le décevoir, notamment parce qu’il ne peut pas bénéficier des offres CE (très avantageuses) du grand groupe dans lequel il exerce sa mission. Le pire ? « Lorsque nous travaillions à distance, le directeur nous disait ‘vous travaillez à distance’ alors que je faisais 3 heures de trajet par jour. Mais cela ne servait à rien d’être au bureau pour rédiger des rapports ! » Le jeune ingénieur finit par bénéficier d’une journée de télétravail, mais c’est déjà fini pour lui : « Une entreprise qui n’a pas de politique de télétravail montre qu’elle n’a pas pris en compte les nouvelles façons de travailler post-Covid »il croit.

Après être resté un an dans cette entreprise, il part pour un nouvel emploi correspondant mieux à ses attentes. Mais il sait déjà qu’il ne tiendra pas longtemps. Inscrit sur de multiples plateformes d’emploi, Paul reste en alerte en cas de chute d’une pépite. Sans compter les appels directs des recruteurs qui le sollicitent chaque semaine.

Périodes de pause présumées

Génération infidèle ? En tout cas, suffisamment en confiance pour changer de métier plus facilement et plus fréquemment. L’enquête « Les jeunes travailleurs et le marché du travail » menée par le cabinet Walters People auprès de plus de 400 jeunes travailleurs publiée en septembre 2023 montre que la majorité (55%) d’entre eux envisagent de rester moins de 3 ans dans leur entreprise.

« En position de force, les jeunes diplômés ont tendance à vouloir tout à la fois : attentes salariales, solidité financière, prestige, avec des perspectives d’évolution rapide et de reconnaissance des performances »analyse Aurélie Robertet, directrice du cabinet d’études Universum.

« Ce qui est déroutant pour les employeurs, c’est que ces jeunes n’hésitent pas à quitter leur emploi s’il ne leur convient pas », observe la consultante en sociologie du travail Pauline Rochart. Parfois sans même savoir ce qu’ils recherchent réellement, ni même ce qu’ils attendent du travail. Bref, ils expérimentent et font des pauses pour prendre du recul.

Fraîchement diplômé d’Epitech, Jules, 26 ans, raconte avoir effectué une alternance de 2 ans « lessivage ». Ce développeur web est souvent contacté sur LinkedIn. Du coup, il profite de cette année pour se former à de nouveaux langages informatiques, mais aussi pour commencer à parcourir le monde, ce qu’il n’a jamais pu faire dans sa jeunesse ni pendant ses études. « Je me vois très bien parler de ma situation en entretien, assumant mon choix d’avoir pris du temps pour moi. C’est mieux perçu dans les affaires aujourd’hui qu’avant. », il dit. La rupture professionnelle semble s’installer dans le paysage professionnel.

Des exigences décomplexées et des employeurs bienveillants

Le temps de souffler après une première expérience intense mais aussi d’aiguiser ses exigences quitte à prolonger le chômage. A 28 ans, Géraldine est diplômée d’un master en alternance en stratégie marketing d’une école de commerce. Au chômage depuis un an, elle recherche un poste de chef de projet marketing. « Quand je lis une offre d’emploi « mutuelle et remboursement à 50 % de la carte Navigo », c’est pour moi un « signal d’alarme ». Ce sont des obligations légales ! » se souvient cette jeune cadre très informée sur ses droits. L’offre de ses rêves ? Télétravail, missions significatives, objectifs réalistes, perspectives d’évolution, processus rapides et vie d’entreprise animée (afterworks, séminaires).

Sur le terrain, la plupart des entreprises se creusent la tête pour tenter de répondre aux nombreuses revendications de ces jeunes travailleurs de plus en plus décomplexés. « Un salaire attractif reste un critère essentiel pour recruter des jeunes mais, pour les retenir, l’ambiance de travail passe avant tout, sans oublier l’équilibre entre vie professionnelle et vie privée qui compte aussi beaucoup »se souvient Stéphanie Richard, directrice du cabinet Walters People.

Flexibilité, convivialité, innovation avec déploiement d’outils d’IA générative, formation, forte mobilité interne, 100% télétravail pour certains contrats… Voilà le type d’arguments que la scale-up Qonto fait valoir aux candidats. « Le fait que nous soyons une scale-up en plein développement joue également en notre faveur. Ce positionnement offre un équilibre attractif pour les jeunes diplômés qui hésitent entre la sécurité d’un grand groupe et l’agilité d’une start-up »précise Marjorie Boruel, directrice de l’acquisition de talents chez Qonto, dont l’âge moyen des collaborateurs est de 33 ans.

Dans les plus grands groupes comme KPMG, on attire avec des formats de recrutement inhabituels (séance de ski par exemple !). Et nous fidélisons avec une semaine de 4 jours payés à 100% pendant 6 mois pour les jeunes parents ou avec 6 jours de mécénat de compétences par an dans des associations pour les juniors qui ont besoin de (re)trouver du sens.

Employeurs prudents donc, mais le vent pourrait tourner… Stéphanie Richard de Walters People prévient que la période dorée post-covid pourrait bientôt se terminer : il y a « le début d’un basculement du marché, avec un nombre croissant de candidats à la recherche d’emplois ». travail. Et donc un rapport moins favorable pour imposer son avis aux recruteurs. Les derniers chiffres de France Travail et du Crédoc prévoient certes des projets de recrutement (2,8 millions) en baisse de 8,5 % cette année par rapport à 2023. Mais, après deux années exceptionnelles, cela reste “un niveau historiquement élevé” et les difficultés pour trouver le bon candidat restent très importantes.

 
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