La santé des Français s’est améliorée entre 1990 et 2019

La santé des Français s’est améliorée entre 1990 et 2019
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Dans quel contexte se déroule votre étude ?

Le système de santé français est reconnu pour sa qualité. Mais elle est confrontée à de nombreux défis : déserts médicaux, tensions liées au manque de personnel et de moyens dans les hôpitaux et inégalités croissantes d’accès aux soins. Pour aborder ces sujets complexes, les décideurs politiques ont besoin d’outils efficaces pour établir une stratégie de santé publique. Un élément important est de savoir comment la santé des Français a évolué au regard des politiques passées. Pour ce faire, nous avons compilé et analysé des extraites d’une base de données internationale très riche, mais encore peu utilisée en .

Quelle est cette base ?

C’est le programme Fardeau mondial des maladies (GBD). Il a débuté en 1990 et est désormais géré par l’Institute for Health Metrics and Evaluation, de l’Université de Washington, à Seattle, aux États-Unis. La base de données contient plus de 607 milliards de données provenant d’expertises, de publications scientifiques, etc. Elle prend en compte pas moins de 459 maladies et facteurs de risque. Les données concernent 204 pays, et dans certains cas les informations sont nationales, mais aussi régionales comme au Royaume- ou en Suède ; dans ces deux pays, les données GBD sont utilisées pour gérer les politiques de santé. En France, nous utilisons des données provenant d’autres sources, comme celles de l’OCDE par exemple, qui publie chaque année son « Panorama santé ». Mais le GBD possède une richesse incroyable que nous avons souhaité explorer. Nous nous sommes intéressés aux données de la France sur la période 1990-2019, avant le début de la pandémie de Covid-19. Nous voulions établir des tendances mondiales sur les trente années précédant cette crise avec un impact profond à l’échelle mondiale.

Comme dans toutes les bases de données de cette ampleur, un travail gigantesque est réalisé en amont pour standardiser les informations et compléter ceux qui manquent en utilisant des outils statistiques. Il faut donc prendre en compte d’éventuels biais et incertitudes sur certaines valeurs. Concrètement, avec ces données, on peut dégager des tendances générales, mais il est difficile d’établir des liens de causalité entre, par exemple, l’évolution d’un facteur de mortalité et une campagne de prévention spécifique.

Quels sont les résultats ?

Globalement, la santé des Français s’est améliorée sur cette période. L’espérance de vie à la naissance est passée de 77,2 à 82,9 ans. L’espérance de vie en bonne santé a également augmenté, passant de 67 à 71,5 ans. Même si les données ne permettent pas de tracer un lien de causalité direct, force est de constater que les progrès techniques en matière de soins, de prévention et de certaines politiques de santé ont contribué à ces résultats positifs. Par exemple, les accidents de la route ont diminué de plus de 70 %, certainement grâce à l’obligation du port de la ceinture de sécurité à l’avant et à l’arrière des voitures (en 1990), aux campagnes de prévention contre l’alcool au volant, etc.

Hormis une baisse notable des accidents de la route, les principales causes de mortalité sont restées les mêmes sur la période 1990-2019 : les cancers, principalement le cancer du poumon, et les maladies cardiovasculaires. Les principaux facteurs de morbidité, c’est-à-dire les facteurs chroniques qui altèrent la qualité de vie, sont les lombalgies, les maux de tête et les troubles anxieux et dépressifs.

Comment la France se situe-t-elle par rapport aux autres pays d’Europe occidentale ?

La France se classe au septième rang pour l’espérance de vie et au quatrième rang pour l’espérance de vie en bonne santé. Mais, si l’on prend en compte les incertitudes des données, de nombreux pays obtiennent des résultats équivalents. les pays européens présentent des profils épidémiologiques similaires, avec une forte présence de maladies chroniques et une faible part de maladies infectieuses.

Parmi les différences les plus marquées, la baisse de la mortalité par cancer du poumon a diminué de 23 % en Europe, mais seulement de 6 % en France. L’explication est peut-être à chercher dans le fait que le tabagisme est encore très présent en France, qui apparaît comme le mauvais élève d’Europe. Notamment, en France, en 2019, 17,8 % des femmes enceintes fumaient.

A l’inverse, pour les maladies cardiovasculaires, la France obtient de meilleurs résultats en valeur absolue. L’explication pourrait être qu’il existe un peu moins de facteurs de risque cardiovasculaire (obésité ou diabète par exemple) dans la population française qu’en Europe. Probablement grâce à des habitudes de vie plus favorables à la santé en matière alimentaire… même si celle-ci a tendance à se dégrader.

Quels messages votre étude peut-elle envoyer aux décideurs ?

Le système de santé français a fait ses preuves, avec une prise en charge satisfaisante des patients. Tout cela se traduit par des indicateurs qui évoluent dans le bon sens. Il faut donc être vigilant aux éléments que nous évoquions au début : les enjeux de démographie médicale et de déserts médicaux, les tensions hospitalières et la prise en compte des inégalités sociales de santé. Un autre facteur qui n’est pas encore visible dans les données statistiques, mais qui pourrait devenir inquiétant, est la résistance aux antibiotiques de certaines souches bactériennes.

Les données mettent également en évidence une sorte de « paradoxe français » : si le pays se classe parmi les premiers en Europe en termes d’espérance de vie, il tombe à 24 ans.e place si l’on regarde les indicateurs de prévention, selon une étude de 2017. Historiquement, le système français a toujours privilégié la prise en charge par rapport à la prévention. Ceci explique probablement des progrès moindres pour les pathologies liées à la consommation de tabac ou d’alcool. Depuis dix ans, on observe un « glissement dans la prévention » : les plans français, nationaux ou régionaux montrent une volonté d’y investir. D’ailleurs, le ministère s’appelle désormais Ministère de la Santé et de la Prévention. C’est quelque chose qui commence à s’installer dans l’inconscient collectif. Mais il faut du temps pour constater des changements et des effets significatifs.

Et depuis 2020 ?

La pandémie de Covid-19 a eu de profondes répercussions partout dans le monde. Le GBD vient de publier, le 11 mars, ses données mondiales pour la période 2019-2021. Les premiers résultats mettent en évidence l’impact sur la durée de vie : 84 % des pays ont vu l’espérance de vie diminuer sur cette période, avec en moyenne une baisse de 1,6 an. En France, la baisse n’est que de 0,4 an.

Nous avons déjà prévu de mener une étude comparable à la période 1990-2019 sur les années après 2020. Il sera intéressant de voir les évolutions spécifiques suite à la pandémie, puis les indicateurs qui ont repris leur évolution antérieure et ceux qui ont été perturbés au fil du temps.

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