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« Blessant, frivole, indéfendable… » Pourquoi Emilia Pérez ne plaît pas à tout le monde au Mexique

Certains reprochent au film du réalisateur français de s’approprier avec légèreté les drames de la narco-violence.

Grand favori aux Oscars, mais écrasé au Mexique. Émilie Pérez Le film de Jacques Audiard sur un narco mexicain transgenre séduit le monde des cinéphiles mais pas tout le monde dans le pays qui l’a inspiré, où certains lui reprochent de s’approprier à la légère les drames de la narco-violence.

Jeudi 23 janvier 2025, la comédie musicale est entrée dans l’histoire avec treize nominations aux Oscars, un record pour une œuvre non anglophone. Et connaîtra enfin le verdict du public mexicain avec sa sortie en salles, après des mois de violentes inculpations. “Émilia Pérez C’est tout ce qu’il y a de mauvais dans un film : les stéréotypes, l’ignorance, le manque de respect, l’exploitation d’une des plus graves crises humanitaires au monde (les disparitions massives au Mexique). Blessant. Frivole »résume sur le réseau social X Cecilia Gonzalez, qui se présente comme une journaliste mexicaine en Argentine (48 000 abonnés).

Le chemin de croixÉmilie Pérez sur ses terres a débuté fin octobre au festival de Morelia (nord-ouest) lors d’une projection en présence d’Audiard et des actrices récompensées par le prix de la meilleure actrice à Cannes, Karla Sofia Gascón, Zoe Saldaña, Selena Gomez et Adriana Paz. Peu impressionné, le public a applaudi du bout des doigts l’histoire du narco sanguinaire qui vient en aide aux victimes des cartels dont les proches des disparus une fois devenus des femmes.

« Tout semble inauthentique. »

Rodrigo Prieto

Le cinéaste mexicain Rodrigo Prieto, également très populaire à Hollywood (Barbie, Tueurs de la Lune des Fleurs de Martin Scorsese), a été le premier à tourner contre le film tourné en studio à Paris, hormis quelques extérieurs nocturnes au Mexique. Outre la présence au casting de la Mexicaine Adriana Paz, « tout semble inauthentique », résume-t-il pour le magazine spécialisé Deadline. « Surtout quand le sujet est si important pour nous, Mexicains »ajoute-t-il en faisant référence aux quelque 30 000 homicides annuels et aux 100 000 disparitions liés en grande partie à la narco-violence.

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« Je n’ai rien contre les non-Mexicains qui font des films au Mexique mais les détails sont importants. Prenons le cas d’Ang Lee. Il vient de Taiwan et il a fait Brokeback Mountain (romance entre deux cowboys). Mais il se concentre sur les détails »conclut Rodrigo Prieto, qui a défendu son propre film (Pedro Paramopour Netflix) à Morelia. « Le film banalise le problème des disparus au Mexique »s’insurge Artemisa Belmonte, auteur d’une pétition sur change.org pour s’opposer à sa sortie en salles (11 000 signatures depuis le 9 janvier). Émilie Pérez Est « l’un des films les plus grossiers et les plus trompeurs du 21e siècle »enfonce le clou l’écrivain Jorge Volpi dans Le pays.

Inversons les rôles, ironise-t-il : qu’aurait dit la profession si un réalisateur mexicain oscarisé (Cuaron, Inarritu ou Del Toro) avait tourné une fiction sur les problèmes des banlieues en , mais dans un studio au Mexique, avec des acteurs d’Hollywood, parlant avec un accent argentin ou colombien ? « Cela aurait été une simple plaisanterie reçue avec des éclats de rire ». « Émilie Pérez incarne tous les préjugés maladroits envers les transitions de genre »ajoute Jorge Volpi, saluant tout de même « le travail minutieux » de l’actrice transgenre espagnole Karla Sofia Gascon.

Un accent manquant

Autre polémique : le mauvais espagnol de l’Américaine d’origine mexicaine Selena Gomez. Sa performance a été qualifiée « indéfendable » de l’acteur mexicain Eugenio Derbez. « Je suis désolé, j’ai fait de mon mieux »a défendu Selena Gomez sur Tik Tok. Derbez s’est excusé catégoriquement. Audiard lui-même a commencé son mea culpa lors d’une récente présentation au Mexique : « Si les choses semblent offensantes en Émilie, je serais prêt à m’excuser ». « Au départ c’est un opéra et un opéra c’est pas très réaliste »il se défend.

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« Selena (Gomez) et Zoé (Saldana) ont apporté une dimension commerciale »explique-t-il en réponse à une question de l’AFP sur le peu de Mexicains au casting (autre critique récurrente). Face aux attentats, le film a fini par trouver des défenseurs au Mexique. « Je ne pense pas que Gene Kelly soit allé à Paris pour Un Américain à Paris », » déclare le réalisateur mexicain Guillermo del Toro lors d’une discussion avec Audiard.

« Si les grands maîtres du cinéma d’auteur comme Federico Fellini ou Luis Bunuel étaient vivants, c’est le genre de film qu’ils feraient »selon un chroniqueur de Milenio, Alvaro Cueva, affirmant que Bunuel avait également été écrasé en 1950 pour Les Oubliés (chronique des bidonvilles du Mexique). Interrogée également par Milenio, Angie Orozco, d’un collectif de proches de disparus, espère mercredi que « tout le bruit » autour du film permet une meilleure « voir cette crise » des disparus. Un retour à la dure réalité.

 
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