Halidi Abdallah tient un bâton en bois dans chaque main. “C’est la porte de notre maison”explique le quinquagénaire, qui vit depuis plusieurs décennies dans un quartier de Mamoudzou, à Mayotte. Tous les murs en tôle qui formaient sa maison ont été emportés par le cyclone Chido, samedi 14 décembre. Mais quelques jours plus tard, une partie de ces cloisons métalliques est déjà redressée. « Où vivrons-nous avec les enfants si nous ne reconstruisons pas maintenant ?» demande le Mahorais.
Partout sur l’île, les mêmes bruits saccadés résonnent dans les bidonvilles. Des coups de marteau. Le long des routes, des habitants, parfois très jeunes, portent de gros morceaux de métal sur la tête. Certains quartiers ont déjà retrouvé une partie de leur couleur gris-bleu, caractéristique des « bangas », ces maisons en tôle ondulée qui s’étalent sur les collines de Mayotte.
Après le passage du cyclone, qui a presque entièrement détruit cet habitat précaire, de nombreuses voix se sont élevées pour réclamer la construction d’habitats sains et résistants. Lors de sa visite dans l’archipel, Emmanuel Macron a affirmé vouloir “pour finir” aux bidonvilles et « supprimer les habitats à la fois indignes et dangereux », dans laquelle vivent environ 100 000 personnes, soit un tiers de la population mahoraise.
Une volonté qui se heurte déjà à la réalité. Dès que le vent a diminué d’intensité, Halidi Abdallah a quitté la mosquée dans laquelle il s’était réfugié pour regagner ses terres dévastées. Il ramassa les tôles éparpillées et entreprit de reconstruire sa maison. Cinq jours plus tard, la chambre principale a déjà un toit et des murs fragiles. Son fils de 7 ans est allongé sur le matelas, avec les quelques jouets qui lui restent. “C’est sale, on dirait des cochons”le père s’excuse en montrant son complot.
« Nous aimerions reconstruire durablement, mais avec quels moyens ?
Halidi Abdallah, touchée par le cyclone Chido à Mayottesur franceinfo
Les affaires de la famille épargnée par Chido sont entreposées dans la seule pièce à l’abri des intempéries, alors que la pluie est revenue sur l’île. Parmi les objets les plus précieux : une pochette contenant des papiers d’identité et un paquet de pâtes, aux trois quarts vide. Le congélateur a miraculeusement survécu, mais il n’est plus connecté à l’électricité. “Il y a encore de la glace à l’intérieur.”assure le père de famille, qui prend chaque jour un peu de viande et de poisson pour nourrir sa famille.
Le four, le réfrigérateur, le lave-linge et le décodeur TV sont tous hors service. « Avant, j’avais même le wifi ici ! »assure cet électricien. Toutes ses photos de famille avaient également disparu, ajoute celui qui dit avoir déjà survécu à quatre cyclones avant Chido.
A l’évocation des déclarations du chef de l’Etat, l’homme cesse de sourire. “Je ne veux même pas le voir.”murmure-t-il, avant de s’excuser d’avoir utilisé ces termes. « Sommes-nous en France ?demande-t-il en désignant son quartier dévasté, mais en pleine tourmente. Autour de son domicile, plusieurs « bangas » sont déjà sortis de terre, tandis que d’autres restent éparpillés en mille morceaux. « Nous sommes bien conscients que la tôlerie n’est pas idéale, mais nous n’avons pas d’autre choix »glisse un voisin.
Plusieurs habitants dénoncent également des propos, parfois moqueurs ou menaçants, tenus par des policiers ou des gendarmes lors de leurs visites dans le bidonville après le cyclone. « Ils nous disent : ‘Ah, tu reconstruis vite !’ Ou : ‘Il va falloir revenir et tout détruire !’assure un habitant. De nombreuses personnes craignaient déjà, avant le cyclone, d’être délogées dans le cadre de l’opération Wuambushu. Une crainte d’autant plus grande pour les sans-papiers, à qui aucune solution de relogement durable n’est proposée.
Après les ravages du cyclone, le défi de construire des logements sains est plus que jamais d’actualité sur l’île. Mais Halidi Abdallah et les autres habitants ne peuvent plus attendre : “Nous avons peur d’un autre cyclone.”
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