STÉPHANE DE SAKUTIN / AFP
« Dans un mois, ça tombe » : François Bayrou (ici le 17 décembre) aurait-il pu connaître de pires débuts à Matignon ?
POLITIQUE – François Bayrou rejoindra-t-il Marion Rolland et Usain Bolt ? A l’image de ces deux sportifs, le nouveau Premier ministre marque ses esprits avec des débuts franchement ratés à Matignon. Au point de tomber après deux mètres de descente, comme le skieur des JO de Vancouver ? Ou d’être disqualifié après un départ chaotique, comme le sprinteur aux championnats du monde en Corée du Sud ? Certains commencent à y réfléchir.
Le président du MoDem, allié historique d’Emmanuel Macron, a été nommé Premier ministre, jeudi 12 décembre, au terme d’un incroyable bras de fer avec l’hôte de l’Élysée. Le chef de l’Etat, qui souhaitait nommer son fidèle Sébastien Lecornu, a finalement décidé d’installer le centriste, mécontent du traitement qui lui a été infligé.
Depuis, François Bayrou a travaillé dur pour consulter toutes les forces politiques représentées à l’Assemblée pour former son gouvernement. Problème : en parallèle de ces discussions, censées l’aider à grimper” l’Himalaya des difficultés » qui a fait vaciller Michel Barnier, ses premiers pas dans le rôle de Premier ministre sont laborieux. En cinq jours, les polémiques se poursuivent et le flou se fait plus épais quant à sa vision politique.
UN ” erreur politique majeure »
Il y a d’abord la forme. Alors que les images de l’archipel de Mayotte, dévasté par le cyclone Chido, inquiètent en France et au-delà, François Bayrou est pointé du doigt pour sa prétendue légèreté sur la question. Avec deux scènes tout à fait uniques, et particulièrement difficiles à gérer aujourd’hui pour sa garde rapprochée.
Samedi, le nouveau chef du gouvernement n’a pas souhaité répondre aux questions des journalistes pour le premier point de presse organisé sur le sujet. Il a laissé faire son ministre (démissionnaire) de l’Intérieur Bruno Retailleau, avant de quitter la salle. Une sortie, devant la caméra et sans explication, digne des meilleures séries télé caustiques, qui trouve un écho particulier sur les réseaux sociaux. Erreur de communication ou désintérêt flagrant ?
Les plus optimistes ne le sont pas restés longtemps. Deux jours plus tard, alors que Bruno Retailleau s’affairait sur place, et que le président de la République organisait une réunion de crise dédiée à Mayotte… François Bayrou a préféré se rendre à Pau, pour présider un conseil municipal. Il s’agit de participer aux discussions sur Mayotte par visioconférence, et d’utiliser la flotte présidentielle pour un aller-retour express vers les Pyrénées.
La mairie de Pau, plus que l’archipel mahorais ? Sans surprise, le tableau proposé par le centriste, à l’heure où Mayotte est en proie à ce qui pourrait être la catastrophe climatique la plus meurtrière des 100 dernières années en France, n’est du goût de personne. A gauche, on critique un « erreur majeure “, et ” impensé colonial et raciste » ou un « terrible erreur ».
Juste une précision ?
Plus embarrassant encore, ces critiques sont partagées jusque parmi les élus censés soutenir le chef du gouvernement. Ainsi, Yaël Braun-Pivet n’a pas hésité à critiquer publiquement François Bayrou ce mardi 17 décembre, expliquant sur franceinfo qu’elle aurait « a préféré que le Premier ministre, au lieu de prendre l’avion pour Pau, prenne l’avion pour Mamoudzou »la capitale de Mayotte. Rude.
Signe supplémentaire de ce malaise : le président du MoDem a consacré la quasi-totalité de sa première séance à l’Assemblée, ce mardi après-midi, à se défendre de tout mépris concernant les territoires d’outre-mer. « Pau est en France (…) J’ai présidé le conseil municipal de ma ville. Je considère qu’en agissant ainsi, j’étais aussi à ma place de citoyen.”il a expliqué… Avant une sortie maladroite sur le « territoire national » ce qui exclurait Mayotte.
De quoi convaincre les sceptiques ? Et éteindre le début de l’incendie ? Pas sûr du tout. Car au-delà de ces questions de forme, ou de cette communication qui sent bon » le vieux monde », on ne peut pas dire que le décor soit plus réussi pour ces premiers instants à Matignon. Pour l’instant, le Premier ministre s’abstient de tout commentaire sur ses projets ou ses orientations. Un écueil majeur, sans doute, pour retrouver la stabilité qui manquait à son prédécesseur.
« Est-ce que je fais le discours de politique générale aujourd’hui ? Non », a-t-il par exemple répondu ce mardi au président du groupe socialiste Boris Vallaud qui s’inquiétait de l’absence de main tendue à Matignon. Une réponse qui n’est pas sans rappeler celle de Michel Barnier, lorsque l’ancien Premier ministre expliquait à ses interlocuteurs en quête de précisions qu’il leur faudrait attendre sa déclaration de politique générale pour en savoir plus sur sa feuille de route. Nous connaissons la suite.
Joue comme Michel
En réalité, plusieurs indicateurs montrent que le Béarnais semble tenté de suivre les traces du Savoyard, qui a tout misé sur la mansuétude du Rassemblement national à son égard pour durer. À tort. Pour s’en convaincre, il suffit de regarder les réactions aux différentes consultations à Matignon : Marine Le Pen s’en sort plutôt contente, satisfaite par exemple sur la représentation proportionnelle, quand la gauche ouverte au dialogue (PS ou EELV) paraît abasourdie par les discussions sur le contenu.
Il est en train de « ouvrir progressivement la voie à sa propre censure », a même expliqué Marine Tondelier, la leader des Verts à sa sortie de Matignon, pointant ce mardi l’incapacité du centriste à céder. réponses ” À gauche. Une sorte d’avertissement partagé bien au-delà du Nouveau Front Populaire. ” Si c’est utiliser la méthode Barnier, sur les anciens élus du gouvernement et l’accord avec LR, cela aura les mêmes conséquences »fait par exemple valoir le député de Vienne, ancien macroniste, Sacha Houlié.
Dans ce contexte, on ne peut pas dire que la seule proposition de fond évoquée par François Bayrou depuis sa nomination contribue à retrouver le chemin de la stabilité. Depuis Pau, le président du MoDem défend efficacement le retour du cumul des mandats (exécutif – maire), cumul qu’il a pourtant combattu pendant de nombreuses années, au nom de la moralisation de la vie politique. Ce qui fait dire à Olivier Faure, le secrétaire national du Parti socialiste, que le chef du gouvernement « je me suis perdu. » Déjà ?
En fait, ces premiers jours chaotiques – dans une atmosphère politique éruptive – n’incitent pas à l’optimisme. Même au sein des partis de « bloc central. » « Ses débuts ne sont pas à la hauteur. Il est déconnecté, vide de sens politique et il sera incapable de rassembler », décide avec le HuffPost un décor d’une des chapelles destinées à soutenir l’exécutif. Et de prophétiser avec pessimisme : « En un mois ça tombe”. Un faux départ dans les règles de l’art.
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