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récit d’une visite historique

Patrick Fiori est ému. Rencontré ce dimanche 15 décembre sur le parvis de la cathédrale d’Ajaccio, devant lequel il a chanté pour le pape François Terre corse avec d’autres artistes d’origine corse, dont Alizée, l’interprète de la comédie musicale Notre-Dame de Paris commentaires, inépuisables, sur la première arrivée sur l’île d’un pape. « Aujourd’hui, la Corse est le centre du monde. Une petite île, toute petite, le centre du monde, c’est exceptionnel. affirme le chanteur, vêtu de blanc, à l’unisson d’un territoire où cette visite a eu un écho impressionnant.

Même au plus profond du maquis corse, personne ne pouvait l’ignorer. Des écrans géants ont été installés sur tout le territoire : à Bastia, Porto-Vecchio ou dans l’église de Piana… “C’est comme si Jésus venait nous rendre visite” » s’enthousiasme une catéchumène rencontrée dans le nord de l’île, d’où elle suivait l’émission. « Recevoir le Pape, c’est la reconnaissance d’une histoire particulière de la Corse »confirme l’historien Antoine-Marie Graziani, lui-même membre d’une confrérie, présente à Ajaccio, où ils étaient nombreux les épaules couvertes des capes colorées de ces associations piliers de l’Église corse.

Le credo dans la rue

Ce dimanche, des dizaines de milliers de personnes de cet ancien territoire génois se sont rassemblées le long des routes ajacciennes pour saluer, ou du moins voir, François, venu ici mettre en valeur la singularité corse en termes de religiosité populaire et d’expression d’une « une laïcité saine »dit-il. Rarement lors d’un voyage en , notamment en Méditerranée, François n’a pas parlé des migrants.

Premier signe de ce particularisme, dès la descente de l’avion papal, sur le tarmac où était présent le ministre de l’Intérieur démissionnaire Bruno Retailleau, la Garde républicaine s’est un peu trop attardée sur l’hymne du Vatican. François était déjà entré dans l’aéroport avant que l’orchestre – ne se doutant guère du nationalisme corse – n’ait eu le - de chanter The Marseillaise. Simple revers, l’hymne français a retenti dès le départ du pape argentin, qui a immédiatement commencé sa visite pastorale de neuf heures par un premier bain de foule, en papamobile, sur le front de mer.

« Je crois en Dieu, le Père Tout-Puissant… » La première scène forte de ce voyage trépidant s’est déroulée devant le baptistère San-Ghjuvà (Saint-Jean), à proximité des premiers vestiges paléo-chrétiens de la ville. Signe que la religion peut ici s’exprimer dans l’espace public, la voiture du pape garée au bord de la route pour laisser François écouter Léo, un adolescent au foulard violet, réciter le Credo en pleine rue, la prière adoptée lors du concile de Nicée, dont le 1.700e anniversaire sera célébré en 2025. François pourrait à cette occasion se rendre en Turquie, pour une nouvelle escale méditerranéenne. Le 12e (hors Italie) depuis son élection en 2013.

Traditions d’une communauté vivante

Sous un soleil radieux, le pape, qui aura 88 ans le 17 décembre, est ensuite revenu au Palais des Congrès pour clôturer une conférence sur « religiosité populaire en Méditerranée ». Cette dernière avait été imaginée après que François eut exprimé son désir de venir en Corse, touché par le récit du voyage sur l’île au printemps du numéro trois du Vatican, le suppléant de la Secrétairerie d’État Mgr Edgar Peña Parra, proche de le Cardinal et Évêque d’Ajaccio François Bustillo. C’est ce dernier qui commença par prendre la parole au Palais des Congrès, après quelques chants polyphoniques.

« C’est une belle découverte de voir à quel point la piété populaire permet de placer sa foi dans l’espace public sans créer de tensions et de tensions sociales »a déclaré le jeune cardinal de 56 ans, qui a passé la journée assis à côté de François à bord de la papamobile. Signe de sa popularité, près de 800 Corses l’ont accompagné à Rome en septembre 2023 pour célébrer sa création cardinale.

À sa suite, le pape a prononcé son premier et plus important discours de la journée, observant d’abord que : « Dans les pays européens, la question de Dieu semble s’estomper. » Heureusement, face à la modernité et à la sécularisation, la foi peut être sauvée par la religiosité populaire, estime le pape argentin. Synthétisant ses pensées développées dans sa dernière encyclique, Il nous aimaitFrançois a ensuite insisté sur les limites de cette religiosité. Superstition, folklore, mais surtout instrumentalisation. « Le risque (c’est ça) la piété populaire est utilisée, instrumentalisée par des groupes qui entendent renforcer leur identité de manière polémique, en alimentant les particularismes, les oppositions, les attitudes d’exclusion », a expliqué le pape, alors que certains groupes minoritaires d’extrême droite, comme l’association Palatinu, souhaitent défendre le catholicisme comme élément central de l’identité corse.

« Il faut éviter que la piété populaire ne soit qu’externe au risque de tomber dans le folklore, a ajouté l’un des intervenants de la conférence, Mgr Roberto Carboni, archevêque d’Oristano, en Sardaigne, présent au Palais des Congrès. La foi des simples doit être valorisée. Il faut éviter que la théologie soit seulement froide et intellectuelle. »

Un exemple « vertueux »

Attaché aux simples expressions de foi, comme bénir une statue ou participer à une procession, le pape défendait leur place dans la société, appelant à «développer un concept de laïcité qui n’est pas statique et figé, mais évolutif et dynamique, capable de s’adapter à des situations différentes ou imprévues, et de promouvoir une coopération constante entre les autorités civiles et ecclésiastiques (…), chacun restant dans les limites de ses compétences et de son espace». Citant son prédécesseur Benoît XVI, François a enfin décrit ce qui constitue à ses yeux un « une laïcité saine » et a salué le modèle corse de dialogue entre autorités civiles et religieuses en la matière : «Vous êtes un exemple vertueux en Europe. Continuer ! », dit le pape.

Son arrivée sur l’île, décrite comme un moment “en harmonie”, a réuni de nombreux élus de sensibilités différentes. «C’est un vrai moment de grâce» décrit à Ajaccio Aline Castellani, maire de Piana et directrice des pèlerinages du diocèse. La visite a également impliqué d’autres cultures ou religions : l’association Les Bienfaiteurs marocains de Corse a ainsi récolté la somme de 10 000 € pour participer à l’organisation du voyage papal.

Sur l’île, tous les prêtres interrogés louent en effet un « une laïcité apaisée »comme l’exprime le Père Georges Nicoli. “ Ici, on sait qu’il ne s’agit pas de négation ou de rejet des religions», assure le curé de Bastia dans la cathédrale d’Ajaccio, où le pape poursuit son appel au renouveau de la foi, en Corse et ailleurs en France. Signe que cette visite à Ajaccio était bien un voyage en France, François fut accueilli par le président de la Conférence des évêques de France, Mgr Éric de Moulins-Beaufort, dans le bâtiment où Napoléon fut baptisé en 1771.

« Très Saint-Père, de tout mon cœur au nom de tous les évêques et des Français, merci de votre venue en Corse et en France », a déclaré l’archevêque de Reims, qui avait appelé lors de la dernière Assemblée plénière des évêques de Lourdes à vivre cette visite comme “Encore une stimulation” après la réouverture en grande pompe de la cathédrale de Paris les 7 et 8 décembre. L’absence du pape à cet événement aussi historique avait été largement commentée.

Comme à la maison

Lors de son discours, Mgr Éric de Moulins-Beaufort, qui a rappelé ses origines corses, a évoqué avec François “besoin de recevoir des prêtres en France”. Malgré un attachement aux traditions populaires, le christianisme corse n’est en effet pas épargné par le déclin des pratiques et des vocations. Alors, face à un public très touché par sa présence, le Pape a voulu dire « merci », « prenez soin de vous ». Dans le chœur de la cathédrale, François s’adresse enfin « de cette île méditerranéenne un appel à la paix » au Moyen-Orient. « Prions pour les victimes de cyclone qui a frappé ces dernières heures l’archipel de Mayotte, il a ajouté. Je soutiens en esprit ceux qui ont été touchés par cette tragédie. »

Avant de regagner l’aéroport, où il a rencontré le chef de l’Etat Emmanuel Macron, François a présidé la messe en vêtements liturgiques roses au pied d’un monument à la gloire de Napoléon. Nouveau signe d’une expression corse de la laïcité, la première lecture a été lue en corse par une personnalité politique, la présidente de l’assemblée de l’île Marie-Antoinette Maupertuis. Là, tandis que la magnifique lumière de fin d’après-midi projetait l’ombre des palmiers sur la foule d’environ 8.000 personnes rassemblées au « théâtre vert » du Casone, le Pape, très applaudi lors de son homélie, a remercié les Corses pour ce «journée pendant laquelle je me suis senti chez moi !, dit-il. Avancez en harmonie, dans une distinction qui n’est pas séparation, en travaillant toujours ensemble pour le bien commun. » » a demandé le pape acclamé.

Tout au long de cette journée, quelque chose semble s’être tissé entre le pape argentin et les habitants de cette île, dont il appelait à préserver la beauté. Élise, 32 ans, venue de Bastia avec son mari et son fils, ne dit pas le contraire. Son petit garçon de 15 mois, Sanmarcu, a été béni par les mains de François, que la jeune femme brune, toujours émue, décrit comme « un pape universel… donc corse ».

 
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