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« Macron ne voudra pas se laisser dicter le rythme de la fin de son quinquennat »

l’essentiel
Le constitutionnaliste Benjamin Morel évoque le futur gouvernement de François Bayrou et la difficile recherche d’une majorité à l’Assemblée nationale. Entretien.

La Dépêche du Midi: Can François Bayrou form a government with personalities?

Benjamin Morel : Cela semble être sa volonté : faire venir des personnalités de premier plan. Mais si Bayrou veut faire comme Barnier, c’est-à-dire jouer l’opinion publique contre le Parlement, cela s’annonce compliqué. Pour élargir le socle commun, il faudrait trouver des personnalités de gauche mais il n’est pas sûr que LR acceptera de perdre le poids qu’il a aujourd’hui. Le risque serait de n’avoir qu’un gouvernement macroniste. Cela fragiliserait le gouvernement en donnant une impression de continuité mal perçue par l’opinion publique.

Bruno Retailleau fera-t-il partie de ce casting gouvernemental ?

C’est un dilemme stratégique pour François Bayrou. Si Bruno Retailleau n’est pas là, les Républicains risquent de quitter le socle commun. Mais le nom de Retailleau est aussi un épouvantail pour la gauche. S’il est au gouvernement, les socialistes voteront la censure, d’autant que la pression des rebelles sera très forte.

François Bayrou on Saturday.
POOL – STEPHANE DE SHAKUTIN

Pourra-t-il échapper à la censure sur le budget ?

Le nouveau Premier ministre est confronté à plusieurs difficultés. S’il utilise le 49.3, le RN n’a aucun intérêt à le censurer car il est dans une démarche d’uniformisation et veut donner l’image d’un parti raisonnable. Mais si le budget passe grâce au RN, ce sera pour Bayrou un retour dans la case Barnier après avoir voulu s’émanciper. Ce budget peut aussi passer avec un vote positif de LR et de la gauche hors Insoumis. Mais on ne voit pas comment un tel budget peut rassembler une telle majorité. En réalité, personne n’a intérêt à ce que la n’ait pas de budget. Si on ne l’a pas au 31 décembre, ce n’est pas une catastrophe, mais si on en est au même point dans trois mois, ce ne sera pas la même chose.

Quelle attitude le Rassemblement national peut-il adopter dans les prochaines semaines ?

Soit Bayrou ne parvient pas à élargir la base commune, le RN jouera à nouveau le rôle d’arbitre. Soit Bayrou parvient à un accord de non-censure avec le PS, le RN pourra dénoncer un budget d’austérité et se présenter comme la seule alternative aux prochaines élections.

Après la dissolution ratée, la chute de Barnier puis les hésitations à nommer Bayrou, Macron semble de plus en plus fragilisé.

Un Premier ministre qui s’impose au Président, c’est une première dans la Ve République. Et je ne pense pas que cela se soit produit sous la Quatrième ou la Troisième République. Même dans le cas de Clémenceau avec Poincaré. Dans l’histoire, c’est plutôt le contraire, un Président qui impose son choix. Cela démontre l’extrême faiblesse d’Emmanuel Macron qui espérait reprendre la main. Mais cela illustre aussi les défauts de Bayrou. J’en vois trois : elle s’appuie sur une coalition trop hétérogène avec plusieurs groupes politiques. Il veut être président de la République mais s’appuie sur des candidats à la présidentielle : Philippe, Attal, Wauquiez. Si Bayrou échoue, il ne fera de mal à personne, mais si ce gouvernement réussit, il deviendra un problème. Enfin, sa troisième faiblesse est le risque d’hostilité de la part de celui qui l’a nommé. Macron tentera de garder la main et ne voudra pas se laisser dicter le rythme de la fin de son quinquennat. Bayrou est presque un Premier ministre de la cohabitation, sauf que dans la cohabitation, le Premier ministre s’appuie sur une majorité qui n’existe pas aujourd’hui.

Une nouvelle dissolution est-elle inévitable ?

S’il y a trop d’instabilité, c’est probable même si personne n’y trouve vraiment d’intérêt. Le RN peut gagner mais s’il gagne Matignon, il risque de perdre la présidentielle. Ce serait se tirer une balle dans le pied. La gauche aura du mal à créer l’unité. Quant aux macronistes, ils doivent en grande partie leur élection au transfert des voix de la gauche vers le second tour. En dehors des rebelles, une dissolution ne conviendrait à personne.

 
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