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au firmament du rire

Il a promis « une édition totalement folle ». Jérémy Ferrari, producteur et one-man band d’un rendez-vous annuel désormais incontournable. Pour cet anniversaire, qui se double d’un hommage à Guillaume Bats, l’un des piliers du groupe disparu en 2023, les artistes ont rivalisé d’inventivité, d’astuces et d’énergie.

Sur la scène de la mythique salle du Grand Rex à Paris, la belle-mère marche comme un homme. Normal, c’en est un. Vêtu d’une robe qui semble peser une tonne et d’une perruque aussi haute que le couvre-chef de la garde royale britannique, Jérémy Ferrari règle en cette fin d’après-midi de mai les derniers détails du sketch le plus populaire et ambitieux de son défilé annuel, « Les duos impossibles », en l’occurrence une parodie de « Cendrillon ». Cette dernière est incarnée par Florence Foresti, qui se demande par où elle doit entrer sur scène : « C’est mieux si je viens du côté, non ? – Oui, répond Jérémy Ferrari. Et tu t’arrêtes à mi-chemin parce que quand tu viendras, il y aura des applaudissements, c’est sûr. »

Le meilleur casting de l’année

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Trio de choc. Ahmed Sylla est entouré d’Alban Ivanov et d’Artus.

© Vincent Capman

Et pour cause : le public attendu ne sait pas encore que le plus célèbre des comédiens français actuels sera sur scène ce soir, de même qu’il ignore le reste du casting composé cette année d’Ahmed Sylla, Artus , Alban Ivanov, Paul Mirabel, Alexandre Kominek, Armelle et Camille Lavabre. Tout au plus se doute-t-il que le gala sera co-présenté, comme les deux éditions précédentes, par Jérémy Ferrari et ses complices Arnaud Tsamere et Baptiste Lecaplain. En fait, les spectateurs ne se soucient pas des stars présentes : depuis dix ans que cette rencontre existe, ils n’ont jamais été déçus. C’est pourquoi, le jour de la mise en ligne des réservations, 180 000 personnes se sont connectées et les 2 500 places du Grand Rex ont disparu en trois minutes chrono. Preuve que ces « Duos Impossibles » sont un événement. Rien de moins.

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Une reine et un prince : Florence Foresti, 51 ans, et Paul Mirabel, 28 ans. Au Grand Rex, le 7 mai.

© Vincent Capman

Un spectacle unique en son genre, conçu pour une seule représentation, avec des sketches écrits spécialement pour l’occasion et interprétés en duo (ou trios, quatuors, et plus encore si vous préférez !) par la crème des comédiens. « L’idée est née à Bruxelles, où j’ai créé le festival Smile and Song, trois jours de fête autour de spectacles d’humour et de soirées musicales », raconte Jérémy Ferrari. Pour l’ouverture, je voulais quelque chose de plus original qu’un one-man show. Comme avec beaucoup d’amis comédiens, on déconne beaucoup sans rien faire, j’ai pensé à monter quelques duos rien que pour cette soirée. »

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Et pour garder une trace de l’instant et le rentabiliser, Ferrari l’a fait enregistrer pour une diffusion télévisée. « Le problème, c’est que je n’avais que 27 ans et que cela ne me convenait pas depuis très longtemps. Alors j’ai bluffé : j’ai dit aux artistes que j’avais toutes les chaînes de télé et aux chaînes de télé que j’avais tous les artistes. » D17 (plus tard CStar) fut le premier à réagir. Avec une condition contractuelle : si le programme ne lui plaît pas, la chaîne lui retire toutes ses billes. Non seulement il a ravi les diffuseurs, mais il est devenu au fil du temps une institution du divertissement comique. Il suffit de dire que le 10e anniversaire devait être célébré comme il se doit : en grande pompe.

Sept à huit mois de préparation

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Deux drôles de dames pour une blague : Camille Lavabre et Armelle supervisent Alexandre Kominek.

© Vincent Capman

On ne saura rien du budget exact de l’opération, mais Jérémy Ferrari, en tant que producteur, assure que cela coûte très cher. « C’est la deuxième année que je peux me le permettre », a-t-il déclaré. De toute façon, je n’ai jamais fait ça pour l’argent parce que sinon je gagne très bien ma vie. Mais maintenant, étant donné le succès du programme, nous le vendons plus cher et nous pouvons réaliser des bénéfices. » « Duos impossibles » 2024, c’est sept à huit mois de préparation à l’écriture et aux répétitions, des dizaines de costumes et pas moins de 115 personnes entre les coulisses et la direction technique le jour de l’enregistrement, qui durera plus de quatre heures. Après cinq mois de montage, le programme sera réduit à deux heures quarante-trois heures. D’où la préparation minutieuse de Ferrari. Le monsieur ne plaisante pas avec l’humour qui, comme chacun le sait, est une affaire sérieuse. Il avoue être un « control freak » : « Si ça ne tenait qu’à moi, on répéterait six mois non-stop ! » « Quand Jérémy fait mine de nous crier dessus sur scène, confie Baptiste Lecaplain, on n’est pas loin de la réalité. Bien que nous soyons de très bons amis, il n’hésite pas à nous dire ce qu’il pense et à nous faire retravailler l’écriture jusqu’à ce que le résultat lui convienne. »

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Le filage (la dernière répétition) terminé, tout le monde se met à table dans une grande salle. Le buffet est généreux, une avalanche de compotes, douceurs et biscuits côtoient charcuteries, fromages, salades et plats chauds. “On voit qu’il y a de l’oseille maintenant”, s’exclame Ahmed Sylla. Cela ne veut pas dire qu’il revêt son caractère habituel. Chacun pèse ses prix pour que le spectacle existe. L’ambiance en coulisses est celle d’une rencontre entre amis, certains venant en famille comme Baptiste Lecaplain qui a ses deux enfants avec lui.

Artus, dont « Un petit truc en plus » est sorti depuis quelques jours, ne peut faire un pas sans être félicité pour le démarrage record de son film – personne ne se doute qu’il atteindra les 11 millions d’entrées ! Par ailleurs, il vient d’apprendre que « La Pampa » (qui sortira le 5 février 2025), le long métrage pour lequel il a imposé un régime drastique, entre en compétition officielle à Cannes. “Tout ce qui se passe est incroyable”, dit-il, presque gêné, avant de se rendre dans sa loge pour se préparer – et probablement pour étudier car, débordé comme il l’est en ce moment, il vient d’arriver et n’a pas participé au filage. .`

Comme un concert de Beyoncé

Pas besoin de chauffeur de théâtre pour « exciter » le public : quand Baptiste Lecaplain, Arnaud Tsamere et Jérémy Ferrari montent sur scène à 20 heures, sous l’œil d’une dizaine de caméras, on se croirait dans un concert de Beyoncé. Et il ne faudra pas attendre dix minutes pour qu’un hommage, sous forme de plaisanterie bien sûr, soit rendu au grand absent de la soirée : Guillaume Bats, décédé en juin 2023. Lourdement handicapé par une maladie osseuse, il était le complice de Ferrari, révélé dans « On ne demande qu’à rire », l’émission de Laurent Ruquier où pas mal de ces « Duos impossibles » – dont Artus – ont été découverts. À l’humour corrosif de Ferrari s’ajoutait l’autodérision de Bats, qui jouait sur son apparence disgracieuse. Alors que certains répètent sans cesse qu’on ne peut plus rire de tout, le tandem n’a cessé de repousser les limites du politiquement correct. L’irrévérence poussée à l’extrême a toujours été l’ADN de Jérémy Ferrari : « Tout ce qui est sacré s’arrête à la porte du théâtre. Pour donner l’exemple, j’insulte systématiquement ma mère depuis quinze ans ! Les gens savent qu’à partir du moment où un fils unique traite sa mère de pute, ils n’en croient pas un mot pendant le spectacle ! » Tsamere et Lecaplain surfent pourtant sur un fond de vérité quand, entre deux sketchs, ils racontent la tentative de suicide de Ferrari. Ce dernier, beau joueur, retient un éclat de rire.

Le public ne cache pas sa joie quand Artus arrive sur scène dans la peau de Sylvain, un niais devenu extrêmement célèbre. « L’année dernière, le sketch du tueur en série Sylvain a battu des records de vues sur la Toile, confirme Jérémy Ferrari. Cette année, quand Artus a enlevé sa capuche et que les spectateurs l’ont applaudi, c’était émouvant de voir ses yeux briller de fierté. En plus de son personnage, il savait que c’était son film qui était applaudi. » C’est aussi « Duos impossibles » : un audit de popularité pour les comédiens à leur meilleur. Il faut voir comment Ahmed Sylla, en infirmier parlant dans un sabir incompréhensible, improvise et, encouragé par les rires, en ajoute toujours plus.

« C’est vrai que j’ai beaucoup brodé », avoue-t-il après le défilé. Le gars du téléprompteur a failli avoir un accident vasculaire cérébral ! » La partie la meilleure et la plus dérangeante se déroulera néanmoins à la fin du spectacle. Parce qu’on n’est pas du genre à spoiler, on n’en dira rien ici, si ce n’est la réflexion de Jérémy Ferrari à propos de son ami Guillaume Bats : « Il aura vraiment foutu toutes les chutes. » La séquence est à la fois drôle et émouvante. Impossible, les duos ont tenu bon. Encore une fois.

 
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