C’est Frédéric qui a donné l’alerte. Il possède une maison de vacances dans ce lotissement résidentiel et son jardin est infesté de fourmis électriques : « Les premières piqûres ont touché mes enfants et notamment mon plus jeune fils, 5 ans. Extrêmement irritant, comme un choc électrique. C’est d’ailleurs pourquoi nous les appelons des fourmis électriques.dit-il.
« C’est encore très, très gênant dans la vie de tous les jours : c’est-à-dire qu’il faut vérifier où l’on est assis, où l’on se situe. Et surtout, c’est encore une fois extrêmement douloureux, comme une piqûre.»
Une espèce envahissante préoccupante
Cet habitant inquiet a appelé Olivier Blight, enseignant-chercheur à l’université d’Avignon, spécialiste des fourmis. Ce jour-là, il est venu inspecter le lotissement pour tenter de cartographier cette nouvelle maison : « Les petits points oranges qui bougent là, comme ça, le long du mur, ce sont des fourmis électriques »il décrit. “Il est originaire d’Amérique du Sud et d’Amérique centrale. Il a colonisé plusieurs territoires comme Hawaï, la Nouvelle-Calédonie et l’Australie et s’étend désormais à l’Europe.
Détecté en Espagne en 2016, il a été signalé pour la première fois dans le Var en 2022, dans une résidence de Toulon. Selon le myrmécologue Olivier Blight, elle est sans doute arrivée via le commerce de plantes ornementales en jardinerie, “l’une des principales voies d’introduction des fourmis dans le monde”. C’est le commerce international qui explique sa propagation, mais le réchauffement climatique facilite sans doute son implantation dans des pays où il n’existait pas auparavant.
Cette fourmi est particulièrement invasive car elle se reproduit très rapidement, par parthénogenèse, une forme de clonage qui ne nécessite pas de fécondation par un mâle.
Un danger pour la biodiversité
Elle est petite mais redoutable. “Sa force ne réside pas dans sa taille mais dans son nombre. Et son venin qui est assez puissant », prévient Olivier Blight. Cette fourmi menace les autres fourmis et insectes locaux et, par effet de cascade, les animaux qui s’en nourrissent. Dans certaines forêts de Nouvelle-Calédonie, par exemple, il a créé un vide autour de lui : «En Nouvelle-Calédonie, lorsqu’on se promène dans une forêt envahie par des fourmis électriques, on n’entend plus aucun bruit. On n’entend plus beaucoup d’insectes ou d’oiseaux. Soit ils quittent la zone parce qu’ils sont dérangés, soit ils sont éliminés par la fourmi électrique.« .
Depuis 2022, elle est classée « espèce envahissante préoccupante » par l’Union européenne. Olivier Blight a alerté les autorités sanitaires et environnementales suite à la découverte de ce deuxième foyer. En attendant, le chercheur alerte les habitants avec les moyens du bord et leur distribue un dépliant d’information sur cette redoutable fourmi encore peu connue du grand public. L’objectif est de limiter sa propagation le plus rapidement possible. Par exemple, le transport de déchets verts de ce lotissement devrait être évité. Mais l’éradiquer est bien plus difficile. Les poudres de fourmis vendues dans le commerce sont inefficaces.
“Il n’existe aucun produit adapté pour lutter contre les fourmis invasives en France et en Europe.», explique Luc Gomel, agronome, spécialiste de la lutte contre les fourmis invasives, venu inspecter cette résidence secondaire par “curiosité”. “C’est pourquoi pour le premier foyer signalé (à Toulon en 2022), nous avons recherché un produit fourni par les Australiens..»
Pour obtenir l’autorisation d’utiliser cet appât toxique, il fallait démontrer qu’il n’était pas dangereux pour l’environnement français ni pour les utilisateurs. “Nous avons obtenu la dérogation auprès des services de l’Etat concernés et de l’agence sanitaire Anses. L’idée est donc de prolonger cette dérogation pour pouvoir traiter cette nouvelle flambée.» Mais le temps de l’administration n’est pas celui de la fourmi électrique. C’est une course contre la montre pour limiter sa propagation.
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