Spécialiste du jazz, l’emblématique Tattoo Records quitte les terres napolitaines 40 ans après sa naissance. Son propriétaire estime qu’« il est temps d’arrêter », alors que la ville subit de plus en plus les effets du tourisme de masse.
Le magasin Tattoo Records, véritable institution de la scène culturelle napolitaine, est la dernière victime du surtourisme, un fléau qui endeuille de nombreux commerçants en Italie notamment. Mardi 15 octobre, le gérant de la boutique spécialisée dans le jazz et la contre-culture, Enzo Pone, a baissé une dernière fois les rideaux.
« Le magasin Tattoo Records se détache au milieu de la mer de panneaux sur lesquels s’étalent pizzas et spritz : les CD et vinyles dans sa vitrine et dans ses bacs, pressés les uns contre les autres sur les tables, sont les derniers vestiges d’un Naples qui n’existe plus, tué par un tourisme consumériste et homogénéisé qui a changé de visage », décrit l’articleLe Manifeste. Pourtant, l’un des derniers disquaires de la ville du soleil, ” où plusieurs générations de Napolitains ont découvert des trésors musicaux dans ce qui, plus qu’un magasin de disques, était un repaire, un avant-poste de pirates », raconte le journal italien, doit faire ses valises.
Inspiration américaine
Enzo Pone a cette passion pour la culture musicale et militante américaine du début des années 1980, lorsque l’enfant du quartier populaire de Bagnoli effectuait de longs séjours aux Etats-Unis. Là, il a vu sa petite amie de l’époque, Terry Davis, cousine de la militante des droits civiques Angela Davis. Ses escapades à New York et Chicago lui donnent l’idée folle de quitter son emploi de cheminot à son retour en Italie pour ouvrir Tattoo Records, avec son père et ses amis, le 11 mars 1983.
Au début, les affaires n’étaient pas florissantes. Mais en s’appuyant sur un réseau de petites enseignes locales (restaurants, magasins de musique), soutiens du projet, Enzo Pone parvient à organiser des concerts dans des théâtres et des clubs du centre de Naples, mais aussi dans toute la Campanie. De grands noms du jazz et du blues américains, comme Billie Holiday, Paul Motian, Charley Haden, Geri Allen, Cassandra Wilson et Andy J. Forest, lui ont même rendu visite.
“J’ai l’impression qu’il est temps d’arrêter.”
Tourisme de masse à Naples, cette vieille ville italienne qui était pourtant « à des années lumières du cauchemar des caves transformées en chambres d’hôtes, des étalages de vêtements de mauvaise qualité et de l’odeur de friture qui pue l’air aujourd’hui », dénonce Le Manifeste, a malheureusement marqué la fin de ces pratiques à l’américaine. Enzo Pone regrette cette époque révolue, où les rues étaient « un peu comme Le Village ». « Nous avons rencontré des toxicomanes, des pickpockets, des artistes, des acteurs, des enseignants », se souvient-il. Le disquaire note alors « une différence avec ça [qu’il] vécu avant et [sent] il est temps d’arrêter « . Car c’est vrai, on gagne moins d’argent avec le jazz qu’avec la pizza.
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