Une comédie humaniste portée par Shemss Audat et Bruno Debrandt

L’amour, c’est bien connu, ne tient qu’à un fil. Le mensonge aussi. Et quand les deux s’emmêlent, ça fait une sacrée boule ! Inès (Shemss Audat, la star deUn si grand soleil, révélé par Une vie plus belletoute fougueuse et espiègle) en sait quelque chose : récemment au chômage et contrainte de quitter Paris, la jeune trentenaire s’installe en Charente avec sa sœur (la toujours impeccable Cécile Rebboah), le temps de reconstruire sa vie, grâce à un travail en tant que réceptionniste dans une entreprise textile locale. Sauf que, dès le premier jour, son costume et sa confiance créent une illusion : elle est aussitôt prise pour le nouveau directeur général venu tout exprès de Paris pour redresser l’entreprise. Difficile, quand on est criblé de dettes, de résister à un salaire faramineux et au bureau qui va avec – même si celui-ci est encombré de dossiers destinés à mettre en œuvre un plan social violent. Inès fait profil bas, bien décidée à profiter du malentendu, discrètement, sans mauvaise intention, le temps de payer ses dettes. Petit à petit, fil par fil, le mensonge se tisse…
De peur d’être démasquée, elle doit être constamment sur ses gardes, tentant de créer des illusions malgré l’inquiétude qui se propage dans cette usine familiale au bord de la faillite et, surtout, malgré l’hostilité que lui témoigne son fondateur, Yvan ( Bruno Debrandt, dans un rôle d’ours sensible qui lui va comme un gant). Alors, petit à petit, fil par fil, d’autres relations commencent à se nouer. Et Inès prend part au jeu : et si elle évitait le plan social et parvenait à préserver les emplois des travailleurs auxquels elle est attachée ? Et si elle n’était pas si insensible au charme d’Yvan ? Parviendra-t-elle à laisser libre cours à ses sentiments, à sauver l’usine tout en continuant de mentir à tout le monde ? Amour, amitié, fidélité, vie elle-même : sur un fil…

Il se passe quelque chose de fou : ils m’ont pris pour le nouveau directeur général. […] J’ai juste besoin de faire semblant pendant un mois. Je remue l’air. De toute façon, c’est tout ce qu’ils savent faire dans ce type de poste…

Inès (Shemss Audat) dans “Inès et Yvan, l’amour sur un fil”

Romance légère autant que chronique humaniste, Inès et Yvan, l’amour sur un fil alimenté par le charme de ses interprètes (Shemss Audat et Bruno Debrandt en tête) et l’élégante mise en scène d’Alexandre Castagnetti. Le réalisateur, qui s’est fait connaître comme chanteur (les hilarantes livraisons hebdomadaires de La chanson du dimanche), avant d’imposer son sens de la facétie au cinéma dans des comédies comme Amour et turbulences, L’école est à nousdonne au téléfilm un rythme implacable, qui, avec cette menace de fermeture d’usine en fond, rappelle le meilleur de la comédie sociale anglaise.
L’imposture d’Inès, chef d’entreprise malgré elle, agit ainsi moins comme un élément d’inquiétude ou de suspense (sera-t-elle découverte ? combien de temps pourra-t-elle se cacher ?) que comme un révélateur des attentes et des désirs de chacun. ceux qu’il approche. Comme le fils du fondeur de cloches à Andreï Roublev d’Andreï Tarkovski, qui, cachant qu’il ne connaît rien à l’art de son père, réussit pourtant à mobiliser tout son village pour fondre une nouvelle cloche au son cristallin, Inès catalyse les espoirs, fédère les rêves et parvient à rendre possible l’impossible. À son contact, par son absence totale de résignation, sa foi en la vie et, disons, son sens instinctif de l’humanité – non pas malgré son mensonge, mais grâce à lui – un homme renaît l’amour et une usine entière évite la fermeture. Si elle avance sur le fil, c’est pour mieux suturer les blessures : un merveilleux personnage de fiction, ensoleillé et généreux, est né.

Publié le 9 octobre 2024