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« Le week-end du Prix de L’Arc de Triomphe est le plus important de l’année »

C’est « le » rendez-vous de l’année des courses de plat : comme chaque premier dimanche d’octobre depuis 1920, l’hippodrome parisien de Longchamp accueille la reine de l’épreuve du galop. Devant 35 000 spectateurs, les meilleurs jockeys de la planète s’affronteront sur 2 400 mètres (départ à 16h20). Moins de deux minutes et trente secondes suffiront pour désigner le vainqueur de cette 103e édition.

Double vainqueur (2003 et 2008) du Qatar Prix de l’Arc de Triomphe, Christophe Soumillon montera un outsider, le cheval irlandais Continu. A 43 ans, l’homme aux dix fouets d’or (meilleur jockey de l’année) et à près de 4 000 victoires professionnelles confie que les records ne l’intéressent plus. Le natif de Schaerbeek, près de Bruxelles, veut avant tout prendre du plaisir en course. Il défend aussi son métier, trop rarement considéré comme un sport à part entière même si les analogies sont nombreuses et reviennent sans cesse dans ses réponses.

Le JDD. Vous considérez-vous comme un athlète de haut niveau ?

Christophe Soumillon. Assez. Nous nous entraînons quotidiennement pour travailler le cardio, la force abdominale et la flexibilité. Monter un cheval de 450 kilos demande un effort physique intense. Si vous voulez que l’esprit vous suive, vous devez vous sentir fort. Comme tout sportif de haut niveau, nous avons des séances de préparation en fonction des échéances. L’Arc de Triomphe est le week-end le plus important de l’année. Ensuite, nous avons beaucoup de grandes courses à l’étranger. Quinze jours après l’Arc, nous faisons un grand week-end en Angleterre avant de nous rendre au Japon, à Hong Kong et aux Etats-Unis.

Quelle est votre journée type ?

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Nous nous réveillons entre 5h30 et 6h30, plusieurs fois par semaine pour aller « travailler » les chevaux dans les centres d’entraînement. Ensuite on rentre à la maison, on prend une bonne douche et on va faire notre sport. Je varie. J’aime courir et faire du vélo. En voyage, parfois je n’ai pas le choix, je vais à la salle de sport, alors que je préfère être dehors. Par exemple, j’adore faire des séances en haute altitude en montagne pour avoir des globules rouges dans mon sang.

« Il faut constamment arriver avec l’envie de performer »

Je joue aussi au golf pour me vider la tête et faire un peu de natation. Entre 10h30 et 11h, j’ai fini mon sport. Il faut ensuite se préparer pour se rendre à l’hippodrome. Plusieurs fois par semaine, un kinésithérapeute ou une masseuse restaure nos muscles et le reste du corps. Généralement, nos premières courses démarrent vers 13h-13h30. Et là, on enchaîne quatre, cinq courses, parfois jusqu’à sept ou huit.

On imagine que c’est très intense physiquement et nerveusement de faire autant de courses en une journée…

Il faut être capable mentalement d’accepter les défaites pour repartir une demi-heure plus tard pour une nouvelle course et se remettre en mode « gagner ». C’est comme un joueur de ping-pong. Ce n’est pas parce qu’il a perdu deux sets d’affilée qu’il ne peut pas gagner le troisième.

Il faut constamment arriver avec l’envie de performer et d’être souriant. Parce que les propriétaires et les entraîneurs ne regardent pas vraiment ce qui s’est passé lors des courses précédentes. Pour eux, il est important que nous nous présentions à chaque fois avec leur cheval dans la meilleure condition possible.

Extérieur, corde, ligne droite : le vocabulaire des courses hippiques n’est pas sans rappeler celui du sport automobile…

Oui, mais on n’a pas besoin de freiner aussi fort avant un virage ! Et quand on fait une course, contrairement à un automobiliste, on a deux cerveaux à gérer, quatre poumons et deux cœurs. On peut aussi comparer cela avec le cyclisme : on court en peloton. Rester caché au milieu d’un peloton à 50 ou 60 km/heure, surtout quand il y a du vent contraire, permet d’emmagasiner de l’énergie pour que le cheval soit capable, en fin d’épreuve, de sprinter fort.

Comme en cyclisme, les risques de chute sont grands. Comment gérez-vous les accidents ?

J’essaie de les oublier rapidement. Il est rare que je sois gravement blessé, même si j’ai eu quelques fractures et passé du temps à l’hôpital. Mentalement, mes accidents ne m’ont pas empêché de revenir à chaque fois, sans avoir peur. J’ai regardé un documentaire sur les pilotes de Moto GP [Même pas mal par Louis Rossi et Amandine Morhaïm, disponible sur MyCanal, NDLR]. C’est pareil, tomber fait partie de leur métier. Ce qui m’a le plus choqué, c’est de voir des accidents très graves où certains de mes collègues ont mal fini.

Revenons à l’Arc de Triomphe ; parlez-nous de l’ambiance…

A quelques jours de l’événement, tout le monde en parle dans les journaux et sur Internet. Cette ambiance est un plaisir indescriptible. À chacun sa prédiction : quel est son cheval préféré ? J’apprécie aussi beaucoup le défilé pour arriver au départ, quand on passe devant les tribunes et qu’on ressent l’émotion du public. Cela me rappelle l’athlétisme, avec tous les coureurs côte à côte, prêts à se battre, essayant de prendre l’énergie des spectateurs. Selon votre chance, vous pourrez monter des chevaux favoris ou outsiders.

« Il n’y a rien de plus agréable que de monter un jeune cheval et de ressentir quelque chose d’extraordinaire en lui »

Et ce n’est pas du tout la même sensation quand on roule sur le grand favori ! On est attendu au tournant, un peu comme lorsque Teddy Riner faisait son match pour la médaille d’or aux Jeux de Paris. Tout le monde veut qu’il gagne. Malheureusement, parfois nous ne pouvons pas gérer le parcours comme nous le souhaitons, car le tirage au sort ne nous donne pas un bon numéro de corde. [il a hérité cette année d’un mauvais « couloir » : le 14].

A 43 ans, quel record visez-vous encore ?

Les disques demandent beaucoup d’efforts et je ne suis pas convaincu qu’ils m’aient rendu plus heureux dans ma vie. Aujourd’hui, ce qui me fait plaisir, c’est d’arriver sur les courses en pleine forme physique et mentale, pour rouler pour des gens qui me font confiance. Le palmarès d’Yves Saint-Martin [15 Cravaches d’or entre 1960 et 1983]Je ne le battrai pas. Cela n’a jamais été un objectif, même si à un moment, en remportant le Golden Whip, certains y ont pensé. Quant à gagner un Arc de Triomphe de plus, je ne vais évidemment pas cracher dessus. Lanfranco Dettori détient le record. Il sera très difficile à battre. [l’Italien a gagné six fois l’Arc].

Qu’est-ce qui est le plus important pour vous ?

Travaillez chaque jour et ayez la chance de croiser un jeune cheval qui sera une future star. C’est le but ultime. Il n’y a rien de plus agréable que de monter un jeune cheval et de ressentir quelque chose d’extraordinaire en lui. C’est sans doute ce qu’ont pu ressentir de grands joueurs de football lorsqu’ils sont devenus sélectionneur ou entraîneur : avoir entre les mains un jeune très talentueux et lui donner les meilleurs conseils pour l’amener au plus haut niveau.

Il n’y a rien de plus beau que ce que j’ai vécu avec Zarkava et Dalakhani, les deux meilleurs chevaux que j’ai montés. Cela se produit une fois tous les dix ou quinze ans. Si je pouvais découvrir une dernière pépite avant la fin de ma carrière, j’en serais ravi.

 
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