“Mon avis est clair : ils ne savent pas préparer une piste.» Nils Allègre a vivement critiqué les organisateurs de la descente de Bormio ce vendredi, en marge du deuxième entraînement, à la veille de la course. Plusieurs skieurs sont tombés lors de cette ultime répétition, dont le Français Cyprien Sarrazin, conscient malgré un choc violent. Son compatriote poursuit, ulcéré : «Cela fait quarante ans qu’ils préparent des pistes, mais ils ne savent rien faire du tout, sauf des choses dangereuses.»
“Ce n’est pas respectueux envers nous les athlètesne vous fâchez pas Allègre. On arrive ici, le premier entraînement (JEUDI), c’est déjà cassé. Saint-Pierre (un saut, ndlr) ? On fait 55 mètres si on ne freine pas. Selon lui, dans cette configuration, Bormio et son Stelvio ne sont pas dignes de figurer au programme des Jeux Olympiques de Milan Cortina 2026 : «Un an avant les Jeux, faire une piste comme ça… Ils ne méritent pas d’avoir les Jeux Olympiques.»
Marco Odermatt, patron du circuit, s’est montré moins virulent, mais il a tout de même pointé du doigt des variations de neige qui compliquent la vie des concurrents : «Nous détestons ça. Certaines portions sont moins glacées. C’est difficile d’avoir les bons réglages pour chaque virage. Cela fait (cette descente) un peu dangereux.» Et Allègre insiste, suggérant une course malsaine vers la dangerosité : «Ce n’est vraiment pas correct. Je ne sais pas ce qu’ils essaient de prouver.»
Sarrazin chute lors du deuxième entraînement de descente
Crédit vidéo : Eurosport
On a l’impression qu’ils prennent un grand plaisir à réaliser une piste absolument « skiable ».
Notre consultant Johan Clarey est d’accord : «Je suis d’accord. Je détestais cet endroit.» Le vice-champion olympique 2022 de la discipline dresse une comparaison avec une descente mythique : «À Kitzbühel, ce n’est pas du tout comme ça. C’est spectaculaire, rarement dangereux et quand c’est le cas, généralement, ce n’est pas la faute des organisateurs. Alors qu’à Bormio, on a l’impression qu’ils prennent un grand plaisir à faire une piste absolument ‘skiable’.»
Mais les plaintes n’aboutissent à rien. Clarey voit principalement deux raisons. Le premier concerne l’état d’esprit conquérant des as de la vitesse. “Lorsque vous commencez à vous plaindre des conditions, vous vous engagez sur un chemin qui vous met hors courseil explique. Être toujours positif est aussi une manière de se protéger. Nous ne devons pas reculer. C’est le dur travail d’un descendeur.»
Des propos qui font écho à ceux de Matthieu Bailet, en pré-saison : «Quand tu as l’impression de l’avoir dépassé… comme un accident de voiture… comme un accident de moto… mais c’est passé, c’est plus qu’exaltant. Vous vous sentez vivant, vous vous sentez fort. Tu te sens vivant (sic).» Les downhillers jonglent avec ce processus mental qui consiste à apprivoiser la peur, à se nourrir du danger et au besoin de plaider pour que leur terrain de jeu reste propice aux exploits plutôt qu’au drame.
Bailet : « Quand on passe à « ça » de l’accident… on se sent fort, on se sent vivant »
Crédit vidéo : Eurosport
L’un m’a dit « blanc », l’autre m’a dit « noir »… dans ces cas-là, on ne fait rien
“J’aime la descente, j’aime quand il y a de l’engagement, quand il y a de la vitesse, des gros sauts», énumère Allègre, pour rappeler qu’il ne demande pas une aseptisation de la reine des épreuves de ski alpin. “Demain (SAMEDI), Je serai au départ, pas de problème, j’assume les risques», ajoute-t-il, soulignant les injonctions paradoxales qui habitent ces sportifs d’exception.
Le deuxième point de blocage, en partie lié au premier, réside dans l’absence d’unanimité. “Certains athlètes aiment ces conditions, car ils savent qu’elles feront la différence.raconte Johan Clarey. Parfois, c’est moitié-moitié pour savoir s’il faut ou non raboter une bosse.. C’est le problème de notre sport. J’étais un représentant des athlètes. L’un m’a dit « blanc », l’autre m’a dit « noir »… dans ces cas-là, on ne fait rien. Nous nous taisons et faisons notre travail.» Autant que possible.
Crawford, tête la première : sa chute impressionnante
Crédit vidéo : Eurosport