Jamais Rouen n’aurait pu croiser la route de Lille ce vendredi soir en 32es de finale de Coupe de France. Au bord de la faillite, suite à la gestion désastreuse de Charles Maarek, l’ancien président, le FC Rouen a frôlé le dépôt de bilan cet été. Après de nombreux projets de rachat avortés, c’est finalement Black Eagle, un fonds d’investissement turc qui a jeté son dévolu sur un doyen du football français de 125 ans. Tarkan Ser, l’investisseur, qui faisait notamment partie du conseil d’administration du club de Besiktas, a sorti quatre millions d’euros de sa poche pour couvrir les dettes. Mais celui qui incarne le mieux cette rédemption n’est autre que le député turc, le Néerlandais Iwan Postel.
L’homme d’une cinquantaine d’années a eu mille vies, jamais bien loin du sport. Sur sa page LinkedIn, on apprend notamment qu’il est le premier Batave à avoir marqué des points au classement mondial des rallyes, en 1995. Cet entrepreneur vit en Turquie, à Istanbul depuis 20 ans, a été cité dans les Panama Papers, sujet sur lequel il jure n’avoir rien commis d’illégal. La grande particularité du président rouennais, c’est qu’il est un néophyte dans le monde du football. Une inexpérience qu’il revendique comme une force.
La lumière au bout du tunnel ?
Évidemment, des questions se sont posées dès son arrivée, notamment dans l’industrie. « Ce qui m’intéresse quand quelqu’un achète un club, c’est de savoir pour quelles raisons il le fait. Et là, même si je regarde, je ne comprends pas. »» dit un connaisseur des arcanes du football français. Du côté de Postel, on revendique l’histoire du club, un solide soutien populaire avec une affluence moyenne d’environ 5 000 spectateurs pour justifier cette opération.
L’arrivée de ce néophyte n’a pas forcément choqué les supporters qui attendent de revivre des jours heureux avec leur club qui n’a plus connu le niveau professionnel depuis trente ans. “Le FCR était très malade, donc s’il y a un médecin qui vient et qui promet de te soigner, tu ne vas pas dire non”explains Benoît Dubuisson, 62-year-old supporter and photographer.
Après un début de saison compliqué, avec une seule victoire en onze matches, l’entraîneur emblématique, Maxime D’Ornano a été remercié par son président. Régis Brouard est nommé à sa place et redresse la trajectoire du club avec quatre victoires consécutives, qui placent les Normands en milieu de tableau à la pause. La révolution se déroule principalement en dehors du terrain.
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Crédit vidéo : Eurosport
Communication directe et pointue
En évoluant en National, le FC Rouen ne tient pas la première place. Mais Iwan Postel a plus d’un tour dans son sac. Habile communicateur, il tient des déclarations choquantes, voire insolites, sur ses ambitions pour le club. Il déclare notamment viser «la Ligue des Champions dans 7 ans »mais envisagent également de construire un grand complexe avec un stade de 40 000 places. Ces projets attirent l’attention des médias nationaux, comme la célèbre émission RMC, L’Après Footoù il est invité et où il interprète un numéro rafraîchissant, plein de franchise et de confiance en lui, jusqu’à l’excès.
Du côté des supporters, on se méfie quelque peu de ces discours. “CC’est un personnage, n’ayons pas peur des mots, qui aime communiquer. Parfois, ses sorties médiatiques sont un peu déconcertantes.» pense le supporter qui a vu son premier match en 1977. Du côté des experts, la démarche pose question. “J.Il ne sait pas s’il croit vraiment en ce qu’il annonce, s’il a une ignorance absolue de l’économie du football ou s’il se dit le soir en rentrant “je les ai eu”.
nous »”reflète notre connaisseur.
Quelles que soient ses véritables intentions, la stratégie s’avère payante. On parle du FC Rouen, alors qu’il sommeille en National. L’exploit est louable. « C’est quelqu’un de très ambitieux. Maintenant, nous verrons où il nous emmène. Nous voulons y croire.espère Frédéric, supporter rouennais. Dans les médias, il se construit l’image d’un bon client, prêt à plaisanter, adepte des punchlines. En coulisses, un autre visage se dessine.
tensions internes
Jean-Baptiste Fiscel, un pur Rouennais, avait été candidat au rachat du club, avant de jeter l’éponge, voyant les ressources financières nécessaires pour couvrir les dettes. Il devient donc président de l’association FC Rouen. Comme tout club de football professionnel, l’entité est divisée entre une société, dirigée par M. Postel, et l’association qui gère la partie amateur du club.
Cette semaine, le président de Rouen a annulé l’assemblée générale de cette association, jugeant qu’un “mascarade” se produisait en son sein. Les relations entre le président rouennais et son homologue associatif sont tendues depuis son arrivée, avant même la vente. Alors que le bureau de l’association était réuni pour lire les statuts qu’ils voulaient modifier, Iwan Postel aurait, dans un accès de colère, menacé de tout abandonner s’ils ne signaient pas immédiatement. Contacté, le club n’a pas répondu à nos demandes.
Du côté de l’association et de son président, nous souhaitons favoriser l’apaisement, même si la situation reste critique. La partie associative est déficitaire à hauteur de 419 000 euros, alors que la structure professionnelle ne leur verse que 24 000 euros par an. Une situation que M. Fiscel souhaite changer. Mais les deux hommes ne s’entendent pas, et le local accuse le Néerlandais de polariser la situation. « Il considère que le monde est binaire : on est avec lui ou contre lui. Comme Donald Trump, il affirme des contre-vérités, il les répète et à un moment donné, cela rentre dans la tête des gens.» A son arrivée, Iwan Postel a appelé à la démission du Rouennais au soir du sauvetage à la DNCG, jugeant qu’il représentait une menace.
Il me considère comme un concurrent et m’a désigné comme cible à éliminer.
« Il me considère comme un compétiteur et m’a désigné comme une cible à éliminer. Ce que je regrette, c’est qu’on montre l’image d’un club qui n’est pas solidaire”s’attriste Jean-Baptiste Fiscel. Il est vrai que son homologue néerlandais ne l’a pas épargné, le qualifiant successivement dans la presse de “président du Real Madrid”, “Loup dans la bergerie” ou qu’il mettrait “des bâtons dans les roues”. Du côté de Rouen, on dépeint une situation où le dialogue est complètement rompu. “J.Je dirais que c’est un char d’assaut, il va tout droit et fait son chemin. Soit nous sommes d’accord avec lui et le suivons, soit il nous écrase. En l’absence de concessions, des résultats seront exigés.