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Inconnue du grand public il y a quatre mois, victime anonyme d’une affaire de violences sexuelles hors du commun, Gisèle Pelicot fait désormais la Une des plus grands titres de la presse internationale. En refusant l’anonymat normalement accordé aux victimes de viol, cette retraitée s’est vu accorder malgré elle le statut d’icône féministe, symbole de la lutte contre les violences sexuelles. Portrait.
Lorsqu’elle entra, sous une nuée de flashs, dans l’enceinte du tribunal de Vaucluse le 2 septembre, le regard caché derrière des lunettes noires, Gisèle Pélicot n’était encore que la victime anonyme d’une sordide affaire de violences sexuelles. . Un statut qu’elle va vite dépasser. « Icône féministe ». “Personnalité de l’année”. “Héroïne”. Les épithètes ne manquent plus pour le qualifier. En refusant le huis clos normalement proposé aux victimes de viol lors du procès de son ex-mari et de 51 coaccusés, Gisèle Pelicot est entrée dans la lumière pour devenir une figure de la lutte contre les violences sexuelles.
Le 5 septembre, la victime, ses trois enfants et ses sept petits-enfants renoncent officiellement à leur anonymat : « Gisèle P. » comme elle l’avait déjà évoqué dans la presse, devient Gisèle Pelicot. « On se souviendra de Madame Pélicot, pas de Monsieur. Je veux que mes petits-enfants n’aient pas honte de porter ce prénom », explique-t-elle. Le public découvre alors cette épouse, mère et grand-mère dévouée, une ordinaire retraitée au cœur d’une affaire hors du commun.
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Face à ses bourreaux, cette femme de 72 ans ne baissera jamais la tête. Confrontée aux images déchirantes des viols qu’elle a subis pendant une décennie, elle ne détournera pas le regard. Gisèle Pelicot est peut-être une femme « détruite » – « un champ de ruines » à l’intérieur – mais sa détermination tient bon. Elle est là, jour après jour, dans la salle d’audience. Car « la honte doit changer de camp ». Et pour que “toutes les femmes victimes de viol se disent ‘Madame Pélicot l’a fait, nous pouvons le faire'”.
Face à son ex-mari, ce « mec chic » avec qui elle a partagé 50 ans de sa vie, Gisèle Pelicot dénonce « une société machiste et patriarcale ». « Humiliée » par les insinuations de certains avocats de la défense qui insinuent qu’elle aurait pu consentir aux viols qu’elle a subis dans un scénario prétendument libertin, elle ne recule pas : « Je trouve ça insultant, et je comprends pourquoi les victimes de viol ne portent pas plainte. plaintes.
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Une « icône pop » internationale
La monstruosité de l’affaire et le nombre impressionnant d’accusés issus de toutes les couches de la société ont propulsé le procès sur la scène internationale. Sa notoriété franchit rapidement les murs du tribunal correctionnel du Vaucluse et les frontières de la France. Cent soixante-six médias accrédités, dont soixante-seize étrangers, se bousculent quotidiennement pour entrer dans la salle d’audience. Le visage de Gisèle Pelicot, toujours soigné bob rouge et lunettes rondes, fait la Une des plus gros titres de la presse.
La nouvelle « icône pop », dont le look rappelle à la presse anglo-saxonne celui de la reine de la mode Anna Wintour, est taguée sur les murs et affichée sur des stickers. LE New York Times salue « une héroïne féministe ». « Plus de honte » (plus de honte), titre la Une du Vogue Allemagne à l’occasion de la Journée de lutte contre les violences faites aux femmes. Pour l’hebdomadaire allemand Le -Gisèle Pelicot est devenue en l’espace de quatre mois « la nouvelle icône de la France ». La BBC l’a incluse dans son classement des 100 femmes les plus influentes de l’année. Le service public britannique prépare également un documentaire sur l’affaire.
Chaque jour, la septuagénaire entre dans la cour sous un tonnerre d’applaudissements, acceptant les bouquets de fleurs qui lui sont remis. Se faufilant à travers une haie d’honneur, elle ne manque jamais de remercier ses partisans en leur adressant un sourire du coin des lèvres. “Gisèle, les femmes merci”, peut-on lire sur les murs d’Avignon. Les militantes féministes saluent son courage impressionnant. Les 18-30 ans la choisissent comme leur « personnalité préférée » aux côtés de la star des Jeux olympiques, Léon Marchand.
Une chose est sûre, pour Me Béatrice Zavarro, avocate de son ex-mari Dominique Pelicot, ce procès constituera “un épisode essentiel dans l’évolution du sujet du viol”. Avec “un premier niveau qui est Gisèle Halimi (l’avocate qui a contribué à faire reconnaître le viol comme crime, ndlr), et un deuxième niveau qui sera Gisèle Pelicot”. Mission accomplie donc, pour celle qui plaide qu’« il est - que l’on change notre regard sur le viol ».