Bruno Retailleau a évoqué lors de ses échanges avec François Bayrou le 13 décembre une méthode pour durcir les politiques migratoires sans risquer la censure du Parti socialiste. Bruno Retailleau veut s’attaquer à plusieurs projets de loi sénatoriaux sans lancer un nouveau texte entièrement dédié à l’immigration.
Arroser son vin sans changer la substance de ses intentions. Le ministre de l’Intérieur, Bruno Retailleau, a expliqué ce vendredi 13 décembre au nouveau Premier ministre, François Bayrou, qu’il était prêt à renoncer à une loi sur l’immigration, selon une information d’Europe 1 confirmée par BFMTV.com.
En échange, plusieurs mesures qui étaient prévues pour intégrer ce texte feraient l’objet de propositions législatives distinctes.
« Ce que nous voulons, c’est trouver les bons vecteurs pour atteindre nos objectifs en matière de lutte contre l’immigration clandestine », explique un proche de Bruno Retailleau.
Une loi sur l’immigration à très haut risque
Exit donc le texte sur l’immigration promis par la porte-parole du gouvernement démissionnaire, Maud Bregeon pour le « début 2025 ». Au menu de cette loi, on devait trouver une proposition du locataire de la place Beauvau de prolonger la détention en centres de rétention administrative d’un maximum de 90 jours, comme c’est le cas aujourd’hui, à 210.
Cette loi devait également reprendre des articles contestés par le Conseil constitutionnel lors du dernier projet de loi sur l’immigration en janvier dernier. Parmi celles-ci, Maud Bregeon a notamment cité les mesures visant à durcir le regroupement familial.
La manœuvre avait tout d’un pari : en janvier dernier, ce texte avait failli faire imploser la macronie. De quoi refroidir les ardeurs de Michel Barnier qui ne pouvait se passer des voix du bloc présidentiel pour faire voter cette loi. Bruno Retailleau avait également provoqué la colère d’une partie du camp central, dont Emmanuel Macron, en expliquant que l’immigration n’était “pas une opportunité” pour la France.
Des mesures dispersées dans plusieurs textes
Mais les cartes sont désormais rebattues avec l’arrivée de François Bayrou à Matignon. Visiblement déterminé à rester à Beauvau, Bruno Retailleau a proposé une nouvelle méthode au Premier ministre.
Pour prolonger la durée des centres de rétention administrative, le ministre de l’Intérieur a discuté avec François Bayrou de la possibilité de reprendre un projet de loi déposé au Sénat qui va déjà dans ce sens.
Il appartient au Palais du Luxembourg de le voter avant que les députés, probablement LR, ne s’en emparent dans l’espoir de faire voter leurs collègues. Même son de cloche pour le rétablissement du séjour irrégulier qui pourrait également faire l’objet d’un vote au Sénat avant d’être soutenu à l’Assemblée nationale.
Autre procédé qui pourrait servir à une modification substantielle de l’aide médicale d’État (AME), ce système qui permet de prendre en charge à 100 % la plupart des frais médicaux pour les étrangers en situation irrégulière : l’ajout d’un amendement au budget 2025 de la Sécurité sociale à venir semaines.
Évitez la censure des socialistes
Cette suppression des futurs morceaux de la future loi sur l’immigration aurait un mérite : celui d’adoucir les relations avec les socialistes.
Le président des députés PS Boris Vallaud a déjà expliqué dimanche sur BFMTV que ses troupes voteraient la censure du gouvernement Bayrou si l’exécutif présentait un nouveau texte pour durcir les politiques migratoires en France.
Le nouveau locataire de Matignon a donc tout intérêt à aller dans le sens des députés PS qui représentent pas moins de 66 élus à l’Assemblée nationale, soit près du double des députés Modem et 22 de plus que LR.
Les socialistes pourraient cependant élever la voix même à travers des propositions législatives éparses. Quant à Marine Tondelier, la patronne des Écologistes, elle a jugé samedi sur France inter que Bruno Retailleau n’était “pas quelqu’un de calmant”, jugeant que cela “ne la convainc pas de ne pas censurer” François Bayrou.
Gare de Le Pen
La ligne de crête est tout aussi ténue pour le Rassemblement national. Début octobre, Marine Le Pen réclamait une nouvelle loi sur l’immigration d’ici début 2025, la souhaitant « restrictive ».
En son absence, elle avait menacé de faire voter une motion de censure. Les députés RN accepteront-ils de voter différentes mesures en s’appuyant sur des propositions de lois plutôt que sur un texte majeur ? La question reste ouverte.
Après son entretien avec François Bayrou ce lundi matin, Marine Le Pen n’a pas évoqué les questions migratoires.