Un rapport confidentiel de l’ARS, dont se sont procurés nos confrères du Monde et de Radio France, met en lumière la contamination des ressources en eau de l’usine Perrier de Vergèze, dans le Gard et invite l’entreprise suisse à envisager d’arrêter sa production d’eau minérale.
La qualité de l’eau se détériore régulièrement
Le document indique que Nestlé Waters doit sérieusement envisager « un arrêt de la production d’eau minérale sur le site de Vergèze ». Notamment en raison de la qualité régulièrement dégradée de ses ressources en eau qui doivent normalement être « microbiologiquement sain » et “maintenu à l’abri de tout risque de pollution.” L’ARS”inviter” ainsi Nestlé Waters « remettre en question stratégiquement une autre utilisation alimentaire possible de l’exploitation des captages d’eau minérale actuels », mais à condition de fournir « des garanties supplémentaires de sécurité sanitaire ».
Bactéries « d’origine fécale »
En avril dernier, le préfet du Gard a interdit dans un arrêté l’exploitation d’un des sept puits du site de Vergèze. Suite à de très fortes pluies liées au passage de la tempête Monica, l’un des forages du site du Gard a été contaminé par des bactéries « d’origine fécale (coliformes, Escherichia coll) mais aussi par des germes de l’espèce Pseudomonas aeruginosa ».
L’usine Perrier de Vergèze a dû par la suite détruire plusieurs centaines de palettes de bouteilles.
Mais cet épisode, censé être ponctuel, est en réalité lié à une dégradation générale de la qualité des nappes phréatiques exploitées par le groupe suisse à Vergèze.
Le risque de fraude persiste
En juillet dernier, Le monde et Radio France a révélé que Nestlé avait eu recours à des traitements d’épuration interdits depuis 2005 voire 1993 depuis plusieurs années pour masquer une contamination bactérienne et/ou chimique. L’entreprise l’avait également confirmé.Ces techniques – microfiltration, filtres UV et charbons actifs – ont été notamment utilisées par l’entreprise sur son site vosgien où sont puisées les eaux de Contrex, Hépar et Vittel et sur certains de ses puits à Vergèze.
Dans une lettre de mission, le préfet du Gard Jérôme Bonet avait ordonné que l’usine de Vergèze soit inspectée le 30 mai afin de contrôler « le bon démantèlement des produits interdits ». Mais le rapport de l’ARS explique que même si certains traitements interdits ont été supprimés, « Rien n’empêche le traitement des eaux minérales naturelles par des procédés non autorisés utilisés pour d’autres types d’eaux ».
Risque viral pour les consommateurs
Pire encore, le rapport met en évidence un possible « risque virologique »(adénovirus, norovirus, hépatite A) pour les consommateurs. Parce que la technique des microfiltres utilisée par Nestlé Waters n’a pas « aucun effet de rétention sur les virus ». Ce risque virologique avait apparemment été négligé par le gouvernement, soulignent nos confrères.
En 2021, Nestlé a reconnu utiliser de nombreux filtres interdits pour traiter son eau et a demandé au gouvernement s’il était possible de continuer à les utiliser. Plusieurs administrations avaient alors alerté sur les conséquences d’un tel type d’exonération.
Parmi eux, l’Inspection générale des affaires sociales (IGAS) qui a remis un rapport au gouvernement en juillet 2022, expliquant que le recours à ces filtres non conformes pourrait constituer un « fausse sécurité » et “exposer les consommateurs à un risque sanitaire lié à l’ingestion de virus”.
L’Agence nationale de sécurité sanitaire (Anses) avait également annoncé ce risque viral en décembre 2022. Malgré cela, le gouvernement du Born avait décidé le 22 février 2023 d’autoriser Nestlé à utiliser ces microfiltres, atteste un récit. -compte rendu d’une réunion interministérielle obtenu par Le Monde et Radio France.
La préfecture du Gard doit se prononcer sur la demande de renouvellement de l’autorisation d’exploitation du “Source Perrier” pour produire de l’eau minérale naturelle. Interrogée par nos confrères, elle a indiqué qu’elle pouvait prendre sa décision de « premier semestre 2025 ».
Réponse de Nestlé Waters
Ce document confidentiel consulté par nos confrères du Monde et de Radio France est, selon la directrice de la communication de Nestlé Water Valérie Berrebi, un « rapport intermédiaire » : « C’est un rapport qui a été fait par l’ARS et auquel il s’inscrit dans une démarche contradictoire. Elle ne constitue en aucun cas une recommandation définitive et nous ne pouvons donc, à ce stade, formuler aucun autre commentaire. »explique-t-elle à Midi Libre.
Concernant les techniques interdites, la microfiltration, les filtres UV et les charbons actifs, Nestlé indique avoir « a retiré les traitements aux ultraviolets et au charbon actif qui ne respectaient pas le cadre réglementaire » dans le Gard. Pour le reste, Valérie Berrebi a précisé qu’il s’agissait « fait dans le cadre fixé par les autorités et sous leur contrôle ».
Concernant une éventuelle vente à Danone, Nestlé explique avoir “150 millions d’euros investis ces cinq dernières années sur le site de Vergèze” verser “préparer l’avenir” du territoire gardois auquel il appartient « extrêmement attaché ».