C’est un Alain Prost détendu qui a accordé une interview à Ouest-France par visioconférence, plus d’une semaine avant la diffusion du documentaire éponyme sur Canal+. Le quadruple champion du monde de Formule 1 est revenu, pendant une demi-heure, sur ses glorieuses années passées, qui l’ont amené à nouer des rivalités, notamment celle avec Ayrton Senna, le plus connu d’entre eux. Le plus grand pilote français de l’histoire, vainqueur de 51 Grands Prix, a voulu aborder le côté humain de sa carrière dans cette mini-série de six épisodes (trois sont diffusés à 21 heures ce dimanche 8 décembre, puis les trois derniers le 15 décembre. ), où il évoque ses relations fortes avec son frère, sa grand-mère mais aussi Niki Lauda, qui ont été très importantes pour le guider vers le sommet de son sport.
Pendant le tournage, qu’avez-vous ressenti en regardant dans le rétroviseur et en retraçant le cours de votre carrière ?
Quand on fait un documentaire, on se dit souvent qu’on aura le - de parler de tout. Finalement, c’est toute une vie, donc c’est très difficile de parler de tout, même si on ne parle pas des dernières années. C’est compliqué de rentrer dans le détail de toutes les histoires. J’étais heureux de le faire. Je me dis depuis longtemps qu’un jour nous aurions l’occasion de parler d’accès au sport automobile. Je n’étais pas prédestiné à ça, venant d’un milieu non sportif. Je n’ai jamais vu quelqu’un dans ma famille avec une paire de baskets (rires). J’étais passionné par le sport en général, et notamment par le football. Pendant le documentaire, je me suis toujours dit que si cela laissait une impression différente de celle que les gens ont de moi, ce serait une bonne chose.
D’une part, j’ai toujours eu beaucoup de modestie, je suis assez simple, de par mon caractère et mon éducation ; de l’autre, sur le plan sportif, il semble que toute ma carrière ne soit que Prost – Senna. Je voulais parler de ce que les gens ne connaissent pas, de l’humanité, même en termes de course. Aujourd’hui, on a tendance à parler davantage des affaires et les gens passent au second plan. Nous n’avions pas de réseaux sociaux, ce qui est certainement une chance. Ma rivalité avec Senna, je ne sais pas à quoi ça aurait été. Cela reste une belle histoire avec Ayrton. Mais il faut le savoir.
Vous parlez du côté humain de ce documentaire. Dans les premiers épisodes, vous évoquez les liens forts qui vous unissent à votre frère et à votre grand-mère. Est-ce que ce sont deux relations qui ont été particulièrement importantes dans votre vie ?
C’est totalement essentiel. Ce ne sont pas eux qui m’ont mis en poste ou qui m’ont aidé financièrement. Mais dans la vie, il y a toujours une ou plusieurs personnes qui vous aident. Moi, c’est mon frère (Daniel, décédé en 1986 d’un cancer) et ma grand-mère (Victoria)mais d’une manière complètement indirecte et quelque peu spirituelle. Je pense à eux presque tous les jours. J’ai l’impression qu’ils sont toujours là et je cours par procuration. Ma grand-mère m’a donné toute cette énergie d’un côté, et de l’autre le côté discret, la pudeur, l’éducation. Elle m’a toujours forcé à être positif. Je suis une personne très stressée. Mais pour moi, ce n’est pas négatif. C’est parce que j’ai toujours envie de faire mieux, de travailler avec précision. Elle me l’a inculqué. Quand elle nous a raconté son histoire, le génocide (Arméniens, perpétrés de 1915 à 1916, en pleine Première Guerre mondiale) et le voyage pour enfin arriver dans un pays accueillant, sans jamais se plaindre, alors qu’elle a perdu ses huit frères et sœurs massacrés devant elle… Evidemment, c’est une éducation qui vous marque.
Quand nous étions ensemble le soir avec Niki Lauda et que nous avons décidé d’allumer le feu, c’était quelque chose
Il y a ces liens familiaux qui comptent beaucoup pour vous, mais aussi des relations amicales, comme celles que vous avez eues avec Niki Lauda chez McLaren de 1984 à 1985.
Oui, parce que les premières années ont été très bonnes mais j’ai toujours eu l’impression qu’il manquait quelque chose. Quand je suis arrivé chez McLaren en 1984, j’avais deux idoles depuis mes débuts en karting dix ans plus tôt. La première était Jackie Stewart (triple champion du monde de F1)mais il s’était déjà arrêté, et le deuxième était Niki Lauda. Son accident en 1976 a marqué tout le monde. Quand tu es en école de pilotage, et que tu connais son histoire, et que je me retrouve à être son coéquipier quelques années plus tard… Il y avait un respect mutuel,…