L’ancien commissaire européen a été interrogé et perquisitionné mardi. La méthode présumée de blanchiment d’argent, via un produit particulier proposé par la Loterie nationale, soulève son lot de questions. Le montant enquêté est tenu secret.
Jusqu’à récemment, Didier Reynders n’était rien de moins que le commissaire européen chargé de la Justice, poste qu’il a occupé pendant cinq ans, après avoir été notamment ministre belge des Affaires étrangères. Est-ce qu’il blanchissait de l’argent en même -, via des billets électroniquesdes « bons » n’excédant pas 100 euros disponibles dans tous les points de vente de la Loterie Nationale ou via Internet ?
D’ordinaire, ce produit, dont la validité est limitée dans le -, permet au joueur pour approvisionner « instantanément » votre compte ouvert à la Loterie (maximum 500 euros par semaine), et à partir duquel il peut parier en ligne. Bref, c’est un moyen de transfert plus rapide qu’un virement bancaire depuis votre compte courant, et qui peut également se faire sur moyen d’argent liquide.
Des dizaines voire des centaines de milliers d’euros
Dans le cas de Didier Reynders, il semble que le fréquence et masse des achats de billets électroniquespuis le transfert (après mise en jeu) des éventuels gains sur le compte de l’ancien commissaire a fini par alerter le Loterie Nationale et la Cellule de Traitement de l’Information Financière (Ctif). Celui-ci a transmis l’information au Parquet de Bruxelles, qui a considéré les éléments suffisamment convaincants pour ouvrir une enquête discrètement courant 2023, animé par le conseiller-instructeur de la Cour d’appel Olivier Leroux. Avec, comme point culminant, le recherches résidences de l’ancien chef des libéraux, suivi de longues auditionspour lui et sa femme, comme le révèlent mardi nos confrères de Soirée et de Suivez l’argent.
L’environnement de la Loterie nationale n’est pas attrayant pour ceux qui cherchent à blanchir de l’argent.
Communiqué de la Loterie Nationale suite à la perquisition au domicile de Didier Reynders, soupçonné de blanchiment d’argent.
« Au cours des cinq dernières années, la Loterie Nationale a réalisé un seul rapport aux autorités compétentes dans le cadre de comportements suspects pouvant être liés au blanchiment d’argent », a par ailleurs indiqué la Loterie Nationale dans un communiqué de presse mercredi – déclarant implicitement que ce cas précis est bien celui de Didier Reynders.
Reste à savoir de quelle somme prétendument blanchie nous parlons exactement. Pour l’instant, aucune information ne filtre, mais, selon nos informations, la Loterie n’aurait pas je n’ai jamais eu autant d’achats (NDLR : e-billets) dans cinq ans. Didier Reynders achetait 500 euros par semaine debillets électroniques. S’il le faisait pendant une dizaine d’années, comme cela a été évoqué à la Chambre ce jeudi, on parlerait d’un montant total supérieur à 200 000 euros investis dans la Loterie.
Beaucoup de questions, peu de réponses
D’où vient cet argent ? Au moment d’écrire ces lignes, personne ne sait. S’il s’agit d’argent « propre », provenant de ses émoluments de ministre et d’élu, Didier Reynders ne devrait avoir aucun mal à le prouver. Mais si l’origine est illégalet au cas où l’ancien commissaire ne coopérerait pas, il incomberait aux enquêteurs et aux tribunaux de le prouver — ce qui rend les dossiers de blanchiment d’argent particulièrement compliqués à mener. Pour l’instant, il nous semble que la justification de l’intéressé serait qu’il est un joueur compulsif. Mais cette défense ne semble pas convaincre a priori les enquêteurs.
En attendant, dans le cas où nous nous trouverions confrontés à un cas avéré de blanchiment d’argent, plusieurs spécialistes du sujet, notamment ceux de la justice, se tapent le front: comment l’ancien commissaire – qui fut aussi, dans le passé, ministre en charge de la Loterie Nationale — aurait-il pu penser qu’il passerait entre les mailles du filet ? Et ce, même si “l’environnement de la Loterie Nationale n’est pas attractif pour ceux qui cherchent à blanchir de l’argent”, prévient ce dernier, précisant au passage que « dans les rares cas où un tel comportement est tenté, l’unité médico-légale de la Loterie Nationale le détecte et signale ces faits aux autorités compétentes »…
Ce que dit sa déclaration d’intérêts
Ironiquement, la dernière déclaration d’intérêts fournie par Didier Reynders en tant que commissaire européen figure parmi les le plus complet de l’ancien collège. Qu’il s’agisse de son patrimoine (une résidence principale et une résidence secondaire en Belgique), ou les sommes provenant de ses différents comptes bancaires. On sait qu’en février 2024, le commissaire faisait remplir un compte d’épargne de 268 000 eurosune épargne-pension avec 67.281 euros et un investissement en Sicav (Société d’Investissement à Capital Variable) de 158 313 euros. En revanche, et parce que cela ne génère pas d’intérêt, aucune information n’est disponible sur son compte courant où auraient atterri les sommes transférées de son compte à la Loterie Nationale.
Présumé innocent, Didier Reynders jouit aussi diverses immunitésen tant qu’ancien commissaire et ancien ministre fédéral. Ceux-ci peuvent évidemment être levé — par la Commission elle-même, et par la Chambre des représentants au niveau fédéral — si des éléments suffisants, incriminants ou sans rapport avec la fonction de commissaire européen, apparaissent.