“Nous essayons de sauver notre peau” : des centaines de chauffeurs de taxi perturbent la circulation lundi autour de Lyon et sur un péage au nord-ouest de Marseille, pour protester contre un accord en cours de négociation avec l’Assurance maladie incluant une tarification à la réduction du transport des malades.
Feux de détresse allumés, quelque 150 véhicules étaient déjà stationnés avant l’aube, en file indienne, sur un échangeur à l’ouest de Lyon, sans bloquer totalement la circulation. « Taxis en grève », « taxi médicalisé en danger », pouvait-on lire sur certains.
Nicolas Galliot, 43 ans, était venu de Clermont-Ferrand. A la tête d’une entreprise de taxi, le transport sanitaire représente 60 à 70 % de son chiffre d’affaires. « Mais pour les taxis de campagne, cela peut monter jusqu’à 100 % », précise-t-il.
Si cet accord est adopté, ce sera « au détriment de mes salariés, de la valeur de nos licences, mais surtout des patients », dit-il.
En 2023, plus de 40 000 taxis ont été agréés pour transporter des personnes malades souffrant de pathologies allant du cancer aux maladies psychiatriques, selon l’Assurance maladie, soit près des trois quarts des taxis en France.
Afin de réaliser 300 millions d’euros d’économies sur ce transport sanitaire, le gouvernement Barnier souhaite désormais contraindre les taxis et transporteurs sanitaires à négocier des mesures avec l’Assurance maladie, sous peine de baisses de tarifs imposées.
Par ailleurs, un décret d’exécution du budget de la Sécurité sociale pour 2024 prévoit qu’un patient ne peut plus refuser, sauf exceptions, un transport sanitaire partagé, sous peine de devoir avancer les frais et d’être remboursé uniquement sur la base du transport collectif. Les patients doivent également être soignés en moins de 45 minutes, et par zone géographique avec une limite de kilomètres de détour par patient.
“Non seulement on va attendre très longtemps pour remplir la voiture, on va faire des tournées interminables, mais on va aussi détériorer le service que nous avons mis en place depuis des années auprès des patients”, explique à l’AFP. AFP Abdel Green, président de la Fédération des Taxis Indépendants du Rhône (FTI69).
– Bivouac –
En provenance du Puy-de-Dôme, de l’Isère, de la Drôme, de la Loire et de la Haute-Loire, des chauffeurs de taxi ont bloqué des voies des autoroutes A7, A43 et A46, provoquant plusieurs dizaines de kilomètres de bouchons ou de ralentissements à l’entrée de la métropole lyonnaise.
Les blocages devraient durer jusqu’en fin d’après-midi, a prévenu la préfecture de la région Auvergne-Rhône-Alpes vers 13 heures.
Au cœur de la ville, devant l’hôpital Edouard Herriot, une trentaine d’entre eux se sont garés et ont distribué des tracts, tout en se réchauffant autour d’un café.
Dans le transport sanitaire, « la démarche n’est pas la même qu’avec un client qui est récupéré à la gare », souligne Mohammed, 36 ans, assis dans son véhicule à l’arrêt et dont près de 90 % de son travail est du transport sanitaire.
« Pour la plupart des patients, le voyage est une sorte de libération. Ils ne se sentent pas malades lorsqu’ils sont dans le véhicule. Cela leur permet d’oublier. Ils nous racontent leurs inquiétudes, nous leur racontons les nôtres », illustre-t-il. “Et avec le nouvel accord, ils n’auront plus le choix du transporteur”, ajoute-t-il.
Sabrina Pena, 51 ans, chauffeur de taxi depuis 27 ans à Lyon, réalise 10 % de son activité auprès des patients. Elle regrette la baisse des prix car « depuis plusieurs années tout a augmenté, le prix du carburant, les véhicules, les péages, le prix de l’eau en bouteille pour les clients ». “Ils savent qu’on est pris à la gorge parce qu’on est tous endettés”, lance-t-elle devant l’hôpital Edouard Herriot.
Les cortèges de taxis doivent converger vers le centre de Lyon pour rejoindre à partir de 18h00 la place Bellecour, où ils comptent bivouaquer pour la nuit. Annonçant des perturbations « importantes », la préfecture invite les usagers de la route à « anticiper leurs déplacements avant cette heure ou à privilégier d’autres modes de déplacement ».
Des perturbations en Provence-Alpes-Côte d’Azur ont également été constatées, notamment dans la matinée à l’entrée de Toulon et qui se sont terminées en début d’après-midi.
En revanche, 800 taxis sont toujours mobilisés pour bloquer le péage de Lançon-de-Provence, l’un des plus importants de l’A7, à une quarantaine de km au nord-ouest de Marseille, avec 6 km de bouchons vers Lyon et 5 km vers Marseille, selon la préfecture des Bouches-du-Rhône et Vinci.
Les taxis de Marseille et de la région ont bloqué les voies de paiement avec leurs voitures ou leurs pneus. « Taxis sacrifiés », « non à la mort des taxis », peut-on lire sur des banderoles ou sur les pare-brise.
Pour Karine Lahouel, chauffeur de taxi à Carpentras (Vaucluse) depuis onze ans, “on essaie de sauver notre peau, très clairement, parce que c’est la fin, c’est la dernière chance pour que ce métier continue d’exister”, affirme-t-il. Femme de 52 ans.