TÉMOIGNAGE. « On ne comprend pas pourquoi on nous met dehors », des chauffeurs de taxi au bord de l’asphyxie financière

TÉMOIGNAGE. « On ne comprend pas pourquoi on nous met dehors », des chauffeurs de taxi au bord de l’asphyxie financière
TÉMOIGNAGE. « On ne comprend pas pourquoi on nous met dehors », des chauffeurs de taxi au bord de l’asphyxie financière
Publié le 12/02/2024 à 12h34

Écrit par Sidonie Canetto

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Marcel Courtet est chauffeur de taxi depuis 12 ans à La Ciotat. Il a investi 200 000 euros, ses économies, pour payer son permis. Aujourd’hui avec la réforme des soins et la concurrence des VTC, son avenir est sombre. C’est la raison de sa mobilisation aujourd’hui.

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Les taxis bloquent les routes autour de Marseille ce lundi 2 décembre 2024 pour protester contre les mesures liées à la nouvelle convention de l’Assurance Maladie. Les principales revendications portent sur une baisse significative des tarifs kilométriques pour le transport des patients assis et sur l’obligation de recourir au covoiturage sanitaire, qui affecte directement leurs revenus. Marcel Courtet, chauffeur de taxi à La Ciotat, fait partie des milliers de chauffeurs présents à Lançon de Provence pour manifester leur colère contre la réforme sanitaire. Cela fait un an que les fédérations de taxis négocient cette réforme des transports sanitaires.

Un chauffeur de taxi qui récupère les patients, “ne prend pas en charge la marchandise”, C’est ce que veulent dire aussi les manifestants, il y a un rôle d’accompagnement qui n’est pas pris en compte dans le prix proposé par la Cnam.

C’est parce qu’il y a de plus en plus de personnes âgées et de plus en plus malades. Donc en fait, nous remplissons simplement notre part du marché, nous faisons notre travail. Il y a de plus en plus de courses médicales donc ça coûte de plus en plus cher à la CPAM. Mais ce n’est pas nous qu’il faut blâmer, ce n’est pas notre faute.»

Pour Marcel Courtet, l’injustice et l’incompréhension règnent. « ÔNous ne comprenons pas pourquoi nous sommes expulsés. Je fais ce métier depuis 12 ans. Ça fait 12 ans que je rencontre des malades qui subissent une radiothérapie, une chimiothérapie parce qu’ils ont un cancer et tout ça, c’est au quotidien.

Derrière la course, il y a de l’empathie, mais il faut aussi pouvoir accepter, “CCe n’est pas facile pour eux, ce n’est pas facile pour nous. Parce que pour nous, quand on a 10 clients qui nous racontent leur souffrance après le dixième client dans la journée par empathie, c’est compliqué pour nous ».

Pour les chauffeurs de taxi, comme Marcel Courtet, il est parfois difficile de ne plus voir un patient, ou de le voir progresser dans sa maladie. « ÔNous faisons ce travail du mieux que nous pouvons en essayant de prendre soin de nos patients et nous faisons bien notre travail, il y a de plus en plus de patients qui sont âgés et qui ont besoin de ce type de transport. . Certains subissent un choc psychologique après avoir appris une maladie, et puis nous les accompagnons jusqu’au bout. On voit la progression de la maladie, parfois on les voit avancer vers la guérison et parfois ça ne va pas dans le bon sens, et on les accompagne jusqu’au bout. Et c’est très dur parce qu’en 12 ans, on a sympathisé avec certains, et on les voit partir, parfois, c’est dur.»

Lorsqu’il a débuté sa carrière de taxi, Marcel Courtet savait que les VTC étaient déjà autorisés. “Ddepuis 10 ans, on a laissé passer les VTC et Uber, on a manifesté, mais le gouvernement les a laissés en place. AAvec les applications, ils ont pris les mêmes clients que nous. DAinsi, maintenant que nous avons perdu près de 90 % de nos clients dans les petites villes, nous n’avons plus de taxi traditionnel, nous avons uniquement des services médicaux.

Jusque-là, les taxis réussissaient à tirer leur épingle du jeu. “Maintenant que nous n’avons plus que du médical, la Cnam va baisser les prix de près de moitié. C’est à dire qu’on est à un euro 60 pour passer à 90 centimes par km. Ce qui fait qu’on perd réellement 40% de chiffre d’affaires. Sauf qu’aujourd’hui, si on perd 40 % de chiffre d’affaires, on s’en sort mieux. Nous ne pourrons pas continuer car nous travaillerons à perte« .

Une lutte quotidienne, contre une concurrence jugée « déloyale », mais autorisée par l’État. « Ils n’ont pas de licence pour acheter. Alors évidemment, chaque jour, il y en a de nouveaux. Et ils ne font pas de transport sanitaire. Donc, ils nous prennent tous les clients, sans compter qu’en plus, ils ont un tarif gratuit, c’est-à-dire qu’ils fixent les tarifs.

Même si cette réforme des soins de santé est en préparation depuis un certain temps, le statu quo est sur le point de prendre fin. ” Normalement la convention est réévaluée tous les cinq ans, mais avec les Jeux olympiques de cette année, nous avons eu une convention pour un an, une sorte de prolongation. Ils avaient peur qu’on bousille le B… pendant les Jeux Olympiques. Et maintenant, nous disent-ils, « nous ne voulons même plus négocier avec vous, c’est comme ça, pas autrement ». Et nous disons : « Mais ce ne sera pas le cas, nous ne pourrons pas survivre ». Et ils s’en moquent. On nous dit, c’est comme ça. Donc là, nous avons plus de choix maintenant. Le manque de dialogue est le plus stressant pour les chauffeurs de taxi qui craignent de tout perdre.

« Je ne vais pas perdre les 200 000 € de licence que j’ai payés en 10 ans », annonce Marcel Courtet, quelque peu résigné, mais aussi en colère. Je réalise juste que je risque de perdre un investissement sur 10 ans, de 200 000 euros. C’est comme toi, si on te disait que tu achètes un appartement avec 20 ans de crédit, alors au bout de 20 ans, l’Etat te dit je fais une loi et je la récupère. Êtes-vous heureux? Allez-vous être en colère ? Comment vas-tu être ? Eh bien, c’est ce que nous vivons actuellement. Les gens ne comprennent pas, mais c’est tout.

Le coût de la vie augmente, tout comme le prix de l’essence.

Nous payons 1 000 € de gaz par mois. Nous payons toutes les charges. Avec toutes ces accusations, comment voulez-vous qu’on s’en sorte ? Ils veulent nous retirer 60 % du total. On arrive à 95 centimes au lieu de 1,80 € le kilomètre. Comment voulez-vous que ce soit viable ? ÔLe travail traditionnel des taxis nous a été retiré, si le travail des taxis médicaux nous est retiré, que nous reste-t-il ? Il ne reste plus rien. Et donc nous perdons notre licence parce que nous n’allons pas les vendre. Donc ma retraite va mal se passer dans quelques années.»

 
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