Des dizaines de milliers de manifestants pro-UE se sont à nouveau rassemblés dimanche soir dans plusieurs villes de Géorgie, pour la quatrième nuit consécutive, pour protester contre le gouvernement, qui a exclu l’organisation de nouvelles élections législatives comme le réclamait l’opposition.
Cette ancienne république soviétique est en ébullition depuis les élections législatives du 26 octobre, remportées par le parti au pouvoir Rêve géorgien mais dénoncées comme entachées d’irrégularités par l’opposition, qui boycotte le nouveau Parlement.
De nouvelles élections sont réclamées par les partis d’opposition ainsi que par la présidente Salomé Zourabichvili, qui a annoncé qu’elle refuserait de renoncer à son mandat à la fin de l’année tant que de nouvelles élections législatives n’auraient pas lieu.
“Bien sûr que non”, a répondu le Premier ministre Irakli Kobakhidze aux journalistes qui lui demandaient si le gouvernement, accusé de dérive autoritaire pro-russe, accepterait d’organiser de nouvelles élections.
Les manifestations de ces derniers jours ont été déclenchées par la décision du gouvernement de reporter à 2028 les ambitions du pays d’adhérer à l’Union européenne.
Ces rassemblements à Tbilissi et dans d’autres villes ont été réprimés à coups de canons à eau et de gaz lacrymogènes par la police, qui a procédé à plus de 150 arrestations. Des dizaines de policiers ont été blessés par des projectiles et des pétards lancés par des manifestants.
Pour la quatrième nuit consécutive, des dizaines de milliers de manifestants pro-européens se sont à nouveau rassemblés dimanche devant le Parlement, brandissant des drapeaux européens et géorgiens, a constaté l’AFP.
Pour Alexandre Diasamidze, barman de 32 ans, « le rêve géorgien, ce n’est pas le gouvernement géorgien. C’est un gouvernement pro-russe et ils doivent partir.»
En début de soirée, des groupes de policiers, protégés par des boucliers, ont activé des canons à eau pour disperser la foule, sans grand succès : les manifestants se sont pris la main et ont dansé en rond, et un petit groupe est resté immobile sous un déluge d’eau, tenant un grand Drapeau géorgien.
D’autres ont lancé des feux d’artifice en direction des policiers, impassibles derrière leurs boucliers protecteurs.
Mais en fin de soirée, les policiers anti-émeutes sont intervenus en force, faisant usage de gaz lacrymogènes et de canons à eau pour disperser les manifestants, dont certains, aux cris de « Fuck Russia ! », ont érigé des barricades avec des poubelles auxquelles ils ont été incendiés.
Levan Khabeishvili, chef du principal parti d’opposition, le Mouvement national uni, a déclaré aux journalistes qu’il avait été agressé par une quinzaine de policiers masqués, qui ont tenté de l’arrêter avant qu’il ne parvienne à s’enfuir grâce à d’autres manifestants.
Des manifestations ont eu lieu dans d’autres villes de Géorgie.
– « Inacceptable » pour l’UE –
La nouvelle chef de la diplomatie européenne, Kaja Kallas, a critiqué plus tôt dimanche un usage disproportionné de la force par la police contre les manifestants.
« Il est clair que le recours à la violence contre des manifestants pacifiques n’est pas acceptable et que le gouvernement géorgien doit respecter la volonté du peuple géorgien », a-t-elle déclaré lors d’une visite de soutien en Ukraine, le premier jour de son mandat.
Le ministère de l’Intérieur a pour sa part justifié l’attitude de la police par les « actions violentes » de certains manifestants.
Des centaines de responsables, notamment des ministères des Affaires étrangères, de la Défense et de l’Éducation, ainsi que des juges, ont publié des déclarations communes pour protester contre la décision du gouvernement de reporter les négociations sur l’adhésion du pays à l’UE.
Plus d’une centaine d’écoles et d’universités ont suspendu leurs activités.
Quelque 160 diplomates géorgiens ont également critiqué la décision du gouvernement, affirmant qu’elle conduisait à « l’isolement international » du pays. De nombreux ambassadeurs géorgiens ont démissionné.
Salomé Zourabichvili, qui soutient le mouvement de contestation mais ne dispose que de pouvoirs limités, a assuré samedi qu’elle ne quitterait pas ses fonctions comme prévu fin décembre.
“Tant qu’il n’y aura pas de nouvelles élections et un Parlement qui élira un nouveau président selon de nouvelles règles, mon mandat continuera”, a-t-elle déclaré dans un entretien exclusif à l’AFP.
– Sanctions des pays baltes –
Le chef de la diplomatie européenne, entré en fonction ce dimanche, a déclaré que la situation en Géorgie avait « clairement des conséquences » sur les relations avec l’UE.
Mme Kallas a expliqué que des « options » avaient été proposées aux 27 États membres de l’UE sur la manière de réagir, notamment par l’imposition de sanctions.
L’Estonie, la Lituanie et la Lettonie ont décidé de sanctions “contre ceux qui répriment les manifestations légitimes en Géorgie”, a déclaré le ministre lituanien des Affaires étrangères Gabrielius Landsbergis sur les réseaux sociaux.
Le porte-parole du Département d’État américain, Matthew Miller, a « condamné le recours excessif à la force » et annoncé avoir « suspendu notre partenariat stratégique avec la Géorgie ».