Béatrice Zavarro sait que ce procès sera sans doute le plus marquant de sa carrière. « Pourtant, j’ai trente ans de barreau derrière moi » confie l’avocat qui a prêté serment en 1996 à Marseille. L’épreuve d’une vie ? “Au départ, je n’imaginais pas l’ampleur que prendrait cette affaire”, confie Me Zavarro, l’une des principales protagonistes de ce procès qui a provoqué un débat national sur les violences faites aux femmes. “Un débat que je trouve bénéfique”, dit-elle.
Devant le tribunal correctionnel d’Avignon, M. Zavarro n’a pas la vie facile. Elle est là pour défendre Dominique Pelicot qui, pendant dix ans, a donné des sédatifs à sa femme pour la violer et la faire violer par des dizaines d’hommes. Les faits sont vertigineux. “Faute, reconnaît Me Zavarro. Mais je ne défends pas ce qu’a fait Dominique Pelicot. Je défends un homme avant tout. Un homme qui assume la responsabilité de ce qu’il a fait. Et c’est l’honneur des avocats de défendre tout le monde. Dans le passé, j’ai défendu le responsable d’infanticide, un homme qui a tué sa maîtresse de 40 coups de couteau et des auteurs de violences sexuelles. J’arrêterais d’être avocat si je devais renoncer à défendre Dominique Pélicot juste parce que je suis une femme. »
Un pacte de confiance
C’est en mars 2021 que Dominique Pelicot, alors incarcérée aux Baumettes, contacte Me Zavarro. « Un jour, dans la cour de récréation, un autre détenu m’a dit qu’il était défendu par cette avocate et qu’il était content de ses services », » a déclaré l’accusé à l’audience la semaine dernière. Lors de cette première rencontre, M. Zavarro a posé cartes sur table : « J’ai dit à M. Pélicot que, pour le défendre, je devais nouer un pacte de confiance avec lui : il devait tout me dire sur les faits. Et je pense que c’est ce qu’il a fait. »
Dominique Pelicot lui avoue alors avoir fait violer sa femme par des inconnus. Mais à ce stade de l’enquête, seule une dizaine d’hommes ont été identifiés. « À ce moment-là, je n’imaginais pas que nous allions nous retrouver avec un procès avec 50 accusés. » » a-t-elle déclaré, assurant qu’à aucun moment elle n’avait songé à renoncer à assister cet extraordinaire criminel sexuel. Même lorsque son bureau de Marseille a commencé à recevoir des messages malveillants.
“Tu vas le faire.”
La seule fois où elle « flanqué » ? Après la première semaine d’essai. « Là, j’ai eu un petit doute. La tension était forte. C’est mon mari et mon fils qui m’ont dit : “Il n’est pas question d’abandonner, tu vas le faire”. raconte l’avocate qui, depuis l’ouverture du procès début septembre, est accompagnée de son mari qui suit les débats en public. «Ma famille est très importante. C’est avec elle que je me ressource les week-ends de mon retour à Marseille. »
Me Zavarro ne fait pas partie de ces avocats pénalistes bruyants qui, par leurs gestes ou leur voix forte, tentent d’établir un rapport de force à l’audience. L’avocate est petite (1,45 m), elle parle doucement, toujours sur un ton posé. Ce qui ne l’empêche pas de s’imposer dans la salle d’audience, sans jamais s’attirer les foudres des parties civiles. Contrairement à certains avocats de la défense, Me Zavarro ne s’en est jamais pris à Gisèle Pelicot. « C’est une femme courageuse, qui a beaucoup d’élégance et qui tient des propos très mesurés depuis le début du procès. J’ai beaucoup de respect pour elle. »
Lundi 25 novembre, le parquet a requis la peine maximale contre Dominique Pelicot, vingt ans de réclusion criminelle. C’était prévu, personne n’a été surpris. « Il est abattu. Il n’est jamais très facile pour un homme d’entendre qu’une peine de vingt ans est requise contre lui. » a déclaré à l’issue de l’audience Me Zavarro, qui sera le premier à plaider dans les rangs de la défense mercredi. Ensuite, elle ne prendra plus la parole jusqu’à la fin du procès, fin décembre. « Toute l’énergie déployée pendant trois mois va alors retomber, dit-elle. Je m’y prépare. C’est aussi la vie d’un avocat. »