Marine Le Pen et Michel Barnier ne sont toujours pas d’accord sur le budget 2025. Le Premier ministre recevra les autres chefs de groupe, mais fait face à une menace de censure de plus en plus importante.
Le risque de censure s’est accru lundi sur le gouvernement français: la leader de l’extrême droite Marine Le Pen et Mathilde Panot au nom de la gauche ont fermement maintenu leurs menaces en ce sens, après des entretiens avec le conservateur du Premier ministre Michel Barnier.
Constitué le 21 septembre au terme de plusieurs semaines de crise politique suite à la dissolution inopinée de l’Assemblée nationale par le président Emmanuel Macron en juin, l’exécutif se sait construit sur le sable, étant minoritaire. La censure ne serait pas “le chaos”, a souligné Mme Le Pen après avoir été reçue lundi par M. Barnier.
Alors que selon elle, le Premier ministre a « Debout sur ses positions »elle a affirmé que le RN ne “ne pas renoncer à défendre les Français”refuser de céder “à la petite musique (…) consistant à dire si jamais ce budget est refusé, s’il y a censure, ce sera dramatique, ce sera le chaos”.
Le RN est le parti qui compte le plus grand nombre d’élus à l’Assemblée (125 sur 577 sièges). Le Premier ministre n’a visiblement pas convaincu la chef de file des députés France Insoumise (gauche radicale), Mathilde Panot, qu’il a ensuite reçue.
Lorsqu’elle a quitté l’entretien, Mme Panot a appelé “tous les députés”dont le RN, pour voter la motion de censure. Elle envisageait de le déposer auprès de ses alliés du Nouveau Front populaire (NFP) si le Premier ministre utilisait l’article 49.3 de la Constitution – qui lui permet de faire adopter un texte sans vote – pour forcer l’adoption de son budget 2025 critiqué.
Mme Panot a « un bilan de désaccords profonds » avec M. Banier, le budget étant selon elle « les plus violents socialement et écologiquement » de la Ve République.
Alors que la France est lourdement endettée et que le gouvernement veut voter sur de nombreuses économies, la gauche et l’extrême droite, qui s’y opposent, pourraient la faire tomber ensemble.
“Jusqu’à présent, on avait une opposition stylistique entre la gauche et le RN”observe le politologue du Centre national de la recherche scientifique (CNRS), Olivier Costa. « La gauche voulait censurer au plus vite le gouvernement Barnier, le jugeant illégitime, tandis que l’extrême droite voulait le laisser travailler pour apparaître comme un parti responsable ».
Plus “Pour la première fois depuis que Barnier est au pouvoir, il y a un risque réel d’avoir une motion de censure à son encontre”souligne-t-il.
«Mort politique»
Un resserrement attribué par plusieurs analystes aux démêlés judiciaires de Marine Le Pen, qui, comme son parti, est accusée de détournement de fonds publics européens, pour une perte de 4,5 millions d’euros.
Les réquisitions ont été lourdes contre Mme Le Pen : cinq ans d’emprisonnement dont deux ferme, 300 000 euros d’amende et cinq ans d’inéligibilité avec exécution immédiate, ce qui signifie qu’elle deviendrait inéligible dès le prononcé du verdict, même en en cas de recours.
“C’est ma mort politique qui est réclamée”estime le candidat trois fois malheureux à l’élection présidentielle française, qu’une condamnation empêcherait de concourir à l’élection de 2027.
Alors que le RN refuse officiellement de lier une éventuelle censure à ses déboires judiciaires, le chercheur Olivier Costa voit dans les déclarations répétées de ses cadres une « stratégie d’agitation » médiatique.
« Si le gouvernement Barnier tombe, personne ne se souciera du procès des assistants parlementaires du RN, alors qu’ils sont actuellement sous le feu des projecteurs »il croit.
“Chien”
Le vote de la motion de censure pourrait avoir lieu dans la seconde quinzaine de décembre, si le gouvernement utilise l’article 49.3.
« Le RN va-t-il vraiment passer à l’action ? Je ne sais pas”souligne toutefois le politologue Pascal Perrineau, professeur à Sciences Po Paris, interrogé par l’AFP. Car selon lui il y aura « un coût politique » pour ceux qui feront tomber l’exécutif.
« Celui qui renversera le gouvernement privera le pays de budget et le plongera dans le désordre et le chaos », car « il n’y a pas de majorité alternative à la base qui soutient le gouvernement »a estimé le chef de la diplomatie française, Jean-Noël Barrot.
La porte-parole du gouvernement, Maud Bregeon, a évoqué le risque d’un « scénario grec » pour la France, avec une censure du budget, selon elle, plongeant potentiellement le pays dans une crise financière.