Un tribunal algérien a accepté une première plainte contre l’écrivain franco-algérien Kamel Daoud et son épouse psychiatre pour avoir révélé et utilisé l’histoire d’un patient pour écrire son roman Hourislauréat du prix Goncourt 2024, a assuré ce jeudi l’avocat du plaignant.
Survivant d’un massacre
« Nous avons payé les frais de justice, ce qui signifie que le parquet [d’Oran] a accepté la plainte», a déclaré Fatima Benbraham devant la presse à Alger, anticipant une prochaine convocation. Selon l’avocat, Kamel Daoud et son épouse, qui résident en France, seront également convoqués à Oran et jugés par contumace s’ils ne se présentent pas.
Deux recours ont été déposés contre Kamel Daoud et son épouse qui ont soigné Saâda Arbane, rescapé d’un massacre durant la sombre décennie de la guerre civile en Algérie (1992-2002, 200 000 morts). Une plainte émane de Saâda Arbane qui les accuse d’avoir utilisé son récit sans son consentement, et une autre de l’Organisation nationale des victimes du terrorisme.
“Il a utilisé le théâtre”
“Kamel Daoud a utilisé le drame de la victime pour se faire une gloire”, a critiqué l’avocat, affirmant qu’elle avait demandé au parquet d’enquêter sur la “disparition du dossier médical” de l’hôpital et accusant l’épouse de Daoud de l’avoir “donné à son mari pour faire un roman ». “Le code pénal condamne la divulgation du secret professionnel” pour les médecins, a souligné l’avocat, un délit passible de six mois d’emprisonnement.
L’avocat a montré des photos de Saâda Arbane alors qu’elle arrivait à l’hôpital alors qu’elle était enfant en 1999, juste après une tentative d’égorgement perpétrée par des jihadistes. « Kamel Daoud a demandé à la victime de publier son histoire dans un roman en échange d’argent, mais elle a refusé”, a-t-elle poursuivi, ajoutant qu'”il a néanmoins publié son livre avec l’aide de sa femme, qui lui a parlé du tatouage qu’elle avait dans le dos, comme dans le roman Houris.
Gallimard dénonce « violentes campagnes diffamatoires »
La plainte fait également référence à l’article 46 de la loi dite de réconciliation nationale, qui prévoit jusqu’à cinq ans de prison pour « toute personne qui, par ses déclarations, ses écrits ou tout autre acte, exploite les blessures de la tragédie nationale ». . Le 15 novembre, Saada Arbane est apparu sur la chaîne One TV affirmant que l’histoire du roman « Houris » était la sienne car il cite des éléments personnels comme « sa canule ». [pour respirer et parler, NDLR]ses cicatrices, ses tatouages, son salon de coiffure », sa relation avec sa mère et son envie d’avorter.
Kamel Daoud n’a pas répondu à ces accusations, mais son éditeur français Gallimard a dénoncé lundi les « violentes campagnes diffamatoires orchestrées » [à son encontre] par certains médias proches d’un régime dont personne n’ignore la nature.