Gisèle Pelicot dénonce une société machiste, patriarcale et complice de la banalisation du viol

Gisèle Pelicot dénonce une société machiste, patriarcale et complice de la banalisation du viol
Gisèle Pelicot dénonce une société machiste, patriarcale et complice de la banalisation du viol

Plus de place libre dans la salle d’audience ce matin. Idem dans la salle de diffusion réservée aux journalistes. Gisèle Pelicot a pris place dans le rectangle des parties civiles avec ses deux fils, Florian et David. Hier, ils ont demandé à leur père de dire la vérité sur ses actes devant leur mère en larmes. Après avoir interrogé un accusé, ce dernier monte une dernière fois à la barre de ce procès hors norme dans un silence solennel. Plus de deux mois se sont écoulés depuis que la a découvert cette femme et les atrocités qu’elle a subies. Finies les lunettes de soleil aux verres foncés, finies les femmes timides que ses avocats semblaient tenir à bout de bras. Oui, elle est fatiguée. Fatigué.

Elle le dit elle-même en préambule : “Depuis le début de ce procès j’ai entendu beaucoup de choses inaudibles […] Je savais à quoi j’allais m’exposer en renonçant au huis clos. Je l’avoue, la fatigue se fait sentir, j’ai été omniprésente dans cette salle « . Mais malgré cette fatigue, la voix est assurée. Plus qu’au début du mois de septembre. Car malgré le poids des révélations qui pèsent sur ses épaules, sa combativité ne l’a jamais quittée.

« A quel moment Madame Pélicot vous a-t-elle donné son consentement lorsque vous avez vu ce corps inerte ? », demande-t-elle à l’accusé. Elle les regarde, elle n’a pas peur. Et comme encouragée par sa propre verve, elle continue pleine de confiance. ” J’ai entendu oui, j’ai été drogué, Dominique Pelicot m’a manipulé et ceci et cela… pour moi, c’est l’épreuve de la lâcheté, il n’y a pas d’autres mots », affirme-t-elle d’une voix ferme. Gisèle Pelicot a fait le point sur l’affaire dont elle est l’héroïne malgré elle. Elle ne se cache plus et ne se cache plus. Elle n’est plus la victime tombée du nid du début. C’est une femme qui se bat pour sa propre survie. Et elle veut affronter ces hommes. ” Quand n’as-tu pas frappé ? Pourquoi ne pas dénoncer tout cela ? », leur demande-t-elle.

Rares sont ceux qui la regardent dans les yeux. Est-elle une muse pour le combat de tant de femmes silencieuses ? Sans aucun doute, même si ce n’est pas non plus ce qu’elle a choisi. Parce que sa voix se veut celle de toutes les femmes. Et elle assume ce statut qui lui a été attribué. « La société doit ouvrir les yeux sur le fait que nous vivons dans une société machiste et patriarcale où le viol est banalisé. », dit-elle. Celle qui a surnommé son ex-mari « Monsieur Pélicot » tout au long du procès, revient une nouvelle fois sur celui qui a partagé sa vie pendant cinquante ans. Des années heureuses dont elle se souvient désormais avec beaucoup de recul. Cela aussi est nouveau, comme l’achèvement d’une prise de conscience tardive. Le procès lui aura permis d’analyser différemment les attitudes de ce dernier à son égard.

« Il a toujours été très prévenant et gentil avec moi. Il m’a accompagné à des rendez-vous médicaux, mais c’était probablement pour se rassurer. »

« Il a toujours été très prévenant et gentil avec moi. Il m’a accompagné à des rendez-vous médicaux, mais c’était probablement pour se rassurer », admet-elle. Il en va de même pour sa vie sexuelle, qu’elle jugeait il y a deux mois complètement épanouie et classique. Gisèle Pelicot, droite dans ses bottes, offre à la cour le nouveau prisme à travers lequel elle envisage désormais sa vie. C’est douloureux, mais d’une honnêteté déchirante. ” M. Pelicot avait beaucoup de fantasmes, il était frustré. Ce qu’il voulait, c’était Madame Pélicot, pas une autre personne, et il a trouvé la solution en la soumettant chimiquement. », explique-t-elle.

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Gisèle, le courage de dire la vérité

La défense est invitée à prendre la parole. On y entend la sulfureuse avocate Nadia El Bouroumi malmener Gisèle Pelicot. Cela commence par une question piège : « Pourquoi à chaque fois que Dominique Pelicot s’absente des audiences – pour raisons médicales – vous ne vous présentez pas non plus ? « . Est-ce qu’elle insinue qu’il subsiste un semblant de relation entre les deux époux ? Sans aucun doute. Gisèle Pelicot n’est pas déstabilisée pour un sou. Ses avocats s’énervent et tentent de parler mais Me El Bouroumi s’y oppose. Elle affirme également que Gisèle Pelicot s’est rendue à la prison pour rendre visite à son ex-mari. ” ” J’ai déposé le premier sac de vêtements de M. Pelicot en décembre 2020 car j’organisais mon déménagement », répond-elle calmement. On y voit Maître Camus et Maître Babonneau, les deux avocats de Madame Pelicot, extrêmement agacés derrière leur client mais silencieux, persuadés qu’elle sait parfaitement ce qu’elle a à dire. ” Elle y était parfaitement préparée », nous a confié son avocat Antoine Camus avant cette audience.

L’avocate poursuit son travail déstabilisateur. Il vise à faire croire que Madame Pélicot a encore des sentiments pour son ex-mari. ” Vous avez eu des propos très durs à l’encontre de l’accusé mais pas de M. Pelicot : pourquoi est-il si difficile pour vous d’avoir une position claire ? », demande Me El Bouroumi. Gisèle Pelicot ne cligne pas des yeux. Elle est maintenant cette femme. Sûre d’elle. “J’ai dit que j’avais été trahi », précise-t-elle. En face, fidèle à elle-même, l’avocate s’enthousiasme. ” Vous êtes intervenu lorsque le frère de M. Pelicot est venu à la barre pour dire que son frère était un monstre, c’est surprenant, vous ne trouvez pas ? En termes de proportionnalité, l’accusé vous a moins trahi que votre mari… », poursuit-elle.

Gisèle Pelicot est un roseau. Il s’est beaucoup plié ces deux derniers mois mais ne craquera pas et certainement pas aujourd’hui où seule la détermination se lit sur son visage. « Ceux qui ont assumé la responsabilité des viols, je les ai regardés dans les yeux. Quant à Joël Pelicot, il a adouci l’image de mon père qui était un être tyrannique. Je pense donc que l’enfance de mon ex-mari a été très difficile et oui, il a été victime de viol à l’âge de 8 ans, ça ne s’invente pas. Mais cette enfance ne justifie évidemment pas tout.”explique-t-elle calmement. Et c’est à l’avocat de conclure que la victime est toujours sous l’emprise de son ex-mari qu’elle tente de défendre contre son gré. Gisèle Pelicot ne réagit pas à la provocation.

Gisèle, under the influence?

On revient ensuite sur ce que la septuagénaire a subi aux côtés de son mari. Toujours très calme, elle raconte les deux viols par semaine de son mari, notamment avant son arrestation en novembre 2020. Les 200 viols au total. Paul-Roger Gontard, toujours du côté de la défense, observe que Gisèle Pelicot a déclaré « il ne m’a pas laissé partir » concernant son ex-mari qui l’a accompagnée lors de tous ses contrôles médicaux. Elle y trouve d’ailleurs une explication très claire : « Oui j’étais très anxieux, j’ai pris ça comme de la gentillesseDepuis j’ai changé d’avis », dit-elle.

“Je ne peux qu’évaluer aujourd’hui que toute ma vie est un mensonge”

L’avocat explique alors qu’il est « difficile d’imaginer ce comportement dénué de toute ruse, de toute manigance « . Il estime également qu’il y avait une forme de contrôle. Gisèle Pelicot précise qu’il s’agit d’une influence chimique. “Le reste, j’ai fait ce que je voulais « . Ses deux fils acquiescent en guise de validation. La défense soutient que le verbatim de la septuagénaire à l’égard de son ancien mari est « positif « . Les avocats de la victime circulent sur leurs bancs, visiblement en désaccord. Gisèle Pelicot ne semble pas du tout troublée par les idées de la défense. Elle raconte sa souffrance après la révélation des faits, ses heures de marche pour se protéger, une forme de thérapie et beaucoup de chocolat. » son plaisir coupable ».

Elle reconnaît également avoir subi des actes barbares de la part de son mari. Est-elle prête à qualifier ainsi des actes soudains et ainsi faire courir à Dominique Pelicot le risque de la prison à vie ? Le battement de ses yeux est à peine perceptible. On demande à cette femme de condamner un homme. Son ex-mari et père de ses trois enfants. « Nous ne l’avons pas mentionné », a-t-elle déclaré sans trembler, en référence à ses avocats. On revient aussi sur sa liaison extraconjugale pardonnée par son mari. « Cette épreuve a-t-elle accentué l’admiration que vous aviez pour lui ? », demande Me Gontard. Gisèle Pelicot est mise à rude épreuve pour cette dernière audition et pourtant, elle n’a jamais été aussi sûre d’elle. ” Non, je n’ai jamais ressenti d’admiration parce qu’il m’a pardonné. C’était plutôt pour ses exploits sportifs : il a couru le marathon », précise-t-elle. Un de ses avocats sourit. La force est en elle. Et la cour le ressent au terme de cette matinée historique. “Je ne peux qu’évaluer aujourd’hui que toute ma vie est un mensonge », conclut-elle avec philosophie.

 
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