De son premier roman Code Lupinen passant par Nénuphars noirsou même le célèbre Un avion sans elleMichel Bussi enchaîne les succès. Plusieurs de ses romans ont été adaptés pour la télévision comme L’île prisonnière, d’autres dans les bandes dessinées, comme Mourir sur la Seine.
Il s’essaye également à la littérature jeunesse avec la série à succès NÉO, mais aussi des albums illustrés pour les plus jeunes.
Les Assassins de l’Aube, son nouveau roman
Invité par l’équipe de la bibliothèque du Puy-en-Velay, sa visite coïncide avec la sortie de son nouveau roman Assassins de l’aubepublished by Les presses de la Cité.
Nous suivrons l’équipe du commandant Valéric Kancel qui doit résoudre le meurtre de trois touristes. Une enquête qui nous fait voyager vers l’île de Guadeloupe, ses mystères, son histoire, ses racines.
Le style est toujours époustouflant, emportant le lecteur au rythme de l’enquête. Les scènes sont montées avec précision et les personnages analysés avec une grande psychologie.
Michel Bussi, cet après-midi, vous avez rencontré des lycéens qui travaillaient sur vos livres. Est-ce un échange différent de celui avec votre public traditionnel ?
« J’ai aussi écrit pour les adolescents une saga intitulée NEO. Certains adolescents me connaissent grâce à ça. Ils ont 14 ans, ils sont en CE1, ils ont aussi lu des romans pour adultes. Ils sont beaucoup plus francs dans leurs questionnements, c’est toujours assez amusant de voir comment ils réagissent face à un auteur connu, entre guillemets.
« Si on raconte une histoire à un enfant de 3 ans, on ne va pas la raconter avec les mêmes mots à un enfant de 15 ans. Nous nous adapterons naturellement, même si nous racontons la même histoire.
Changer de public et de sujet : romans jeunesse, roman policier, fantastique… Est-ce un exercice difficile pour vous ?
« Non, je le fais assez naturellement, c’est l’histoire qui change, mais ma façon d’écrire ne change pas vraiment. En tout cas, je ne me pose pas la question. C’est un peu comme quand on raconte une histoire à un enfant. Si vous racontez une histoire à un enfant de 3 ans, vous n’allez pas la raconter avec les mêmes mots à un enfant de 15 ans. Vous l’adapterez naturellement, même si vous racontez la même histoire. histoire C’est vraiment instinctif, il y en a. pas de travail particulier là-dessus »
« Et quand ils ont 14, 15, 16 ans, c’est un âge charnière où ils peuvent lire toute la littérature classique, les polars. En plus, nous avons une génération d’enfants très manga. Il leur faut encore beaucoup de choses pour les impressionner.
« Mes grandes expériences de lecture sont Tolkien. C’est ce que j’ai lu quand j’avais 13, 14, 15 ans et qui m’a émerveillé. Les adolescents qui liront les quatre tomes (…) cela marquera une partie de leur adolescence.
Qu’est-ce qui vous a motivé à toucher ce public adolescent ?
« Quand j’étais adolescente, j’étais déjà une grande lectrice. J’ai trouvé que la littérature pour adolescents, les Sagas, était vraiment une expérience de lecture assez incroyable. Mes grandes expériences de lecture ont été Tolkien, c’est ce que j’ai lu quand j’avais 13, 14, 15 ans et qui m’a émerveillé. Les adolescents qui ont lu les quatre tomes, parfois plusieurs fois, on peut dire qu’ils ont découvert. cette saga qui a occupé des mois de leur temps. Cela marquera une partie de leur adolescence. Quand on est adolescent, cela prend une autre dimension.
Vous venez présenter votre roman Les Assassins de l’Aube. Pouvez-vous nous en parler ?
« Ce roman est un thriller, avec des enquêteurs qui vont tenter de traquer un tueur qui sévit en Guadeloupe. L’histoire se déroule en Guadeloupe. Cette enquête s’inspire du passé colonial de l’île. C’est à la fois une promesse de voyage, une promesse d’intrigue policière forte et une promesse d’apprendre des choses sur cette île.
« À un moment donné, les choses vous hantent. C’est à ce moment-là que les personnages supplient de sortir de ta tête. »
Vous faites preuve d’une certaine déloyauté envers votre région, la Normandie… Pourquoi la Guadeloupe aujourd’hui ?
« Je suis allé en Guadeloupe. Pendant et après le séjour, tout s’est mis en place. C’est à dire que j’avais une intrigue et j’ai trouvé que l’intrigue pouvait parfaitement fonctionner en Guadeloupe. J’ai inventé les personnages, visité les lieux. À un moment donné, des choses vous hantent. C’est alors que les personnages demandent à sortir de votre tête.
On sent dans votre roman la précision des mots, sûrement due à votre passé de géographe. Vous y êtes resté longtemps ?
« Assez peu, 2 fois 3 semaines, et c’était en touriste. J’avais en tête d’écrire ce roman, mais ce n’était pas un pur moment de travail. Après, ce fut un gros travail de lecture, des compilations de documents. J’aime mélanger l’observation, discuter avec les gens. Nous apprenons aussi beaucoup, ce que tous les écrivains ne font peut-être pas, en lisant des choses parfois assez difficiles sur la sociologie. île, sur les relations économiques entre les communautés »
« Les gens dans la rue ne sont pas forcément capables d’analyser l’impact de l’esclavage sur les relations entre communautés »
« Il y a évidemment beaucoup de choses écrites par les chercheurs. Les gens de la rue ne sont pas forcément capables d’analyser l’impact de l’esclavage sur les relations entre communautés. Par contre, quand vous prenez des livres qui ont traité de ça, cela vous apprend d’innombrables choses. Il y a un long processus de récupération, de digestion.
« Il faut se mettre en situation d’essayer de comprendre les nuances propres à ce bout de territoire, son histoire et ses habitants »
Ce roman est, certes, un roman de pur divertissement, mais que j’espère juste. Parce que j’ai l’impression d’avoir beaucoup travaillé pour connaître toutes les particularités. La Guadeloupe est une île complexe. C’est une île qui a un passé particulier, avec des relations communautaires particulières. »
« Il y a beaucoup de fonctionnaires, je pense, qui arrivent de France sans forcément prendre le temps de comprendre les enjeux. Il faut se mettre en position d’essayer de comprendre les nuances de ce morceau de terre, son histoire et ses habitants.
Vous traitez également des sujets concernant la personnalité des inspecteurs, qui ont chacun leurs problématiques personnelles.
« Oui, ce qui fait aussi le charme d’un roman, c’est qu’on peut faire passer des thèmes à travers les personnages. Un de mes inspecteurs est homosexuel. L’homophobie est un problème fort en Guadeloupe. On a encore des réflexes homophobes qui sont forts, je me suis dit qu’à travers cet enquêteur, ça me permettra de parler de l’homosexualité sans caricature.
“On touche ainsi à des réalités sociales qui donnent de la profondeur aux personnages”
« Avec Valéric, c’est davantage la thématique des violences conjugales qui est abordée. Aux Antilles, l’alcool étant très présent, ce problème n’est pas anecdotique. On touche ainsi à des réalités sociales qui donnent de la profondeur aux personnages. Encore une fois, l’enjeu n’est pas de donner une leçon sur les violences conjugales en Guadeloupe. C’est une émotion par rapport au personnage et aussi par rapport à l’intrigue policière.
La grande force de vos romans, ce sont les rebondissements. Il vous arrive de ne pas connaître les derniers rebondissements ?
« J’essaie d’imaginer le plus possible mes rebondissements à l’avance. Je pense que c’est nécessaire si l’on veut que le roman soit rythmé. Par exemple, sur Les Assassins de l’Aube, j’avais ma fin. Et surtout, j’avais des scènes importantes avec des scènes clés, celles des meurtres évidemment, mais aussi des passages qui allaient rythmer le roman, le relancer un peu comme dans une série”.
“Je voulais que ce soit un roman spectaculaire”
« Je voulais que ce soit un roman spectaculaire, avec quelques scènes d’action. Je savais que je devais me rendre à cette scène. C’est comme un réalisateur qui va avoir des images très fortes dans son film. Il sait que ces images prendront beaucoup de temps à tourner, mais c’est ce qui fera la différence du film.
« La scène techno partie sur la plage des perles, les grandes manifestations de jeunes, qui viennent danser, je l’ai vu. On imagine bien ces images de soleil et de fêtes. Se dire, on va mettre le petit matin un criminel, l’évacuation d’urgence de la fête. C’est une scène que j’ai eu envie d’écrire, parce qu’on a envie de la voir qui doit être spectaculaire, comme une grande scène de film. l’action est aussi ce qui rythme le roman. cette envie d’avoir des morceaux de courage de temps en temps.
« Nous n’avons que des mots pour faire ressortir la peur, la chaleur, la tension. Mais si la scène est bien construite, si la tension est là, tout semble fluide. Pour l’écrivain et pour le lecteur »
Diriez-vous que l’action est toujours présente dans votre manière d’écrire, avec une histoire toujours dynamique ?
« Oui, c’est clair ! Généralement, quand une scène est bonne, c’est parce qu’elle est facile à écrire. Un chapitre que je n’arrive pas à écrire, c’est parce qu’il est mal conçu dans ma tête. C’est du travail d’écrire ! Nous n’avons que les mots pour faire ressortir la peur, la chaleur, la tension. Mais si la scène est bien construite, si la tension est là, tout semble fluide. le lecteur ».
«Je ne pense pas qu’on puisse compenser une scène qui n’est pas bonne ou qui ne fonctionne pas, ou qui n’est pas intéressante ou qui est plate. Un style est au service de l’histoire et non l’inverse”
Vous sortez un roman par an. Êtes-vous déjà sur un nouveau projet?
« Oui, je suis un peu en avance. J’ai tendance à écrire un peu plus vite que je publie. Cela permet aux romans de mûrir, de bien les préparer, de bien les relire. Je ne saurai pas travailler dans « l’urgence » et sachant que je dois publier un livre dans un mois et qu’il me reste encore trois derniers chapitres à attendre. J’ai toujours travaillé à l’avance.
Peut-on dire que vous avez encore cette fraîcheur d’un jeune écrivain ?
« Oui, je le pense. Comme j’étais publié vers l’âge de quarante ans, j’avais beaucoup d’histoires en tête, de rêves, de choses que je voulais écrire. Alors, quand je suis devenu écrivain, j’ai eu la possibilité de les écrire. »
« Il y a cette idée de dire qu’on peut réaliser des rêves. Et c’est incroyable. Pouvoir écrire des histoires avec lesquelles je vis parfois pendant des décennies, pouvoir les écrire… qu’elles deviendront des livres” .