« De nombreux ouvrages ne sont pas conformes aux connaissances scientifiques » – L’Express

« De nombreux ouvrages ne sont pas conformes aux connaissances scientifiques » – L’Express
« De nombreux ouvrages ne sont pas conformes aux connaissances scientifiques » – L’Express

Le « choc des savoirs », acte II. Mardi 12 novembre, la ministre de l’Éducation nationale Anne Genetet a dévoilé sa feuille de route dans un entretien à l’AFP et a énuméré les nouvelles mesures à venir visant à « relancer l’ascenseur pédagogique ». Des réformes qui, pour l’essentiel, avaient été initiées par Gabriel Attal en 2023. Parmi les annonces : l’extension progressive des groupes de besoins au collège ; à partir de juin 2026, une nouvelle épreuve de mathématiques en première année sur le modèle du baccalauréat français ; à partir de juin 2027, l’obtention du certificat deviendra obligatoire pour entrer directement en CE2.

“Nous allons également labelliser les manuels de CP et CE1 de français et de mathématiques pour accompagner les enseignants, notamment les plus jeunes, tout en leur laissant la liberté de choix”, a également annoncé Anne Genetet, tout en précisant que le ministère prendrait en charge leur financement en priorité. les réseaux éducatifs et les petites communautés rurales. Dans une lettre ouverte adressée à Nicole Belloubet, l’ancienne ministre, en avril dernier, une intersyndicale (FSU, Unsa Education, Sgen CFDT, CGT Educ-action, SUD Education) prévenait : « Manuels laborieux : non ! », dénonçant « une volonté politique de prendre le contrôle des contenus et des pratiques pédagogiques ».

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Pour Franck Ramus, directeur de recherche au CNRS, la labellisation des manuels scolaires représente au contraire une mesure de soutien et d’accompagnement des enseignants. Celui qui est également membre du conseil scientifique de l’Éducation nationale explique pourquoi cette instance a œuvré pour que cette mesure soit appliquée.

L’Express : A quoi sert la labellisation des manuels scolaires, mesure initiée par le conseil scientifique de l’Education nationale ?

Franck Ramus : Au sein du CSEN, nous sommes partis d’un constat : les manuels scolaires trouvés sur le marché sont extrêmement nombreux et de qualité très variable. Lorsqu’il s’agit notamment de l’apprentissage précoce de la lecture et des mathématiques, de nombreux ouvrages ne correspondent pas aux connaissances scientifiques de base. Pourtant, de nombreuses études – dont une réalisée en 2021, à grande échelle, par Jérôme Deauvieau, professeur de sociologie à l’École normale supérieure et membre du CSEN – ont démontré que les meilleurs manuels étaient beaucoup moins souvent utilisés que les autres. mais considéré comme beaucoup moins efficace. Notre idée est de mettre un peu d’ordre dans tout cela, non pas en établissant un classement de ces livres, mais en élaborant une série de critères très précis définissant un manuel cohérent avec les connaissances scientifiques sur l’apprentissage et l’efficacité de l’éducation. Cette mesure devrait inciter les éditeurs à aligner leurs contenus sur ces critères. De même, les collectivités territoriales, chargées de l’achat des manuels scolaires, auront tout intérêt à utiliser à bon escient l’argent public en privilégiant ceux ayant reçu ce label.

Les syndicats d’enseignants sont très critiques à l’égard de cette mesure, sous prétexte qu’elle porterait atteinte à leur liberté éducative. Que leur répondez-vous ?

Mais quel serait l’intérêt pour les enseignants de continuer à appliquer des méthodes dont les études scientifiques démontrent qu’elles ne sont pas optimales ? J’avoue que je ne comprends pas vraiment cet argument. Et j’insiste sur le fait que les enseignants seront toujours libres de se tourner vers les manuels qu’ils souhaitent, y compris ceux qui ne sont pas labellisés. Il y en aura peut-être moins sur le marché des manuels scolaires neufs, mais il y en aura toujours beaucoup dans les placards des écoles et sur Internet. C’est l’avantage de cette initiative : pouvoir, sans recourir à la coercition ni à la législation, faire changer les habitudes.

Pourquoi avoir spécifiquement ciblé les classes et disciplines de CP et CE1 comme la lecture et les mathématiques ?

En ce qui concerne l’apprentissage de la lecture, c’est en classe de CP que tout commence. Or, aujourd’hui, moins de 70 % des élèves savent lire correctement un texte simple au début du CE1. Les autres prendront du retard et, au fil du temps, s’accumuleront. D’où l’importance cruciale de ne pas rater cette première étape ! L’autre bonne raison pour laquelle nous pouvons nous permettre d’être un peu prescriptifs et de formuler des recommandations précises, c’est qu’en CP-CE1 nos connaissances scientifiques sur l’apprentissage et l’enseignement de la lecture sont très solides.

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Jérôme Deauvieau a par exemple montré que les manuels les plus efficaces sont ceux qui ont un taux de « déchiffrabilité » élevé : bref, mieux vaut éviter de demander aux élèves de lire trop de mots qu’ils ne sont pas capables de comprendre. déchiffrer, car ils n’ont pas encore appris les correspondances graphème-phonème nécessaires. Autrement cela incite les élèves à mémoriser la forme globale des mots, ce qui est une stratégie qui ne leur permet pas de lire de nouveaux mots et qui provoque de nombreuses erreurs. Les manuels de mathématiques peuvent également être améliorés. Au sein du conseil scientifique, Monica Neagoy, consultante internationale en mathématiques, cite souvent en exemple la méthode de Singapour, non pas pour la promouvoir en tant que telle, mais parce qu’elle rassemble un ensemble d’ingrédients qui ont fait leurs preuves dans la recherche et en classe. Malheureusement, ces éléments sont souvent absents de certaines œuvres françaises.

En , le marché des manuels scolaires est particulièrement prolifique. Une exception mondiale ?

Oui, il n’existe pas beaucoup d’autres pays où l’on trouve une telle profusion de manuels, dans toutes les matières et à tous les niveaux. Et le fait que les programmes évoluent très régulièrement oblige les collectivités locales à les racheter constamment. Ce qui, d’un point de vue économique, semble assez absurde ! La seule obligation des éditeurs est de respecter les programmes, véritables tables de la loi. Selon les années, les programmes sont rédigés de manière plus ou moins prescriptive : parfois ils ne mentionnent que ce qui doit être acquis par les étudiants ; à certaines époques, ils furent plus précis sur les méthodes à utiliser, notamment pour l’enseignement de la lecture.

La labellisation des manuels scolaires, ainsi que les nouveaux programmes qui entreront en vigueur à la rentrée 2025, marquent le retour à des recommandations beaucoup plus précises sur les contenus, les méthodes et les objectifs d’apprentissage d’année en année. Cela semble légitime compte tenu des performances insuffisantes des élèves français et de la grande diversité des pratiques pédagogiques observées durant ces années clés du CP au CE2.

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