L’Union européenne et le Mercosur discutent d’un traité de libre-échange depuis 1999. Mais les sujets agricoles ne font plus l’objet de négociations depuis 2019. La Commission européenne l’a confirmé mercredi lors d’une conférence de presse. Cette déclaration intervient alors que la France continue d’exprimer son opposition à la conclusion d’un accord.
C’est d’autant plus significatif dans un contexte marqué par l’hostilité générale du secteur agricole français. Les syndicats majoritaires ont appelé à la mobilisation dès lundi prochain, espérant obtenir le report, voire l’abandon du projet.
Mercosur : les moyens dont dispose la France pour stopper le traité
Nouveaux rendez-vous à la fin du mois
Pour rappel, une première conclusion politique a eu lieu en 2019. L’année suivante, la Commission européenne a finalement décidé de ne pas ratifier l’accord. Les discussions entre l’UE et le Mercosur ont repris en mars 2023. Elles ne portent désormais que sur quelques questions précises, faisant l’objet d’un « protocole additionnel ».
De ce fait, les questions liées au secteur agricole sont exclues. Dans le détail, Bruxelles exige de l’Argentine, de la Bolivie, du Brésil, du Paraguay et de l’Uruguay des engagements juridiques formels (dont la violation pourrait conduire à la suspension du traité) concernant le respect de l’accord de Paris sur le changement climatique, ainsi que« des politiques claires et efficaces pour arrêter la déforestation ».
“Je ne vois pas d’accord sans que ces cases soient cochées, et les pays du Mercosur le savent très bien.” a déclaré un négociateur de haut niveau de la Commission. Les pays du Mercosur, pour leur part, demandent davantage de protection pour leur propre industrie, a-t-il ajouté.
Agriculture : cette crise à venir
C’est donc la capacité des deux parties à converger sur ces points qui conditionne la conclusion d’un nouvel et définitif accord politique. Dès qu’une solution acceptable sera trouvée – « une décision politique à prendre à un très haut niveau » selon la Commission -, l’accord sera conclu et soumis au Conseil de l’UE et au Parlement européen, selon Bruxelles.
De nouvelles rencontres entre négociateurs européens et du Mercosur sont prévues à Brasilia à la fin du mois. Une annonce lors du sommet du G20 à Rio de Janeiro les 18 et 19 novembre semble en effet improbable. Cependant, le temps presse. En l’absence d’un accord rapide, le Mercosur pourrait se rapprocher de la Chine, craint l’exécutif européen. Une visite du président chinois Xi Ping est prévue à Brasilia le 20 novembre.
Un bon compromis, selon la Commission
« La négociation agricole, en revanche, a été finalisée en 2019. » nous disons à la Commission. Les quotas d’importation vers l’Europe pour certaines denrées alimentaires – dont la production est plus compétitive au sein du Mercosur – ne sont donc plus discutés. La Commission européenne estime avoir obtenu un excellent compromis, en limitant ces quotas à de faibles pourcentages par rapport aux quantités produites, consommées ou déjà importées dans l’UE.
« Pour la viande bovine, cela représente 1,6 % de la production européenne, et moins de la moitié de celle déjà importée dans l’UE en provenance de cette même région. Pour la volaille, c’est 1,4% de la production européenne, pour le sucre 1,2% de la consommation »détaille la Commission, qui considère que, “Malgré des concessions dans les secteurs les plus vulnérables, les volumes sont maîtrisés.”
« Les clauses sanitaires n’ont par ailleurs fait l’objet d’aucune négociation : tous les critères appliqués à toutes les importations de l’UE doivent être respectés », ajoute la Commission. En revanche, les conditions de production dans le Mercosur peuvent être différentes de celles de l’UE.
Quant aux contrôles, ils fonctionnent, malgré un récent audit de la Direction générale de la santé qui a montré des manquements des autorités brésiliennes, estime-t-on. Une clause de sauvegarde applicable aux produits sous quota aurait été négociée. En cas de distorsions du marché, cela permettrait de suspendre les importations des produits concernés.
Pour la Commission, il s’agit d’assurer la disponibilité des denrées alimentaires nécessaires à l’agriculture et à l’industrie françaises, comme le soja et les métaux rares, mais aussi de faciliter l’exportation de vins et de fromages.
“En raison de l’adoption de mesures miroir unilatérales par l’Union européenne depuis 2019, sur les antibiotiques, les néonicotinoïdes et la déforestation (via une réglementation pas encore appliquée, NDLR), les conditions du marché européen sont moins favorables pour le Mercosur”, ajoute la Commission, suggérant que remettre les questions agricoles sur la table pourrait forcer à des compromis moins protecteurs.
Un forum de 600 parlementaires
En France, ces affirmations de la Commission ne convainquent ni les secteurs agricoles ni de nombreux représentants politiques. L’opposition au Mercosur s’accroît. Après une première tribune signée par 200 députés en Le Figaro le 5 novembre, 600 parlementaires en ont signé un autre le 12 novembre Le mondeadressée à la présidente de la Commission européenne, Ursula van der Leyen.
Ce mercredi, le Premier ministre français Michel Barnier, accompagné du secrétaire d’État chargé des Affaires européennes Benjamin Haddad, doit rencontrer Ursula van der Leyen pour réaffirmer la position de l’exécutif.
Une manifestation est organisée à Bruxelles par plusieurs organisations agricoles européennes pour dénoncer le projet d’accord commercial. « La commission a toujours accordé beaucoup d’attention aux agriculteurs. Cela fait partie de l’ensemble des données politiques sur la table. » s’est limité à observer la Commission européenne.