C’est l’un des sujets qui a ravivé la colère des agriculteurs qui menacent toujours de manifester à partir du 15 novembre. Les 18 et 19 novembre se tient le G20 à Rio, au Brésil.. Et depuis des semaines, ils disent que cela pourrait être l’occasion de signer les accords du Mercosur.
L’accord de libre-échange entre l’Union européenne et les pays du Mercosur (Argentine, Bolivie, Brésil, Paraguay, Uruguay) est bloqué depuis 2019. Il n’a toujours pas été ratifié. Mais les discussions entre les deux parties ont repris ces derniers moissous la direction, entre autres, de l’Allemagne et de l’Espagne. Un accord très critiqué par les agriculteurs français, qui craignent une concurrence déloyale avec des pays qui n’ont pas les mêmes règles environnementales et hygiéniques que la France.
E2020, le rapport d’une mission menée par un chercheur d’INRAE Toulouse et de TSE (Toulouse School of Economics) Stéphane Ambec avait servi d’argument au gouvernement français.
Comment en êtes-vous arrivé à rédiger un rapport pour le gouvernement ?
Stéphane Ambec : « Tout a commencé il y a un an, c’est le Premier ministre Edouard Philippe, qui m’a mandaté pour présider une commission chargée d’évaluer l’accord de libre-échange avec le Mercosur sous l’angle du développement durable. la rédaction du rapport et les auditions qui l’accompagnaient ont duré un an. C’est ainsi que Jean Castex nous a reçus à Matignon.
Quel est l’objet d’une telle mission et le rapport que vous en avez fait ?
Nous nous sommes appuyés sur notre rapport pour argumenter cette décision de ne pas ratifier l’accord tel qu’il est. Notre rôle, en tant que chercheurs indépendants des pouvoirs politiques, est d’éclairer, produire le plus d’arguments scientifiques possibles pour éclairer les décisions publiques. Donc je ne peux pas vous dire ce qui va se passer. Je laisse les politiciens décider de ce qui est le mieux. Mais nous avons essayé de faire en sorte que la décision soit aussi éclairée que possible. Nous avons également suggéré des modifications ou des ajouts à l’accord. Dans le rapport, nous produisons certaines recommandations allant dans ce sens, la question de savoir à quoi ont abouti ces discussions.
Dans ce rapport, vous étiez très mitigés sur le Mercosur, sur sa contribution à la biodiversité notamment…
En effet, la conclusion du rapport est que même s’il y a eu des gains économiques, il y a aussi des pertes pour certains secteurs, notamment l’agriculture. Nous avons regardé dans le détail, l’impact de la réduction des droits de douane pour un quota de viande bovine sur la déforestation et avec différents scénarios, nous avons conclu que cette ouverture de quotas non tarifaires pourrait conduire à une augmentation de la une déforestation d’environ 5% par année pendant les six années d’abaissement des droits.
Et concernant nos agriculteurs, quelles conséquences ?
Ce que nous avons souligné dans le rapport est l’asymétrie entre les normes environnementales imposées aux agriculteurs en Europe et celles imposées dans les pays de la zone Mercosur, Le Brésil et l’Argentine, notamment en termes de pesticides ou de normes sanitaires pour le bétail. Au-delà du fait que la réduction des droits de douane pour réduire prix de la volaille, du bœuf, de l’éthanol, du sucre, il y a l’idée que les agriculteurs n’ont pas de concurrence équitable avec ces pays partenaires. Il est regrettable que l’on ait peu utilisé la négociation pour tenter évidemment d’exporter ces normes environnementales. Il y a très peu, voire rien, dans l’accord qui imposera les mêmes normes aux pays partenaires.»
- Pour calmer la colère des agriculteurs, le ministre de l’Agriculture a déclaré : « Nous sommes directement opposés à l’accord avec le Mercosur » selon Annie Genevard, il faut renégocier : “Ce que nous devons faire avant l’adoption de cet accord international, c’est essayer de rallier le plus de pays possible à notre cause” afin de mettre “un droit de veto” sur cet accord”, a défendu le ministre.
Emission spéciale Agriculture ce vendredi 15 novembre sur France Bleu Occitanie, entre 9h et 10h