C’est l’époque qui veut ça. Les mots s’échappent du dictionnaire et finissent par se perdre en chemin. On oublie son sens et on dit : « C’est extraordinaire » pour tout, pour rien. Dans notre monde un peu trop formaté, calibré, programmé, le moindre imprévu devient donc une aventure : la recherche d’une place pour se garer ou un passage en caisse rapide au supermarché.
Parce que sur notre planète, il ne reste plus grand chose à voir, à faire, qui n’ait déjà été vu ou fait. Au fin fond de la Papouasie-Nouvelle-Guinée – et l’anecdote est vraie – en arrivant dans le village reculé d’une tribu, nous pensions mettre le pied en terre inconnue, lorsqu’un Papou nous raconta que le spectacle Ushuaïa était déjà venu pour tout filmer.
En attendant le projet fou d’atteindre la Lune ou de vivre un jour sur Mars, les aventuriers, ici sur Terre, se comptent sur les doigts d’une main, alpinistes ou marins. L’Himalaya ou le Cap Horn, Védrines ou Le Cam. C’est peut-être pour cela que le Vendée Globe nous fascine tant. 40 au départ mais des milliers désireux de hisser les voiles pour parcourir, avec eux, le tour du monde.
Beaucoup rêvent en effet d’allumer le gyrophare, de quitter le périphérique pour aller jouer avec l’océan, défier les vagues et le vent. Les bateaux sont repartis dimanche, laissant nos vies en suspens sur le quai. Parce que le Vendée Globe est la dernière grande aventure que l’on peut vivre par procuration, une fois tous les quatre ans. Alors si, dans les trois prochains mois, à la table, au bureau ou au feu rouge, nous ne réagissons pas tout de suite, il ne faut pas nous en vouloir. C’est juste que nos esprits seront ailleurs. Sur un bateau, au milieu de l’océan.