Aux Sables-d’Olonne, une lutte au long cours contre le surtourisme sur le Vendée Globe

Aux Sables-d’Olonne, une lutte au long cours contre le surtourisme sur le Vendée Globe
Aux Sables-d’Olonne, une lutte au long cours contre le surtourisme sur le Vendée Globe

Yannick Moreau a sérieusement ralenti : “La commune ne fait plus de publicité et n’incite plus à venir aux Sables-d’Olonne.” Des propos surprenants pour le maire d’une petite ville française qui tire la majorité de ses revenus du tourisme. La plage de sable fin de cette station balnéaire de la côte atlantique s’étend sous le soleil sur environ 3 kilomètres de long.

La ville est traversée par des rues sinueuses ; Les villas pittoresques de la Belle Époque côtoient les vieilles maisons de pêcheurs qui penchent d’un côté ou de l’autre, attaquées par le vent autant que par d’insatiables requins de l’immobilier. C’est ce qui attire tant de beauté. Et cette année, il faut compter sur la présence d’une attraction supplémentaire : la dixième édition du Vendée Globe, la course à la voile la plus difficile au monde qui, tous les quatre ans, commence et se termine aux Sables-d’Olonne.

« Nous voulons offrir une expérience positive aux visiteurs. Et pour cela, nous devons préserver notre mode de vie. » explique le conseiller. Donc plus de publicité. L’année dernière, lors d’un week-end de mai, la ville a attiré autant de visiteurs qu’en août. L’opérateur téléphonique Orange a capté les signaux de plus de 210 000 téléphones portables, soit un peu plus de quatre fois le nombre d’habitants des Sables-d’Olonne.

M. Moreau a vu les gens se bousculer pour se frayer un chemin dans les rues bondées – des gens entassés comme les sardines dans l’usine locale. Plus tard, il reçut des lettres indignées. Parce que les parkings en périphérie de la ville étaient pleins et que les navettes gratuites, pleines à craquer, ne s’arrêtaient même pas pour prendre des passagers.

L’Atlantique, “ce n’est pas pour les timides”

Pendant longtemps, la a supporté ce que l’on appelle aujourd’hui « surtourisme ». Mais après les restrictions liées à la pandémie et le retour massif des touristes, de nombreuses villes en ressentent les effets. La ministre du Tourisme, Olivia Grégoire, a dessiné [en juin 2023] un plan de gestion des flux de visiteurs dans les destinations les plus prisées. Ces flux doivent être mieux canalisés, dit-elle, notamment en haute saison, pour protéger « l’environnement, la qualité de vie des résidents et l’expérience touristique des clients ».

Et est-ce que ça marche ? Hors saison, je vous l’accorde, la côte atlantique n’est pas faite pour le froid. « Au début, ça picote, après, c’est agréable », promet Armando da Silva. Cheveux blancs, corps élancé, ce sauveteur porte, comme tout le groupe qu’il amènera bientôt dans cette eau à 17°C, une combinaison néoprène et des chaussures de plongée. Seules les mains sont nues.

En France, le “longe-côte” est un sport populaire. Cette marche aquatique, dans une eau qui s’étend entre le nombril et la poitrine, est douce pour les articulations et se pratique dans une mer calme, avec peu de vagues. Ce matin, les conditions sont idéales. L’Atlantique est lisse comme un lac, le ciel d’un bleu radieux.

42% de résidences secondaires

Des conditions idéales, certes, mais au bout de trente secondes nos doigts sont gelés. « Ramez, n’arrêtez pas de ramer ! » conseille Armando da Silva, qui avance en agitant les bras. Une dizaine de débutants suivent sagement ses fesses. Nous bougeons nos bras tantôt vers l’avant, tantôt vers l’arrière, parfois sur les côtés.

La marée est basse. Sur la plage, à une certaine distance, quelques personnes font du jogging ou promènent leurs chiens en lançant des balles et des bâtons. Au restaurant Cabane d’Arthur, les premiers clients profitent des meilleures places sous la voile d’ombrage et se perdent dans la contemplation de l’océan.

“Ce sera une bonne saison” Lâcha plus tard Jean-Étienne Blanchard à l’Hôtel Atlantic. Avant d’ajouter un “plus”. Comme de nombreux hôteliers, le directeur de l’établissement 4 étoiles rencontre des difficultés croissantes pour accueillir ses saisonniers. En ville, 42 % des logements sont des résidences secondaires. Ils sont vides une grande partie de l’année et loués à prix d’or pendant les vacances. Pas de chance pour 4 000 des quelque 6 000 travailleurs du secteur touristique qui ne travaillent ici que quelques semaines ou mois par an, entre avril et septembre.

Des millions de visiteurs par jour

Si la municipalité n’avait pas débloqué des fonds pour convaincre plusieurs propriétaires de proposer des contrats de location saisonnière, Jean-Étienne Blanchard aurait dû réserver des chambres dans son hôtel pour son personnel. Actuellement, il verse aux propriétaires de ses salariés 30 % d’un loyer de 2 400 euros. La ville prend en charge le reste, ainsi que jusqu’à 2 500 euros pour les travaux de mobilier et de rénovation.

Autrefois, le “Sables” étaient moins fréquentées que de nombreuses destinations méditerranéennes ou, dans la moitié nord de la France, que l’îlot rocheux du Mont-Saint-Michel et certaines baies bretonnes très appréciées sur Instagram et compagnie. Et il fut un temps où le Vendée Globe constituait une prolongation extrêmement bienvenue de la saison touristique : des millions de visiteurs venaient pour une journée et, des semaines à l’avance, s’arrêtaient pour admirer les monocoques et les skippers, au total quelque 300 000 nuitées. reste. et 35 millions d’euros supplémentaires dans les caisses touristiques du Sablais.

Une fréquentation record attendue

Ce n’est sans doute pas un hasard si Les Sables-d’Olonne accueillent aujourd’hui d’autres courses prestigieuses comme la Transat New York Vendée. Pour le mois de novembre, presque tous les hébergements dans un rayon d’1h30 sont déjà réservés. Un journal local a même découvert des logements sur Airbnb dont le prix est passé de 80 à 4 000 euros la nuit à partir du 10 novembre, jour de l’inauguration du Vendée Globe. Alors que pour sa dernière édition, en 2020, les voiliers avaient dû quitter le port en l’absence de public, pour cause de Covid, on s’attend à une fréquentation record pour cette dixième édition de l’événement.

Ceux qui préfèrent le calme et le repos, Michel Dounon en est convaincu, trouveront leur bonheur dans la forêt domaniale d’Olonne. Ici, entre océan et marais, seul le bruissement des pas résonne sur le tapis d’aiguilles de pin qui jonche le sol. Et le son de sa propre respiration. Inspirez quatre pas, expirez quatre pas. Avec un peu de pratique, vous pouvez même en faire six avant de manquer d’air.

Coach sportif et spécialiste de la marche méditative, Michel Dounon a découvert cet exercice il y a quelques années. A l’époque, il cherchait une technique pour lutter contre le stress qu’il pourrait pratiquer en pleine nature et combiner avec une activité sportive. Pratiquée avec des bâtons de marche amortissants, la marche méditative mobilise 90 % des muscles, mais contrairement à la marche nordique, elle ménage les épaules et les coudes.

Salines et salines

Le roi Louis XV fit planter les premiers pins maritimes dans la forêt d’Olonne. Trois siècles plus tard, quand on y croise un piéton ou un cycliste et qu’on se salue d’un bref signe de tête, il semble que personne ne veuille troubler la quiétude des lieux. La forêt, qui s’étend sur 11 kilomètres de long, jusqu’à Bretignolles-sur-Mer, est une oasis de calme.

Lorsque vous longez la côte, près des dunes, vous n’entendez que le rugissement de l’océan à vos oreilles. L’air a un goût salé et dégage des arômes de curry d’immortelles. A proximité des marais, le sol humide nourrit toute une population d’érables, de hêtres, de chênes et autres.

C’est dans ces marais qu’est à l’œuvre Yohan Eveno. Vêtu de bottes en caoutchouc et d’une combinaison imperméable, il se tient debout dans une immense piscine rectangulaire creusée dans le sol : un marais salant abandonné depuis des décennies. Depuis qu’il avait 19 ans, lorsqu’il aidait le dernier des 150 sauniers de la ville, qui avait atteint l’âge de 80 ans, ce travail fascinait Yohan Eveno. Il s’est donc donné pour mission de sauver cette tradition menacée d’extinction.

Il a aujourd’hui 40 ans, et sur les 140 mares que contenait autrefois le marais, une bonne centaine sont encore enfouies sous la boue. Il y a ici de quoi occuper des générations. « Ce que j’aime dans ce métier, c’est que je fais exactement les mêmes actions que nos ancêtres faisaient il y a plus de 1 000 ans »confie M. Eveno.

“Rétrospectivement, je sais que j’ai pris la bonne décision.”

A côté des salines réhabilitées se dressent de petites pyramides de gros sel brut. Yohan Eveno récupère la fleur de sel au petit matin, à la main, avec une simouche, sorte de râteau. LE “gâteau de sel”, Cette couche de sel qui recouvre le fond des bassins, il la récolte en septembre. Une bonne salière donne jusqu’à 300 g de sel par litre d’eau. Durant les mois d’automne, M. Eveno travaille à enlever la couche de boue qui recouvre les étangs et les canaux, dont certains sont asséchés depuis un siècle. Une fois la boue enlevée, les marées pourront à nouveau faire circuler l’eau de mer, cette eau s’évaporera sous l’action du soleil et du vent, et des cristaux de sel se formeront.

Yohan Eveno ne travaille pas seul. Les marais d’Olonne comptent aujourd’hui huit sauniers. Des artisans à mille lieues du surtourisme.

 
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