La est-elle vraiment en voie de « mexicanisation » ?

La est-elle vraiment en voie de « mexicanisation » ?
La France est-elle vraiment en voie de « mexicanisation » ?

En matière de trafic de drogue, la est-elle confrontée à un risque de « mexicanisation » ? Bruno Retailleau aura peut-être l’occasion d’aborder à nouveau le sujet ce vendredi 8 novembre à Marseille. Le ministre de l’Intérieur doit annoncer diverses mesures contre le trafic de drogue en compagnie de Didier Migaud, son collègue de la justice. Très offensif sur ce dossier, Bruno Retailleau a marqué les esprits il y a une semaine à Rennes en utilisant ce terme. « Je vois bien des mini-États, des narco-enclaves, sur le territoire français, qui se constituent »il a ajouté.

Cette référence n’est pas une première. Cela fait déjà deux ou trois ans que policiers ou magistrats, notamment à Marseille, brandissent ce spectre d’une dérive. « Sud-américain » pour décrire les méthodes les plus violentes utilisées en France. « On assiste à de véritables actes de barbarie avec des membres du clan adverse torturés dans des caves ou brûlés vifs dans des coffres de voitures. C’est ce que l’on voit au Mexique où l’on retrouve aussi souvent des individus pendus aux lampadaires. indique Michel Gandilhon (1), membre du conseil d’orientation scientifique de l’Observatoire des crimes internationaux (Obsci). “C’est une stratégie savamment utilisée par les cartels, et désormais par certains groupes en France, dans une volonté d’intimider et de “terroriser” les clans adverses”, ajoute-t-il.

Des tueurs à gages recrutés de plus en plus jeunes

La France semble également s’inspirer d’autres pays pour recruter des tueurs à gages de plus en plus jeunes. Un peu sur le modèle de sicaireces tueurs mexicains ou colombiens n’ont parfois que 15 ans. Un phénomène que la police voit désormais émerger en France. « Il y a encore une petite différence avec le Mexique. Là-bas, les jeunes tueurs à gages ont une certaine affiliation avec les cartels qui les recrutent.» explique Clotilde Champeyrache (2), économiste et criminologue au Conservatoire national des arts et métiers (Cnam). « En France, les trafiquants de drogue font de plus en plus appel à des jeunes contactés sur les réseaux sociaux mais le plus souvent déconnectés des groupes pour lesquels ils vont travailler. Ces jeunes accomplissent certaines missions, mais souvent sans rien connaître de l’organisation ni des membres des groupes qui les emploient. »

Ce spécialiste constate cependant que ces jeunes tueurs à gages français sont souvent baignés dans un univers culturel et un “imaginaire” très ancré dans le trafic de drogue sud-américain. « Leurs références sont les séries Narcos ou Pablo Escobar, qui provoquent une certaine fascination, à l’image du film Écharpe à une autre époque », ajoute-t-elle.

30 000 décès au Mexique liés au trafic de drogue chaque année

Mais cette comparaison avec le Mexique a aussi ses limites. “C’est même totalement infondé si l’on regarde le nombre d’homicides”, souligne Michel Gandilhon. « Chaque année, il y a environ 30 000 décès liés au trafic de drogue au Mexique »précise Clotilde Champeyrache. En France, au premier semestre 2024, 42 décès ont été enregistrés liés à la circulation et « 182 actes d’assassinat ou tentatives d’assassinat »précisait un responsable de la police sur France Info en octobre. « Au Mexique, les trafiquants de drogue assassinent également des juges, des journalistes et des hommes politiques. C’est un régime de terreur que l’on ne connaît pas, du moins pour l’instant, en France. remarque Clotilde Champeyrache.

Une autre différence majeure concerne l’ampleur de la corruption. Le phénomène n’est certainement pas inexistant en France où l’on voit des gardiens de prison, des commis, des douaniers, des dockers rendre certains services à ces criminels qui les paient ou les menacent. « Mais au Mexique, la corruption prend une tout autre ampleur. Là-bas, par exemple, plus d’une quinzaine de gouverneurs sont soit en fuite, soit en prison pour leurs liens avec les cartels. indique Michel Gandilhon. Citant également le cas de Genaro Garcia Luna, ancien ministre de l’Intérieur (2006-2012). Il y a moins d’un mois, ce haut fonctionnaire a été condamné à trente-huit ans de prison pour ses liens avec un cartel.

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« Des signaux faibles mais inquiétants »

Jérôme Durainsénateur socialiste et coprésident de la commission d’enquête (3) sur l’impact du trafic de drogue en France

« La comparaison avec le Mexique est certes excessive, mais il y a encore des signaux faibles mais inquiétants en France. Premièrement, on constate une expansion du trafic de drogue sur une grande partie du territoire. Récemment, à Dijon, un magistrat me confiait que les coups et actes barbares, diffusés sur les réseaux sociaux, sont désormais très ordinaires. Nous constatons également une large diversification des activités criminelles des trafiquants de drogue, qui opèrent également dans le domaine de l’extorsion, de la prostitution et du trafic d’êtres humains. Enfin, bien qu’il reste émergent, le phénomène de corruption est désormais une réalité en France. »

(1) Pharmacie. Drogues illicites et trafic en FranceÉd. du Cerf, avril 2023.

(2) Géopolitique mafieuseLe Cavalier Bleu, 2022.

(3) Rapport remis en mai 2024.

 
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