STÉPHANE DE SAKUTIN / AFP
Marine Le Pen photographiée au tribunal de Paris le 5 novembre (illustration)
POLITIQUE – mercredi 9 novembre 2016. Les résultats de l’élection présidentielle américaine entre Donald Trump et Hillary Clinton ne sont pas encore consolidés et Marine Le Pen ne cache pas son enthousiasme. ” Félicitations au nouveau président des États-Unis Donald Trump et au peuple américain libre ! », a-t-elle publié sur Twitter, accompagnant ce message de ses initiales, histoire de souligner que c’est elle qui a tweeté en personne.
Huit ans (et le fiasco de 2020) plus tard, l’enthousiasme n’est plus le même. Sur le même réseau social, la présidente du groupe RN à l’Assemblée nationale se montre plus mesurée. ” Les Américains ont choisi librement le président qu’ils ont choisiécrit-elle, avant d’utiliser un vocabulaire diplomatique convenu. Cette nouvelle ère politique qui s’ouvre doit contribuer au renforcement des relations bilatérales et à la poursuite du dialogue et de la coopération constructive sur la scène internationale. »
Un changement de ton qui illustre autant sa forte volonté de normalisation que sa volonté de tenir à distance le fantasque président américain.
La situation a changé
Pourtant, au Rassemblement national, d’autres ont du mal à contenir leur joie. Dans son propre parti, comme chez son allié Eric Ciotti, c’est un véritable sentiment de victoire par procuration qui s’exprime et qui rapproche automatiquement la leader d’extrême droite de son homologue national-populiste américain. Après tout, le milliardaire n’a-t-il pas réussi à briser un plafond de verre, en faisant son retour sous le nez des médias ? hostiles » tout en défendant une politique farouchement xénophobe proche de ce que propose le parti lépéniste en France ?
« Donald Trump est à l’Amérique ce que Marine Le Pen est à la France », s’est enflammé, la veille de la victoire du milliardaire Pascal Praud sur CNews. Sauf que, si l’idole de Kamala Harris a longtemps servi de modèle à la députée du Pas-de-Calais qui, rappelons-le, avait fait le siège devant la Trump Tower en 2017 dans l’espoir de recevoir (en vain) l’onction du milliardaire, la situation a changé. La gestion erratique de la crise sanitaire aux Etats-Unis couplée à l’invasion du Capitole (qui a conduit Marine Le Pen en 2020 à admettre douloureusement la défaite du Républicain) a conduit la présidente du groupe RN à l’Assemblée, en quête de respectabilité. en France, pour prendre progressivement ses distances avec le milliardaire.
Du moins dans le discours, puisque ses alliés européens, de Matteo Salvini en Italie à Viktor Orban en Hongrie, accueillent plus chaleureusement le retour du milliardaire à la Maison Blanche. Une position prudente pleinement assumée par le conseiller spécial de Marine Le Pen, Philippe Olivier. ” S’il gagne, il risque de prendre des mesures de rétorsion sur le vin français ou le Cognac. Nous ferons bonne impression auprès de nos vignerons si nous les soutenons… », a-t-il expliqué à Indiquer avant le vote.
Une enquête publiée fin octobre par Elabe pour BFMTV avait aussi de quoi appeler à l’action pour ceux qui le souhaitent « normaliser « . Selon cette étude, 64 % des Français souhaitaient une victoire de Kamala Harris, contre 13 % pour Donald Trump. Plus intéressant, seuls 30 % des électeurs RN souhaitent le voir revenir à la Maison Blanche (contre 46 % pour son rival démocrate). ” Les électeurs du Rassemblement national ont, à des niveaux inférieurs, une meilleure image de Kamala Harris que de Donald Trump ; ils la voient notamment comme une personnalité plus sympathique (56% contre 16%) et Donald Trump comme plus arrogant (64% contre 14%). %) et inquiétant (58% contre 14%) », a encore souligné Elabe.
«C’est mauvais pour Marine»
Une donnée qui permet de comprendre pourquoi le leader du RN semble s’abstenir de jubilation trop ostentatoire. ” Politiquement, la victoire de Donald Trump est mauvaise pour Marine. Parce que la propagande anti-Trump se reflétera sur elle. Comme ce fut le cas en 2017 », souffle carrément à HuffPost un familier du RN. D’autant que la victoire du magnat de l’immobilier marque le succès d’une stratégie qui s’oppose à celle des dirigeants de l’extrême droite française.
Quand l’état-major du RN cherche à se normaliser, et à se débarrasser des atours du populisme, Donald Trump mène une campagne extrême, loin des médias traditionnels et ne reculant devant aucun excès… jusqu’à mimer des gestes obscènes dans les meetings. ” Marine Le Pen elle-même essaie depuis plusieurs années de ne pas faire de la politique de la sorte, justement en soignant son langage, en traquant les pommes pourries, en normalisant ses propos à l’égard d’un certain nombre de personnes. des minorités », souligne auprès de l’AFP le politologue spécialiste de l’extrême droite, Jean-Yves Camus, qui ajoute : « il y a peut-être une liesse interne « les wokistes ont été vaincus, le candidat racisé a été vaincu » mais le RN n’a rien à gagner à le montrer car l’image de Donald Trump en France est très mauvaise ».
Dans ces circonstances, on imagine mal comment Marine Le Pen pourrait bénéficier directement de la victoire d’un homme qui, jusqu’en 2027, aura plus d’une fois l’occasion de choquer l’opinion publique française, en défendant des positions très proches du RN et en suscitant l’admiration de plusieurs élus lépénistes ou alliés de Marine Le Pen. A ce sujet, comment réagira l’électorat de droite modérée qu’elle convoite lorsque des images de « la plus grande opération d’expulsion » des migrants (hommes, femmes et enfants) promis par Donald Trump (et si besoin avec l’aide de l’armée) traverseront l’Atlantique ? Comment l’électorat féminin, auprès duquel le RN a progressé lors des dernières élections, constatera-t-il les probables reculs sur l’avortement ? Autant d’inconnues qui plomberont sans doute le RN jusqu’en 2027.
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