rencontre avec Louisa, soignante et protagoniste du documentaire de François Ruffin

Trois fois par semaine, Louisa se rend chez Jacqueline et Fredy, près de Saint-Étienne (Loire), tous deux âgés de 96 ans. Elle leur prépare le déjeuner, s’assure qu’ils vont bien, les réconforte. Une présence indispensable : “Heureusement que tu es là.”chuchote Jacqueline. Louisa, 56 ans, est aide-soignante depuis 15 ans : «Je suis tombé amoureux de ce métier.»

Elle est l’un des personnages du nouveau film de François Ruffin et Gilles Perret, “Au Boulot !”, en salles le 6 novembre. Le député de la Somme invite Sarah Saldmann, avocate des médias habituée des plateaux télé des chaînes de Vincent Bolloré, à passer une semaine chez des Français qui vivent avec 1 000 euros par mois. Une invisible. L’avocat nettoie les toilettes, participe à une livraison de colis et accompagne une distribution du Secours populaire. Elle rencontre également un cariste, un manutentionnaire et des ouvriers de l’industrie agroalimentaire.

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Une ardoise permet de communiquer avec Jacqueline.
© Radio-France -Victor Vasseur

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“Nous sommes des éponges”

La grande majorité des bénéficiaires aidés par Louisa sont des retraités. Certains sont malades, d’autres isolés. « Notre rôle n’est pas d’être là et de les plaindre, c’est d’essayer de les motiver, de faire en sorte que tout se passe mieux pour eux. Quand nous arrivons, ils nous attendent, tous. je vois peu de monde pour la plupart. Mais ce contact, parfois très étroit et intime avec ces personnes âgées, est « une forte charge émotionnelle», dit Louisa. « Nous sommes des éponges. Nous devons nous séparer ». Sa méthode : de la musique forte dans sa voiture. « Ce qui fait boum, boum, boum. Comme si quelqu’un me tapait sur la tête, sur la tête pour me dire, allez, ça sort, ça sort.

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Louisa est aide-soignante depuis 15 ans.
© Radio-France -Victor Vasseur

1 000 euros par mois

François Ruffin, l’un des réalisateurs, décrit Louisa et les autres protagonistes comme les « héros » du film : «Ces gens-là n’ont jamais de droit de réponse, et ici, pour une fois, quelqu’un descend de son piédestal, se met sur un pied d’égalité et offre un droit de réponse.» Lors du tournage du documentaire, Louisa a rencontré l’avocate Sarah Saldmann, dont les propos dérangent et choquent l’aide-soignante. Parmi ses déclarations sur les plateaux télé : « Mieux vaut avoir 1 300 euros que d’être au chômage ». Ou encore : «Je n’ai aucune excuse pour les gens qui disent qu’ils n’ont pas trouvé de travail depuis neuf mois. Et bien non, c’est juste que tu n’as pas vraiment regardé. (…) C’est quoi ces personnes fragiles ? Quels sont ces gens faibles ? De quoi faire réagir Louisa : « Cela me met en colère. Qu’ils viennent vivre avec nous. 1 000 euros par mois, ce n’est pas vivre, c’est survivre. C’est blessant.

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177 000 soignants en France

1 000 euros par mois, des horaires fragmentés et un travail physique qui casse le corps. Son genou et son épaule commencent à lui dire stop. Comme Louisa, il y a 177 000 soignants en France, dont 91 % sont des femmes. « Il en faudrait deux fois plus pour pouvoir tout assumer et surtout l’assumer correctement »croit Louisa. Quelle est la conséquence du manque de soignants ? “J’appelle ça de la maltraitance car on ne prend pas soin de ces gens comme on le devrait”elle répond.

Plus de la moitié des soignants ont plus de 50 ans, selon Louisa. Le secteur peine à recruter. Un poste sur cinq n’est pas pourvu. Une des causes : un métier méconnu. « La plupart des gens qui connaissent vraiment notre utilité sont ceux qui s’occupent de nous et qui ont besoin de nous. Quand nous disons que nous sommes soignants, ils nous prennent tout et rien. Très souvent, on nous dit que nous sommes des nettoyeurs. Non, ce n’est pas vrai. Le ménage fait partie de mon travail, mais ce n’est pas mon travail.

Permettre aux personnes âgées de rester à la maison

Comme Jacqueline et Freddy, Louisa prépare les repas, aide aux courses, accompagne Jacqueline dans certaines activités quotidiennes : s’asseoir, manger, l’aider à aller aux toilettes. « Il faut beaucoup de patience avec les personnes âgées »sourit Freddy. « Dans les maisons de retraite, selon ce qu’on dit, ce n’est pas toujours évident. Je suis à l’aise à la maison. Mes habitudes, tout ça, restent ici

Une infirmière vient matin et soir et un kinésithérapeute vient à leur domicile deux jours par semaine. Freddy se sent privilégié : « Tout le monde n’est pas aussi gâté que nous de les avoir. Nombreux sont ceux qui n’ont pas d’aide. ». Ce qui fait dire à Louisa : «Sur permet aux gens de rester chez eux, nous sommes utiles à la société.

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